DÉCRYPTAGE – Taïwan, premier importateur de pétrole russe en 2025 : Un paradoxe géopolitique

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Taïwan, premier importateur de pétrole russe en 2025
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)

En 2025, Taïwan est devenu le principal importateur de pétrole russe, en achetant pour 1,3 milliard de dollars en une seule année et en multipliant par six le volume moyen mensuel d’importation par rapport à 2022. Depuis février 2022, début de la guerre en Ukraine, Taipei a dépensé au total 11,2 milliards de dollars en carburant russe, soit 220 fois plus que le soutien économique accordé à Kyiv.

L’île high-tech et sa dépendance énergétique

Taïwan, reconnu comme pôle mondial des semi-conducteurs, ne possède pas de ressources énergétiques propres et dépend presque entièrement des importations de pétrole et de gaz. L’explosion des prix de l’énergie en 2022 et les sanctions occidentales contre la Russie ont poussé Moscou à proposer d’importants rabais sur le brut Oural et d’autres produits raffinés, offrant aux pays asiatiques — dont l’Inde et la Chine — une alternative avantageuse.

La même logique économique a séduit Taipei qui, bien qu’aligné sur les sanctions américaines concernant la technologie et la défense, n’a pas interrompu son commerce énergétique avec Moscou, devant trouver un équilibre entre sécurité géopolitique et besoins industriels.

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L’effet des sanctions et les routes asiatiques

Après l’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe, la majeure partie des exportations de Moscou s’est réorientée vers l’Asie via des négociants internationaux et des triangulations portuaires. Taïwan a ainsi pu acheter du brut russe à des prix inférieurs en moyenne de 15 à 20 % au Brent, un avantage déterminant pour une économie énergivore et tournée vers l’exportation.

Ce phénomène montre comment les sanctions occidentales ont redessiné les flux mondiaux sans pour autant réduire significativement les revenus pétroliers de Moscou, qui a trouvé en Asie des clients stables.

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Un paradoxe stratégique

La dépendance aux carburants russes place Taïwan dans une position géopolitique ambiguë : tout en recevant le soutien militaire et technologique de Washington et de Tokyo pour contenir la pression de Pékin, l’île contribue indirectement à financer l’économie de guerre de Moscou, allié stratégique de la Chine.

Cette contradiction apparaît d’autant plus frappante si on la compare à l’aide modeste fournie à l’Ukraine, une fraction infime des dépenses consacrées au pétrole russe. Cela soulève des questions sur la cohérence de la politique étrangère de Taipei et sur la capacité des démocraties asiatiques à s’aligner sur le bloc occidental en période de crise énergétique.

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Répercussions économiques et environnementales

La hausse des importations énergétiques en provenance de Russie contribue à maintenir des coûts de production industrielle bas à Taïwan, notamment dans le secteur des micro-processeurs, grand consommateur d’électricité. Cependant, ce choix risque d’exposer l’île à de nouvelles pressions politiques de Washington, qui plaide déjà pour un découplage énergétique et technologique d’avec Moscou et Pékin.

Sur le plan environnemental, la dépendance à des énergies fossiles bon marché ralentit la transition vers les renouvelables, déjà difficile pour un pays au territoire restreint pour le solaire et l’éolien.

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L’ombre de Pékin

Le facteur chinois ne doit pas être négligé : Pékin, principal partenaire et acheteur de pétrole russe, pourrait exploiter la dépendance énergétique de Taïwan pour influencer indirectement les flux d’approvisionnement, surtout en cas de crise militaire dans le détroit de Taïwan. Cela rend plus urgente la diversification des sources et le renforcement des réserves stratégiques de Taipei.

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L’énergie, talon d’Achille géopolitique

Le cas taïwanais confirme que la guerre en Ukraine a transformé les routes énergétiques mondiales, créant de nouvelles dépendances et vulnérabilités stratégiques. L’île, vitrine des démocraties technologiques du Pacifique, se retrouve aujourd’hui liée au pétrole d’un des pays les plus sanctionnés au monde. Une leçon sur la puissance de l’énergie comme levier dans la compétition géopolitique et sur la difficulté, même pour les économies avancées, de concilier principes politiques et impératifs industriels.


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