ÉCONOMIE – Le Grand Entretien avec François Souty : Les Perspectives économiques et commerciales mondiales du retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2025

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Réalisation Le Lab Le Diplo

François Souty, docteur en histoire économique, spécialiste des Compagnies de Indes néerlandaises, ancien directeur départemental de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a été détaché huit ans auprès de la Commission européenne notamment comme enquêteur à la direction antitrust des marchés financiers et chargé d’affaires internationales à la direction politique et stratégies de la DG concurrence européenne. Il a également exercé en tant que professeur-associé à l’Université de La Rochelle et dans différentes écoles supérieures de commerce dont Excelia Business School. Il a occupé divers postes au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), notamment en tant que directeur départemental de l’UDCCRF d’Indre-et-Loire, directeur interministériel de la protection des populations et chargé de mission aux affaires internationales à l’administration centrale. Il a travaillé une vingtaine d’années au Conseil de la concurrence français sur les dossiers internationaux liés à l’OMC, l’OCDE et la CNUCED. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Le droit et le politique de la concurrence de l’Union Européenne » aux éditions Montchrestien dont il prépare la cinquième édition.

Propos recueillis par Roland Lombardi

Le Diplomate : Pendant son premier mandat, Donald Trump avait mené une politique économique centrée sur la réduction des taxes, la réindustrialisation et une guerre commerciale avec la Chine. Comment évaluez-vous l’impact global de ces politiques, notamment l’accord de janvier 2020 avec Pékin (jugé comme un premier succès inédit par certains experts), sur l’économie américaine et mondiale ?

Quoique très critiqué en Europe, le bilan de la politique économique menée par la première administration Trump s’est soldé pour les Etats-Unis d’une manière assez positive au terme de son premier mandat. Rappelons  le cadre chronologique pour fixer les esprits : la première administration Trump a opéré entre janvier 2017 et janvier 2021, après une victoire inattendue sur le camp démocrate emmené alors par Hilary Clinton, poids lourd du système politique américain. Sur le plan intérieur, le Président Trump a alors appliqué une politique directement inspirée de l’économie de l’offre (supply-side economics) classique pour les Républicains, rapprochant les « Trumponomics » des « Reaganomics » de l’époque de l’administration Reagan dans les années 1980. Toutefois, l’Administration Trump s’est alors départie des prescriptions des théoriciens de l’économie de l’offre sur le plan de la politique commerciale internationale, dans la mesure où les supply-siders s’affirment attachés au libre-échange, par opposition à la politique néo-mercantiliste protectionniste appliquée par le Président Trump dès 2017-2018, vis-à-vis notamment de la Chine.

Avant de s’attaquer à la politique commerciale, le premier souci du Président Trump a été de redonner la confiance à l’Amérique en elle-même et particulièrement à ses forces vives économiques avec une série de mesures résolument pro-business visant à favoriser la croissance et les profits avec quelques mesures essentielles, visant à la baisse des prélèvements obligatoires :

  • le renouvellement du régime des exonérations fiscales pour les ménages et les entreprises adopté en 2017 qui venait à expiration, dont le montant astronomique cumulé sur dix ans est estimé entre 3 400 milliards et  4600 milliards de dollars ;   
  • une série de mesures effaçant les normes et contraintes environnementales imposées par l’administration démocrate au secteur de l’énergie et des industries pétrolières destinées à faire encore baisser le prix de l’énergie américaine, déjà deux à trois fois moins cher aux Etats-Unis qu’en Europe ;
  • une baisse de l’impôts sur les sociétés de 21% à 15%, avec un gains estimé des rendements par actions de 3 à 4% d’ici 2026 ;
  • une dérégulation du secteur bancaire avec un encouragement aux innovations, y compris en ce qui concerne les crypto-monnaies.

En contrepartie, vis-à-vis de l’étranger, deux séries de mesures phares ont été aussi mises en avant durant la campagne présidentielle, pour assurer la captation des votes des électeurs salariés modestes et petits entrepreneurs, dont certains effets peuvent s’avérer inflationnistes, comme on le verra plus loin :

  • le développement d’une politique douanière imposant des droits de 60% sur les importations chinoises et entre 10 et 20 % voire 25% (sur l’acier) sur les importations en provenance du Mexique, du Canada et de l’Union Européenne, auxquelles on va revenir ;
  • un programme de réduction autoritaire de l’immigration illégale et d’expulsion de l’ordre de trois millions de migrants, destinée à rassurer les salariés américains (confrontés à une dure concurrence sur les emplois et les salaires.
  • Une politique fiscale restrictive qui – si elle n’est pas gagée sur d’importantes réductions effectives de dépenses publiques fédérales – devrait entraîner une augmentation du déficit budgétaire fédéral, estimé au total à 7500 milliards de dollars soit 120% du PIB (à rapprocher du déficit français de 3300 milliards d’euros et 112% du PIB) et un déficit budgétaire courant à 6,4% du PIB (à rapprocher du déficit de 5,2% du PIB français). 

