
Par Olivier d’Auzon
Le feu des insurgés de Katmandou a ravivé, en une semaine sanglante, tous les fantômes d’un pays encore jeune en démocratie. Le Népal, monarchie himalayenne jusqu’en 2008, croyait avoir trouvé la stabilité en se muant en République. Mais la corruption, les querelles de clans politiques et l’absence de perspectives pour sa jeunesse ont fini par creuser un gouffre entre les élites et la population. Aujourd’hui, ce gouffre explose au grand jour, sous les flammes du Parlement incendié et les slogans d’une génération en révolte.
Le choc d’une révolte générationnelle
Au départ, tout paraît presque banal : un gouvernement qui décide de bloquer les réseaux sociaux, ces exutoires d’une jeunesse privée d’espace public. Mais la décision du Premier ministre KP Sharma Oli agit comme une étincelle dans une poudrière. La police tire, le sang coule, et l’effet de seuil est franchi : la rue s’embrase.
Bientôt, ce n’est plus une manifestation mais une insurrection. Les jeunes enflamment les symboles du pouvoir, brûlent le Parlement, saccagent les résidences des leaders politiques. Katmandou se couvre de fumée, les sirènes hurlent, les chars de l’armée apparaissent. La répression ne fait qu’alimenter la colère : 51 morts en une semaine, des centaines de blessés, et plus de 13 500 prisonniers en fuite, profitant du chaos pour briser leurs chaînes.
La crise prend même une dimension tragique et internationale : une touriste indienne, piégée dans un hôtel en flammes, meurt en sautant dans le vide. Le monde découvre alors que ce petit État himalayen, souvent réduit à l’image apaisée des montagnes et des trekkeurs, est à nouveau en proie à ses vieux démons.
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La tentation de l’homme providentiel
Dans la confusion, certains noms circulent pour prendre la tête de la transition. Kulman Ghising, ancien directeur de l’Autorité de l’électricité, est évoqué. Il s’était taillé une réputation en mettant fin aux interminables coupures de courant qui plongeaient le pays dans l’obscurité. Mais ce technocrate charismatique, symbole d’efficacité, ne franchira pas l’obstacle.
C’est finalement une femme, inattendue, qui s’impose. Sushila Karki, 73 ans, ancienne présidente de la Cour suprême, devient la première femme Premier ministre de l’histoire du Népal. Réputée incorruptible, elle est nommée par le président Ramchandra Paudel après des tractations menées sous l’égide de l’armée. Son mandat est clair : organiser des élections le 5 mars 2026.
Dans ce choix, il y a la volonté de calmer la rue en misant sur une figure extérieure aux combines partisanes. Mais il y a aussi un aveu : l’élite politique s’avoue incapable de gérer la crise et doit céder la main.
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Un pays prisonnier de son histoire
Pour comprendre cette implosion, il faut revenir sur l’histoire récente du Népal. Pendant deux siècles, ce royaume enclavé entre la Chine et l’Inde fut gouverné par une monarchie qui se présentait comme l’incarnation de l’unité nationale. Mais derrière l’apparat, le pays vivait dans la pauvreté et l’exclusion sociale.
Dans les années 1990, le vent démocratique qui soufflait sur l’Asie atteignit Katmandou. Une monarchie constitutionnelle fut instaurée, mais la corruption minait les gouvernements successifs. C’est alors que surgit la guérilla maoïste. Pendant dix ans, de 1996 à 2006, une guerre civile opposa les insurgés aux forces de l’État, faisant plus de 17 000 morts.
En 2008, après le massacre de la famille royale et la défaite des loyalistes, la monarchie fut abolie. La République démocratique fédérale du Népal naquit dans l’enthousiasme. Mais depuis, le pays a vécu dans une instabilité chronique : coalitions fragiles, gouvernements renversés à répétition, querelles partisanes paralysant les réformes. KP Sharma Oli, figure du Parti communiste népalais (maoïste), incarna cette élite qui s’accroche au pouvoir, sans jamais répondre aux attentes.
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Le poids des géants voisins
Le drame népalais n’est pas qu’une affaire intérieure. C’est aussi une question géopolitique. Le pays, coincé entre la Chine et l’Inde, vit sous le regard jaloux de ses deux puissants voisins. Pékin finance routes et infrastructures dans le cadre de ses « Nouvelles routes de la soie », espérant tirer Katmandou de son isolement. New Delhi, traditionnel protecteur, redoute ce basculement vers le Nord.
Aujourd’hui, l’Inde a salué la nomination de Sushila Karki, espérant un retour à la stabilité. Mais elle sait que le feu couve toujours. Si le Népal sombre dans le chaos, c’est tout l’équilibre fragile de l’Himalaya qui pourrait vaciller.
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L’inconnue de la jeunesse
La vraie question demeure : cette génération Z népalaise, qui a pris la rue au nom de la transparence, de l’éducation et de la dignité, saura-t-elle transformer sa colère en projet politique durable ? Ou bien verra-t-elle, comme tant de fois depuis 2008, ses espoirs récupérés par de nouveaux clans ?
La nomination de Sushila Karki a suspendu le temps, offrant au pays un répit fragile. Mais la jeunesse n’acceptera pas un simple replâtrage institutionnel. Elle veut un changement de système, pas seulement de visages.
Si les élections de mars 2026 n’apportent pas cette rupture, alors le Népal, pays au passé tragique, pourrait de nouveau s’enfoncer dans le cycle sans fin de l’instabilité.
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