
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Un signal politique avant tout
La décision de Fitch de dégrader la note de la dette française de AA- à A+ n’est pas qu’un verdict technique. Elle a valeur de signal politique : les marchés, et donc leurs principaux évaluateurs, ne croient plus à la capacité de la France de se réformer.
L’agence américaine a pointé du doigt l’instabilité gouvernementale – quatre exécutifs en un an – et la fragmentation du paysage politique qui rend toute politique budgétaire ambitieuse presque impossible. Le dernier plan crédible de réduction du déficit, celui de François Bayrou, visait -4,6 % en 2026 avec un effort colossal de 44 milliards d’euros. Les prévisions actuelles parlent tout au plus d’un déficit à -5 %, et surtout, aucune perspective ne permet d’espérer un retour sous les 3 % du PIB avant 2029.
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Les conséquences économiques immédiates
La sanction n’est pas que symbolique. La dette française, détenue à 54 % par des investisseurs étrangers, devient plus chère à financer. Certains fonds, limités par leurs statuts, devront réduire leur exposition, ce qui fera monter les taux d’intérêt et alourdira la charge de la dette. Déjà, celle-ci pèse 58,8 milliards d’euros par an et pourrait dépasser les 107 milliards en 2029. Cette spirale risque de grignoter les marges de manœuvre budgétaires et de forcer le gouvernement à arbitrer entre dépenses sociales, investissement public et respect des critères européens.
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Un alignement sur les marchés européens
La dégradation était presque inévitable : l’écart avec l’Espagne (A-), le Portugal (A-) ou l’Italie (BBB+) était devenu difficile à justifier. Ces pays, pourtant plus endettés pour certains, ont retrouvé une trajectoire budgétaire crédible et se financent parfois à des taux inférieurs à ceux de la France. Rome a réduit son déficit de 7,2 % à 3,4 % en deux ans, Madrid a renoué avec une croissance robuste, et Lisbonne a stabilisé sa dette. Paris, elle, reste prisonnière d’un modèle qui privilégie la dépense publique et l’impôt, avec un ratio impôts/PIB record à 45,6 %, contre 40 % en moyenne européenne.
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La dimension politique et sociale
Fitch n’ignore pas que la France est au cœur d’une recomposition politique. Le nouveau premier ministre Sébastien Lecornu tente de bâtir un compromis parlementaire pour voter un budget avant la fin de l’année. Mais le climat reste électrique : la gauche pousse pour une « taxe Zucman » sur les patrimoines élevés, certains partis espèrent provoquer une dissolution, et l’opinion publique reste rétive à tout effort de rigueur. Cette polarisation affaiblit la crédibilité de l’État sur les marchés et alimente la perception d’un pays en perte de gouvernabilité.
Un défi stratégique et européen
Au-delà de la note, c’est la position stratégique de la France en Europe qui se joue. Avec une dette à 114 % du PIB et des marges fiscales quasi épuisées, Paris risque de voir son leadership économique affaibli face à Berlin et Rome. La Banque centrale européenne, déjà vigilante, pourrait exiger plus de discipline budgétaire pour continuer à soutenir le marché obligataire. Si les taux de financement de la France dépassaient ceux de l’Espagne ou de l’Italie, l’effet psychologique serait désastreux et relancerait le spectre d’une « périphérisation » de la deuxième économie de la zone euro.
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Scénarios pour les mois à venir
Trois scénarios se dessinent.
1. Un compromis budgétaire large : il permettrait de stabiliser les taux et d’éviter une nouvelle dégradation de Moody’s ou S&P.
2. Une paralysie politique prolongée : elle entraînerait une hausse progressive des spreads, un coût plus élevé pour les entreprises et les ménages, et un ralentissement de l’investissement.
3. Une dissolution ou un choc politique majeur : scénario le plus risqué, qui pourrait provoquer une fuite des capitaux et précipiter la France dans une crise de financement comparable à celle de 2011-2012.
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L’urgence d’un cap clair
La décision de Fitch n’est pas une fatalité, mais un avertissement. Pour éviter que la France ne soit perçue comme un maillon faible de l’eurozone, il faudra plus qu’un bricolage budgétaire. Il s’agira de restaurer la confiance, de réduire progressivement les dépenses et de relancer la croissance par l’investissement productif. Sans cela, l’« asphyxie » évoquée par plusieurs économistes pourrait se transformer en crise ouverte, avec un effet domino sur toute l’Europe.
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