Pour revenir à 2017-2021, quels ont été les effets les plus appréciables de cette politique commerciale dite de « America first » qui affirmait les besoins unilatéraux des Etats-Unis ? L’obsession de Trump I, qui se retrouve durant la campagne présidentielle qui a conduit à Trump II,  a tenu à une donnée essentielle : le déficit commercial chronique des Etats-Unis sur le reste du monde, malgré sa suprématie technologique indéniable dans le domaine de l’économie digitale, se caractérise par un déséquilibre structurel apparentant davantage les Etats-Unis à un pays en développement, grand exportateur de matière premières, qu’à une super-puissance technologique (déficits commerciaux enregistrés dans les industries manufacturières – les plus flagrants dans le secteur automobile et celui des machines-outils, tous deux portés par l’Union Européenne jusqu’ici – et excédents commerciaux observés notamment dans les industries de base (produits pétroliers notamment) et produits des secteurs primaires et secondaires (faiblement transformés). Après les deux premières années de Trump I, les mesures protectionnistes alors adoptées vis-à-vis de la Chine se sont soldées par un redressement temporaire de l’industrie américaine. Néanmoins, il faut souligner que cette embellie temporaire n’a pas duré avec l’Administration Biden, malgré la mise en place de l’Inflation Recovery Act par les Démocrates, à coups de dizaines de milliards de dollars de subventions et d’aides à la localisation d’activités industrielles étrangères ou à la relocalisation d’industries américaines  sur le territoire américain (qui ont coûté fort cher en pertes d’emplois européens puisque nombre d’entreprises européennes ont profité de l’aubaine des subventions fédérales).

Quatre ans plus tard, les résultats macroéconomiques de l’Administration démocrate sont accablants. En 2024, au terme de l’administration Biden le déficit commercial américain a plus que doublé par rapport à 2020. Le déficit commercial des biens et services des Etats-Unis a atteint 918 milliards de dollars en 2024. Les trois principaux soldes négatifs sont enregistrés avec la Chine (-295,4 milliards $), l’Union Européenne (- 236,6 milliards $) et le Mexique -171,8 milliards $). De manière intéressante, le quatrième solde négatif (-86,7 milliards $) est enregistré avec l’Irlande, pays qui a accueilli massivement les sièges européens de plusieurs géants digitaux américains à coup de défiscalisations, dont certaines remises en cause avec succès par la  Commission Européenne (cf. les rulings fiscaux d’Apple avec 13 milliards € de reversements imposés en septembre 2024, confirmé par la Cour de Justice européenne après enquête initiale et sanctions de la Commission Européenne en 2013).   

Il n’est donc pas étonnant que le Président Trump, instruit par sa première présidence, ait décidé de faire du commerce extérieure son cheval de bataille.  Ici, il faut souligner que la politique déjà annoncée par l’Administration Trump II début 2025 s’oriente assez distinctement et différemment de celle de Trump I au début 2017, avec cinq objectifs déclarés qui ont été annoncés durant sa campagne présidentielle: (1) renforcer la sécurité nationale et économique des Etats-Unis en confrontant directement « l’exploitation économique » par la Chine de l’ouverture des marchés américains dont témoigne le déficit commercial colossal précité ; (2) Générer des revenus plus importants pour les travailleurs américains ; (3) encourager l’économie domestique américaine ; (4) renforcer la position américaine dans les négociations commerciales internationales, (5) réduire impérativement et massivement le déficit commercial américain.

Pour servir cet objectif essentiellement de commerce international stratégique dit « America First », il faut s’attacher à plusieurs nominations de « faucons » réputés antichinois aux postes de Secrétaire au Département d’Etat, Secrétaire au Commerce, à l’U.S. Trade Representative (USTR), au Secrétariat au Travail (en l’occurrence Lori Chavez-DeRemer très proche des syndicats).   

Basic figures and graphs on U.S. Trade with the EU

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LD : Donald Trump a annoncé son intention de relancer une politique de guerre commerciale contre la Chine lorsqu’il reviendra au pouvoir. Pensez-vous que cette stratégie pourrait réussir à contenir l’ascension économique de Pékin ? Quels pourraient être les risques pour les entreprises et les consommateurs américains ?

