
Par Le Diplomate
Alors que les répliques géopolitiques de la guerre des « 12 jours » entre Israël et l’Iran continuent de secouer le Moyen-Orient, un autre front, plus discret, semble s’ouvrir de nouveau pour la République islamique : l’Afrique. Affaiblie sur tous les plans – militaire, économique, stratégique – par les frappes israélo-américaines et la mise à nu de ses fragilités, Téhéran tente désormais de se repositionner (manœuvre déjà ancienne) sur le continent africain. Reflet d’une stratégie de survie bien ancrée dans le passé et le pragmatisme de la diplomatie perse, cette stratégie opportuniste est lucide mais sans un succès réellement assuré…
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L’Afrique : Un levier alternatif de puissance
Face à l’érosion de son influence au Levant, la perte de crédibilité de ses proxies régionaux, et la pression directe exercée par Washington et Jérusalem, l’Iran n’a d’autre choix que d’élargir son spectre d’action. Dans cette optique, l’Afrique, où les Iraniens sont présents depuis des décennies, s’impose de nouveau, avec le contexte actuel, comme un terrain fertile. Peu contraint par les logiques idéologiques et les leçons de morale occidentales, souvent à la recherche d’alliés alternatifs et ouverts à des offres politico-économiques concurrentes, le continent offre un espace de projection à bas coût pour une puissance en difficulté.
Téhéran mise donc sur l’établissement de partenariats opportunistes avec des États en rupture avec l’ordre occidental – Niger, Mali, Burkina Faso – pour compenser ses pertes régionales. Ce recentrage sur l’Afrique relève d’un pragmatisme assumé : contourner l’isolement, maintenir une influence résiduelle, et surtout, rester dans le jeu.
Uranium nigérien : Ambition stratégique ou mirage ?
Le cas du Niger, pays au sous-sol riche en uranium, suscite l’attention ces derniers jours. L’Iran, privé d’accès conventionnels à certaines ressources clés par les sanctions, lorgne depuis longtemps sur des sources alternatives d’approvisionnement. Le Niger – quatrième producteur mondial d’uranium – pourrait sembler une cible idoine.
Or, à ce jour, aucune preuve tangible ne confirme un transfert ou un accord en cours. L’intérêt de Téhéran reste sans doute davantage prospectif que concret, surtout depuis que le Hezbollah libanais, souvent son principal intermédiaire sur le Continent noir, n’est plus que l’ombre de lui-même depuis sa confrontation avec Tsahal. Il s’agit alors plutôt d’établir des relations diplomatiques, de poser les jalons d’un partenariat futur et, à terme, de sécuriser des canaux d’accès en cas de besoin.
Mais là encore, les obstacles sont nombreux. Les services américains et israéliens, CIA et Mossad, très présents et très actifs en Afrique, veillent aux grains et surveillent de près toute tentative iranienne. Pour Roland Lombardi, directeur de la rédaction du Diplomate média, « il faut rappeler ici une réalité peu connue, notamment des « experts » à la petite semaine, mais essentielle : depuis plusieurs années, Américains, Israéliens avec les Russes, « partenaires » de circonstance de l’Iran des mollahs, (comme les Chinois d’ailleurs qui surveillent de près dans ce domaine les activités des spécialistes nord-coréens en Iran…) ont trouvé un terrain d’entente tacite sur un objectif commun — empêcher coûte que coûte l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Dans ce cadre, Moscou, en l’absence d’alternative au régime des mollahs (pour l’instant…), coopère discrètement (entente renouvelée ces derniers jours lors de négociations en coulisses pour « sauver » le régime) avec Washington et Jérusalem en supervisant de fait le nucléaire civil iranien, verrouillant ainsi toute dérive militaire comme c’est déjà le cas depuis des années… (voir mon dernier édito, La Perse finira par boire comme un buvard le fondamentalisme chiite, et mon ouvrage, Poutine d’Arabie, 2020, VA Éditions) ».
Coopérations africaines : Entre opportunisme et prudence
Certes, certains régimes africains – notamment ceux en rupture avec l’ancien ordre néocolonial – se montrent réceptifs aux approches de Téhéran. Ce dernier offre en échange une coopération militaire, énergétique, voire technologique. Le contournement des sanctions internationales, bien que complexe, reste techniquement possible : cryptomonnaies, troc, trafics, et éventuellement sociétés écrans via la Chine ou la Russie (peu probable). Dans des États faiblement régulés, ce genre de mécanismes est loin d’être inédit.
Mais il faut aussi souligner une certaine lucidité du côté africain. Le recul iranien d’aujourd’hui au Moyen-Orient, la démonstration brutale de sa vulnérabilité militaire, l’élimination d’une quarantaine de ses haut-dirigeants, civils, scientifiques et militaires, et les dégâts infligés à son aviation ou à ses infrastructures nucléaires et au final son humiliation flagrante, ont marqué les esprits. Roland Lombardi précise que « beaucoup de dirigeants africains (comme arabes) ne sont pas dupes de la propagande sur la fameuse « victoire divine » de Téhéran après cette guerre « des 12 jours » (qui frise le ridicule au strict regard des faits) et bien qu’en quête de partenaires non occidentaux, ils y regarderont à deux fois avant de s’engager aux côtés d’un régime des mollahs très affaibli voire aux abois, dont le prestige régional est aujourd’hui sérieusement écorné et que certains décrivent même comme moribond… Mieux vaut encore « miser » sur des États et des puissances, bien plus solides, plus fiables et plus riches comme la Russie, la Chine et l’Inde ! »
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L’offensive iranienne en Afrique n’est pas nouvelle ni anodine. Elle s’inscrit dans une logique de Realpolitik propre à la survie des régimes isolés. Mais la faiblesse actuelle de Téhéran, conjuguée à la vigilance des grandes puissances, limite considérablement ses marges de manœuvre. Ce pivot africain, aussi stratégique soit-il sur le papier, pourrait bien ne rester qu’un pari risqué de plus dans l’arsenal de la République islamique.
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