
Par Olivier d’Auzon
L’Éthiopie, ou l’alerte venue de la Corne
Pendant quinze ans, Addis-Abeba fut l’élève modèle de la « diplomatie des infrastructures » chinoise. Autoroutes flambant neuves, chemin de fer vers Djibouti, barrages géants : le crédit de Pékin coulait à flots. Mais la guerre civile au Tigré, conjuguée à la chute du birr, a transformé ces prêts en fardeau insupportable. L’Éthiopie, longtemps vitrine de la Belt and Road Initiative en Afrique, est devenue son avertissement. Pékin a dû consentir à une restructuration douloureuse de la dette, révélant les limites d’un modèle basé sur l’endettement massif.
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De la générosité au calcul : Pékin corrige le tir
Les dirigeants chinois ne sont pas naïfs. Ils savent que, dans les cénacles internationaux, les Occidentaux, menés par Washington, les accusent d’« asphyxier » les États africains par la dette. Alors, pour désamorcer la critique, Pékin affiche un visage coopératif dans le cadre commun du G20.
Mais comme l’a récemment souligné Africa Intelligence, le 05/09/2025 , cette conversion au multilatéralisme demeure toute relative. Car derrière la vitrine des forums internationaux, la Chine conserve son vieux réflexe : traiter chaque pays au cas par cas, dans le huis clos des négociations bilatérales, là où elle garde l’avantage stratégique.
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La fin des chantiers pharaoniques
Il y a dix ans, Pékin distribuait des milliards pour bâtir autoroutes, ports et stades à travers tout le continent. En 2016, ses prêts annuels atteignaient plus de 25 milliards de dollars. Aujourd’hui, ils plafonnent à 4,6 milliards. Le temps des grands projets « vitrine » est révolu.
À leur place, une nouvelle doctrine : des prêts plus ciblés, mieux calibrés, adossés à des garanties réelles et orientés vers des secteurs jugés stratégiques – énergie renouvelable, logistique portuaire, agriculture durable.
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Une enveloppe sous conditions
Au dernier sommet Chine-Afrique, Xi Jinping a promis 46 milliards d’euros sur trois ans. Mais nuance de taille : comme l’ont noté plusieurs analystes repris par Africa Intelligence, la majorité de ces financements transiteront désormais par des banques multilatérales ou régionales, et non plus directement via Pékin.
La Chine se protège ainsi du risque politique direct, tout en gardant la main sur l’orientation stratégique. C’est une mutation silencieuse : moins d’exubérance, plus de prudence. Pékin n’entend plus être le banquier imprudent de l’Afrique.
Djibouti, Kenya, Éthiopie : la hiérarchie des priorités
La Chine n’a pas une Afrique, mais plusieurs.
- Djibouti, verrou de la mer Rouge, conserve une importance stratégique, avec la seule base militaire chinoise à l’étranger.
- Le Kenya, vitrine de l’Afrique anglophone, reste un partenaire clé avec son port de Mombasa et sa position dans la Belt and Road initiative.
- L’Éthiopie, malgré son endettement, demeure incontournable par son poids démographique et son rôle diplomatique.
Comme l’explique Africa Intelligence, Pékin continuera de soutenir prioritairement ses points d’ancrage stratégiques, quitte à délaisser les pays jugés secondaires, qui devront se tourner vers des mécanismes collectifs.
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La nouvelle grammaire chinoise en Afrique
À travers ces inflexions, se dessine un message limpide : la Chine demeure présente, mais elle choisira avec qui, où et comment. L’ère des « chèques en blanc » est terminée. Désormais, chaque partenariat sera un compromis entre intérêt stratégique et soutenabilité économique.
En choisissant la voie du multilatéralisme tempéré par le bilatéralisme, Pékin évite d’apparaître comme un créancier impérial, tout en continuant de défendre ses positions. C’est du pragmatisme pur, dans la plus pure tradition de la stratégie impériale chinoise : avancer sans s’enliser.
Une Afrique sous observation
Le continent africain, terrain de la grande compétition sino-américaine, entre dans une nouvelle ère. Pour les capitales africaines, l’équation devient plus complexe : moins d’argent facile, plus de conditions, mais aussi une possibilité de coopérer avec une Chine plus sélective.
La Chine n’abandonne pas l’Afrique. Elle l’observe, la trie, la finance à sa manière. Et comme le rappelle Africa Intelligence, c’est dans le détail des négociations bilatérales – à Addis-Abeba, Nairobi ou Djibouti – que se dessinera le vrai visage de sa stratégie.
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