Toutes les mesures adoptées en janvier 2025 démontrent l’axe anti-Pékin essentiel de la politique de Donald Trump, comme évoqué précédemment. Toutefois, dans la pratique, on peut se demander si une partie de cette « musculation » n’est pas en vérité un moyen d’établir uen base de négociation avec Pékin, tout comme des annonces extrêmement dures et belliqueuses au plan commercial avec le Mexique et le Canada se sont trouvées rapidement suspendues pour au moins un mois par l’ouverture de négociations  commerciales avec les intéressés. En effet, on peut se demander quelles conséquences négatives pour les consommateurs américains, mais aussi pour les entreprises américaines, pourraient être entraînées par une escalade de guerre commerciale avec la Chine, pays dans lequel plusieurs champions industriels technologiques américains (par exemple Apple) fabriquent leurs produits à très forte valeur ajoutée, sources de grands profits quand ils sont écoulés sur les marchés occidentaux, tant américains qu’européens. De même, la dépendance américaine des composants électroniques ou de produits chinois à base de terres rares (terres rares dont les Etats-Unis sont encore très peu équipés pour traiter celles localisées sur leur sol) définit la limite d’efficacité d’une hausse des droits douaniers susceptibles d’alimenter l’inflation des prix de produits manufacturés sur le marché américain. Il faut donc bien noter une nouvelle fois la posture de négociateur commercial adoptée par le Président Trump qui cherche à établir un terrain de jeu commercial et de tractations avec les partenaires, en inhibant les partenaires aux nerfs les plus faibles ou aux intestins les plus fragiles : nul doute qu’à ce jeu les Européens constituent la souris avec laquelle le gros chat américain entend jouer. La Chine joue elle-même une partie similaire.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les tarifs commerciaux sont un instrument dans la stratégie commerciale américaine elle-même, avec pour objectif de réduire le déficit du commerce extérieur qui ne doit pas atteindre mille milliards en 2025, coûte que coûte.  On peut se souvenir que la politique de l’Administration Trump I a bien réussi à réduire le déficit bilatéral avec la Chine sans toutefois réduire sensiblement le déficit commercial d’ensemble (notamment avec l’Union Européenne, laquelle se trouve fortement handicapée en 2025 par ses coûts énergétiques à deux voire trois fois le niveau des coûts américains, ce qui pourrait changer la donne cette fois-ci).

LD : Trump met en avant la réindustrialisation des États-Unis comme un pilier de son programme économique. À votre avis, cette ambition est-elle crédible dans un contexte où interconnexions des économies et les chaînes de production mondiales restent largement dépendantes de l’Asie ? Quels secteurs pourraient réellement bénéficier de cette politique ?

En effet, votre question permet de souligner, à juste titre, les interdépendances des chaînes de valeur mondiales qui sont durablement dépendantes de l’Asie, notamment pour des motifs de compétitivité liée aux coûts du travail. Le coût du travail et plus généralement des intrants est d’ailleurs au moins autant ciblé par le Président Trump que les avantages ou asymétries commerciales chinoises vis-à-vis du reste du monde et notamment des Etats-Unis. La réduction des déficits commerciaux avec tous les partenaires des Etats-Unis (y compris en particulier les alliés occidentaux traditionnels des Etats-Unis) est couplée par le Président Trump à sa création d’emplois dans les secteurs manufacturiers, sur le territoire des Etats-Unis. Si une inflation se développe en conséquence des hausses de tarifs douaniers, les réactions critiques du monde des affaires américain seront croissantes elles-aussi.

Ici, il faut souligner le pragmatisme dont la première administration Trump a déjà fait preuve en exemptant de taxes certains produits, notamment ceux qui ne sont pas immédiatement accessibles de la part de fournisseurs ou distributeurs américains ou hors de Chine. L’essentiel des mesures appliquées, y compris les augmentations annoncées de 60% des taxes sur les produits chinois, seront appuyées par le Congrès à majorité Républicaine, dont les Membres détiennent le pouvoir institutionnel essentiel en matière de mesures de commerce extérieur, notamment par les votes de fast track et autres mandats de négociations commerciales confiés au Président (contrairement à une idée répandue en Europe, c’est bien le pouvoir législatif qui est le détenteur du pouvoir en matière commerciale, en contrôlant activement l’exécutif). Elles s’ajouteront aux mesures déjà existantes en application de la Section 301 du Trade Act de 1974 qui s’appliquent déjà aux 370 milliards de dollars de droits de douane sur les produits chinois.

Pour autant,  revenons sur l’observations des conséquences de la politique commerciale déjà assez mercantiliste poursuivie par l’Administration Trump 1 entre 2017 et 2021. Les courbes démontrent que si le déficit commercial des Etats-Unis avec l’Union Européenne a fléchi une année, en 2020, avec un tassement parallèle tant des importations que des exportations, le déficit est reparti de plus belle dès 2021, année d’élection du Président Biden. Le même phénomène est intervenu dans le déficit bilatéral américain avec la Chine, ce qui était normal compte tenu du rôle d’atelier des entreprises américaines joué par les entreprises chinoises. De manière aussi très significative, il faut noter la persistance, voire l’aggravation, du déficit bilatéral très important enregistré par les Etats-Unis avec le Mexique, ce dernier pays venant, juste derrière l’UE, en quatrième position dans le déficit extérieur américain. Ici encore, rien d’étonnant : le Mexique est une zone de bas salaires fortement compétitive en Amérique du Nord, puisqu’il est lié par un traité de libre-échange à l’économie américaine (NAFTA, renégocié et rebaptisé USMCA par l’Administration Trump I, qui visait déjà à mieux protéger les travailleurs américains). Sans étonnement, puisque le déficit commercial bilatéral avec le Mexique est venu au troisième rang en 2024 (-171 milliards $) juste derrière l’UE (- 231,6 milliards $) et la Chine (- 291 milliards $). Il y a donc une crédibilité derrière cette politique commerciale stratégique agressive, mais les faits passés démontre que les effets en sont limités, ne serait-ce que parce que l’économie américaine est très internationalisée, ses entreprises produisant énormément hors des Etats-Unis.

Une première réponse par un appel à la relocalisation est intervenu avec l’Inflation Reduction Act du Président Biden en 2022, déjà cité, qui a permis l’accueil en nombre important d’entreprises non américaines sur le territoire américain. Mais cela a été insuffisant pour redresser la balance commerciale comme on vient de voir : certaines entreprises américaines ont d’ailleurs réorienté leurs contrats de production vers des pays moins voyants que la Chine et à très bas coûts, comme l’Inde et le Vietnam (ce dernier étant devenu le 4e pays de déficit commercial bilatéral américain avec 123,5 milliards $, loin devant l’Allemagne et ses 81 milliards $). L’impact des mesures de Trump II devrait s’exercer davantage sur le Vietnam, l’Irlande, la Thaïlande, le Mexique et l’Inde (cette dernière vient notamment de lever l’essentiel des droits de douane frappant les motos Harley Davidson et  le Premier Ministre Narendra Modi doit rencontrer très prochainement le Président Trump pour confirmer la bonne volonté indienne de négocier des échanges plus équilibrés en faveur des Etats-Unis).

L’administration Trump II s’est donc engagée dans une seconde stratégie complémentaire aux droits tarifaires et mesures commerciales externes, qui pourrait, elle, produire une onde de choc bien plus importante, surtout sur les entreprises européennes, phénomène auquel la classe politique française est totalement aveugle comme le souligne la pression forcenée de  politique fiscale ou celle des normes environnementales toujours plus fortes que celles imposées par la Commission Européenne, qui poursuit la politique de souliers de plomb imposées normativement à l’ensemble des entreprises européennes, sans tenir compte des évolutions et des déréglementations américaines. Cette onde de choc prévisible sera d’autant plus  marquée  si l’Union Européenne ne réforme pas, rapidement, ces règles et normes qui pèsent trop lourdement sur la compétitivité des entreprises européennes, particulièrement en matière environnementale (au cours des cinq dernières années de la Commission von der Leyen I, le Parlement Européen a hélas adopté deux fois plus de textes de loi et règlements que les Etats-Unis (The Economist, 1er-8 février 2025). Depuis janvier 2025, l’Administration Trump II s’est en effet attaquée à un chantier colossal de réduction de la « red tape » (cf. la page de couverture de l’hebdomadaire britannique The Economist titrant « the revolt against regulation », la révolte contre la réglementation), mais aussi à un démantèlement de la politique administrative environnementale de l’Administration Biden, pour alléger au maximum les contraintes réglementaires pesant sur les entreprises américaines ou les entreprises étrangères invitées à s’installer aux Etats-Unis… 

LD : Les BRICS semblent gagner en influence, notamment avec leurs projets de diversification des réserves monétaires pour contourner le dollar. Comment Donald Trump pourrait-il contrer cette dynamique et protéger le statut du dollar comme monnaie de réserve internationale ?

La stratégie américaine en matière monétaire est encore évolutive. Un premier axe a déjà émergé avec l’approche libérale et concurrentielle permissive promue sur les crypto-monnaies, par rapport auxquelles les Européens demeurent toujours plus soupçonneux et restrictifs. L’idée relève, ici encore, d’une stratégie concurrentielle dans l’industrie financière venue du monde des affaires, comme parfois appliquée dans le commerce des biens de consommation courante ou celui des produits digitaux. Les opérateurs les plus importants du marché développent des stratégies de « gardiens des portes » (« gate keepers » notamment très ciblés par le DMA précité), qui consistent à permettre l’émergence de petits opérateurs dont le contrôle peut être repris par les opérateurs dominants du marché lorsque ces grands opérateurs considèrent qu’une maturité suffisante a été acquise par ces derniers.

Du point de vue monétaire, la politique de gestion quantitative suivie par la Réserve Fédérale américaine depuis déjà plus d’une dizaine années (en fait depuis la dernière crise monétaire et financière internationale des années 2007-2008) permet pour l’instant de conserver une attitude permissive sur l’émergence des crypto-monnaies, assise sur la suprématie digitale exercée par les Etats-Unis. La Chine apparaît néanmoins comme une composante de fait et un acteur incontournable de la stratégie monétaire américaine puisque c’est ce pays qui détient les plus importantes réserves mondiales en dollars hors Etats-Unis. Ce facteur peut légitimement faire supposer que la stratégie de guerre commerciale affichée par le Président Trump sur les biens manufacturés en provenance de Chine relève en réalité  bien, encore une fois, d’une stratégie de négociation commerciale sur les marchés classiques. Les BRICS hors Chine ne sont pas actuellement en mesure de mettre en cause la suprématie monétaire américaine. Mais leur stratégie pourrait reprendre celle développée ex nihilo par les Européens des années 1970 et qui s’achève avec la création de l’Euro en 2001 : ceci suppose toutefois un très fort degré de convergence des politiques économiques nationales des pays concernés, qui est encore très loin d’être réaliste, d’autant plus quand certains membres (la Russie notamment) sont engagés dans des opérations militaires très dispendieuses et par nature inflationnistes. La paix revenue, la confrontation devrait se poursuivre sur le marché du bâtiment et des travaux publics à l’occasion des multiples chantiers de reconstructions tant en Ukraine que dans les régions conquises par la Russie.  L’arrêt des hostilités en Ukraine pourrait donc être susceptible d’accélérer la dynamique monétaire des BRICS et leur permettre de venir concurrencer l’Euro, mais aussi le Dollar, d’ici quelques décennies, au mieux, la Chine disposant de l’atout maître de ses réserves en dollars et les utiliser stratégiquement ou politiquement comme naguère le général de Gaulle sut le faire – si magistralement dans un contexte monétaire différent découlant de la convertibilité de la monnaie américaine – en utilisant politiquement le stock d’or des réserves de la Banque de France dans ses bras de fer. Et la paix revenue, la confrontation interviendra également et nécessairement sur les immenses chantiers de reconstruction déjà évoqués qui se chiffreront entre 700 et 1000 milliards d’Euros, voire davantage.

On en revient à la cohérence des mesures de politique commerciale du Président Trump par rapport aux axes définitifs de la politique monétaire qui sera suivie en partenariat avec la Réserve Fédérale. L’idée de renforcer ou d’affaiblir le dollar vis-à-vis des monnaies des principaux partenaires et rivaux commerciaux aura elle-même une incidence sur l’efficacité et le réalisme  des droits douaniers soutenant ou affaiblissant les objectifs commerciaux. Certains observateurs, notamment américains, observent que les politiques combinées (restriction à l’immigration, suppression des normes environnementales, tarifs douaniers ciblés, politiques d’attractivité des localisations industrielles étrangères ou nationales, politique énergétique tournée vers un impératif de compétitivité industrielle mondiale à l’inverse de l’Europe…) devraient conduire à un raffermissement du Dollar par affaiblissement des monnaies concurrentes, y compris l’Euro, elles-mêmes affaiblies par les restrictions d’exportations et pertes de centres de production ou de compétitivité notamment salariales locales.

Ceci devrait logiquement conduire à l’afflux d’investisseurs attirés par la valeur de refuge face aux turbulences mondiales mais aussi par des taux d’intérêts élevés et une inflation américaine maîtrisée (d’autant plus, si les efforts de réduction drastiques des dépenses fédérales assignées à Vivek Ramaswamy et Elon Musk et au Department of Government Expenditure-DOGE sont suivis d’actes majeurs comme c’est probable et portent leurs fruits). Egalement, pour réagir face aux renchérissement des coûts visés par les mesures commerciales américaines, certains pays pourraient laisser filer la dépréciation de leurs monnaies, comme naguère la Japon voire la Chine. La conséquence d’un Dollar fort ne serait rapidement plus forcément un avantage pour le déficit commercial : un Dollar fort protégerait certes les consommateurs américains contre les augmentations de prix des produits importés affectés par les tarifs douaniers américain, mais les importations américaines pourraient en conséquence augmenter tandis que le même Dollar fort affaiblirait les capacités exportatrices américaines si l’incidence des mesures réglementaires internes s’avérait insuffisante pour faire baisser les coûts de production internes. Un Dollar fort ne permet de maitriser que partiellement un commerce extérieur dont les fondamentaux ne sont pas équilibrés.

A l’inverse, le Dollar pourrait être affaibli par les craintes des milieux d’affaires vis-à-vis d’une série de conséquences :  les désordres internationaux, les incertitudes induites sur le contexte des affaires aux Etats-Unis, également plombé par les craintes liées à une dette américaine toujours très élevée, un climat politique éventuellement hostile à l’expulsion des migrants, souhaité par certains industriels pour maintenir la pression à la baisse sur les salaires américains, et la volonté affichée du Président d’exercer une pression à la baisse sur les taux d’intérêt pratiqués par la Réserve Fédérale (l’Exécutif allant jusqu’à vouloir remettre en cause l’indépendance de la Banque Centrale). Dans ce cas, un dollar faible contribuerait à une réduction du déficit commercial sans répondre à l’objectif du Président d’élever le niveau des revenus.  En tout état de cause, si les fluctuations de valeurs du Dollar devaient échapper au régulateur financier pour un motif ou un autre, cela ne contribuerait pas aux objectifs des « Trumponomics » et de l’équipe présidentielle qui vient de se mettre en place. Or, par-delà les propos tenus, il faut souligner le pragmatisme de l’homme d’affaires qui a su s’imposer au monde politique par ses méthodes issues des pratiques de négociations commerciales et des affaires économiques, comme déjà souligné. Ceci explique sans doute pourquoi la doctrine monétaire de la nouvelle administration paraît toujours évolutive.        

LD : Trump a souvent critiqué les surplus commerciaux européens, notamment allemands, et a envisagé des taxes sur les importations européennes. Quel type de relations commerciales peut-on attendre entre les États-Unis et l’Europe lorsque Trump sera de nouveau le Bureau ovale ? Y aura-t-il un risque de tensions transatlantiques accrues ?

Un effet inattendu de la politique commerciale stratégique des Administrations américaines Trump I, Biden et Trump II tend à modifier les constitutions des chaînes de valeur sur les trois continents : malgré des effets limités sur les chiffres du commerce extérieur pour l’instant, les Etats-Unis réduisent depuis 2018 leur dépendance vis-à-vis des ateliers chinois pour  à peu près tous les types de produits manufacturés importés. Et les mesures de contrôle appliquées ou annoncées en 2025 à l’égard de la Chine vont renforcer cette tendance. Mais, tandis que les Etats-Unis et la Chine découplent leurs industries en réduisant ou diversifiant leurs sources d’approvisionnement (avec l’émergence de nouveaux grands acteurs du Commerce international comme le Vietnam, le Mexique, l’Inde), il apparaît que l’Union Européenne et la Chine accroissent en sens inverse leur dépendance mutuelle pour à peu près tous les types de biens importés, phénomène qui pourrait même faire monter les tensions sécuritaires entre l’Europe et les Etats-Unis. Le phénomène vient d’être analysé par le Peterson Institute for Economics, un think-tank américain assez indépendant des Démocrates et des Républicains (v. M.E Movely et  J. Yang, PIEE,  « While the US and China decouple, the EU and China deepen trade dependencies », 27 août 2024).      

Pour évaluer quels secteurs sont les plus susceptibles d’être affectés par ces tendances, il faut observer quels secteurs industriels américains sont les plus déficitaires : les produits minéraux notamment énergétiques (particulièrement pétroliers), les produits chimiques, les machines-outils, les matériels et équipement de transport, l’industrie automobile, tous produits notamment affectés positivement par les allégements considérables de normes environnementales américaines et la persistance de l’immobilisme européen qui a justement alourdi ces normes depuis cinq ans dans le cadre du « Green Deal » (que le Rapport Draghi a remis pour partie en cause en juillet 2024, mais qui ne semble pas encore entendu par les premiers discours des commissaires de la Commission von der Leyen II, nettement plus à gauche et écologiste que le scrutin de l’élection au Parlement européen de juin 2024 n’a renforcé les partis de gauche et écologistes, bien au contraire.

Les tensions qui devraient se manifester au plan industriel à partir de 2025 devraient imposer aux Européens de fortes évolutions, en parallèle des évolutions américaines, sous peine de pertes supplémentaires de compétitivité et… de délocalisations accrues de firmes européennes vers les Etats-Unis. A cet égard, les mesures environnementales de la nouvelle administration américaine devraient également renforcer le considérable avantage concurrentiel des prix énergétiques américains, actuellement deux à trois fois moins chers que les prix européens, dont les niveaux élevés sont directement issus des cinq années de la Commission von der Leyen I, années d’inflation normative déjà citée et de politique énergétique catastrophique déterminée par les préjugés anti-nucléaires dans la « taxonomie » européenne imposée par les écologistes en contrepartie de leur soutien à Mme Von der Leyen en 2019 (les préjugés anti-nucléaires écologistes ont nié le fait que la génération nucléaire est décarbonée et d’un meilleur coût de revient par rapport à la majorité des autres sources d’énergie ; la faute majeure observée dans  cette politique énergétique aberrante a été d’autant plus catastrophique dans le contexte d’explosion de l’inflation des prix énergétiques des marchés internationaux renforcée par les boycotts imposés après l’attaque russe de 2022).    

Face aux intentions pour l’instant affichées, l’Union européenne a déjà commencé à se préparer à mettre en œuvre des mesures de rétorsions, et elle ne manquent pas. Une stratégie à triple détente semble se dégager. En premier lieu, passé le psychodrame politico-médiatique dont les classes politiques européennes sont adeptes, notamment en périodes électorales (qui concernent plusieurs pays européens majeurs en 2025, dont l’Allemagne et la France),  l’UE devrait s’engager, tout comme le Canada et le Mexique l’ont fait immédiatement après l’annonce des relèvements de tarifs les concernant, dans des négociations bilatérales avec les Etats-Unis. Dans ce cadre, des mesures de facilitation du commerce bilatéral européen et de coopération sur la sécurité économique, devraient être entreprises, s’assurant que toutes ces mesures soient conformes aux engagements souscrits à l’OMC auxquelles l’UE affirme son attachement. Les offres européennes devraient être étayées avec des menaces crédibles de représailles commerciales, applicables au cas par cas si les Etats-Unis mettent à exécution les hausses de droits envisagées de 10% à 20 % (correspondant aux montants des TVA moyennes appliquées notamment aux produits américains critiquées par le Président Trump, même si le caractère discriminatoire nécessaire pour les remettre en cause au regard des engagements de l’OMC n’est pas prouvé). Ces représailles pourraient prendre la forme de « listes négatives » par lesquelles l’UE augmenterait ses droits douaniers sur tous les produits US importés à proportion des droits américains, à l’exception notable des produits importés des Etats-Unis jugés cruciaux pour les Européens. Ceci laisserait donc de côté notamment les produits technologiques à très forte valeur ajoutée nécessaire au fonctionnement et au développement de l’économie digitale. Le Président Trump mettant déjà en cause l’application des règlements européens sur les marchés digitaux (DMA) et services digitaux (DSA), certains parlementaires européens ont demandé à la Présidente von der Leyen de réaffirmer l’intention des services de la Commission d’appliquer vigoureusement ces textes, qui pourraient imposer par exemple à Apple jusqu’à 30 milliards d’Euros d’amendes pour non mise en conformité. Cette entreprise envisagerait de ne plus livrer les Européens pour certains services ou technologies si les sanctions appliquées apparaissent trop importantes. Le débat est loin d’être encore stabilisé, chacun des deux côtés développant sa musculation commerciale. En second lieu, l’UE devrait réaffirmer son attachement aux règles de l’OMC, y compris au mécanisme de règlement des différents, en recherchant des alliés hors d’Europe et qui seront trouvés parmi les autres pays victimes du protectionnisme américain, en Amérique Latine ou en Asie notamment. Dans ce contexte, Bruxelles devrait être d’autant plus déterminée à mettre en œuvre le projet d’accord bilatéral UE-Mercosur – pour compenser la perte des marchés et consommateurs nord-américains – tandis que les Etats-Unis devraient répliquer en recherchant délibérément à établir des mesures relevant d’accords bilatéraux informels avec certains pays européens (en principe, aucun état européen ne peut déroger aux règles de discipline commerciale qui relèvent de la compétence exclusive de la Commission Européenne, mais celle-ci doit toujours faire valider des accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux, tout comme leur négociation  – en principe  ex ante – par le Conseil Européen et le Parlement Européen. Une forte série de tensions est susceptible d’en résulter entre Etats membres de l’Union Européenne plus ou moins attirés par les sirènes commerciales américaines au cas par cas. Enfin, en troisième lieu, et dans la suite logique du point précédent, la Commission devrait proposer aux Etats membres et aux partenaires des Européens de renforcer le réseau d’accords préférentiels bilatéraux et interrégionaux en Afrique, en Amérique Latine et en Indo-Pacifique. Les cas de l’Inde et du Vietnam devraient être assez prioritaires en raison de leur ciblage par la politique commerciale américaine. Mais la priorité sera bien évidemment sur la ratification de l’accord avec le Mercosur et développer les projets de renforcement des relations commerciales avec des tiers. Incidemment, la Commission devrait aussi pousser au dégel des relations commerciales avec des géants du commerce international que sont le Royaume-Uni et la Suisse, voire d’autres pays notamment asiatiques ou même africains (Maroc, Nigéria par exemple).         

LD : La politique économique de Trump s’appuie fortement sur le protectionnisme. Dans un monde de plus en plus interconnecté, ce type de politique est-il soutenable à long terme pour une économie aussi ouverte que celle des États-Unis et si dépendante d’ailleurs de la Chine ? Quels pourraient en être les impacts globaux ?

Comme évoqué en réponse à vos questions précédentes, la politique protectionniste du Président Trump vis-à-vis de la Chine doit être avant tout considérée comme un instrument de négociation commerciale. Pour s’en convaincre, il faut reprendre certains épisodes des relations diplomatiques de l’Administration Trump I, alors caractérisée par une moindre expérience du monde politique et des usages diplomatiques mais déjà par un fort pragmatisme présidentiel issu de l’expérience du monde des affaires, avec ses pratiques disruptives et non conventionnelles. Le cas le plus impressionnant a été la relation établie avec le régime nord-coréen et la rencontre avec son dictateur pour amorcer une détente des tensions en Asie. Il n’est pas certain que les futures rencontres entre les Présidents chinois et américain empêchent d’évoluer vers un apaisement des tensions diplomatiques autour notamment de la question de Taïwan, que les Etats-Unis ne peuvent en aucun cas se permettre d’abandonner à son sort. A la différence des relations avec le Président Biden, les relations avec le Président Trump fondées sur le pragmatisme du monde des affaires face à des enjeux colossaux pourraient stabiliser les statu quo contre toute attente. Cela a exactement été le cas en Palestine depuis le mois de novembre, avec le retour d’une volonté américaine de puissance et de leadership ou encore les négociations et entretiens bilatéraux directs entre membres des gouvernements américain et russe, en attendant la rencontre directe entre les Président Trump et Poutine. Le caractère interconnecté des pays et des entreprises devrait aussi contribuer à apaiser les tensions (malgré toutes les critiques exprimées par le Président Macron, sur les Etats-Unis, c’est bien ce dernier qui a fait transférer la gestion et la conservation de toutes les données personnelles de santé françaises – stratégiques – à des firmes américaines avec bonne rémunération française pour ces services (Microsoft notamment).    

LD : Trump de retour, quel pourrait être l’impact de sa politique économique sur le paysage économique mondial d’ici la fin de son mandat en 2029 ? Cette approche pourrait-elle réorienter durablement les flux commerciaux et la géopolitique économique ? Pourra-t-il réellement, face à la Chine, reproduire le succès en son temps de Ronald Reagan dans sa guerre commerciale contre le Japon ?

La différence par rapport à l’époque Reagan tient à une accélération colossale de la révolution technologique. La grande question est de savoir dans quelle mesure les Etats-Unis disposent toujours d’une suprématie technologique sans équivalent ou si la Chine se sera rapprochée à portée d’équivalence de puissance notamment dans le domaine des sciences cognitives, digitales et plus largement de l’intelligence artificielle. La capacité de mobilisation des investisseurs américains attestée par les prouesses technologiques et les innovations portées par un Elon Musk semblent accélérer la dynamique de suprématie américaine dans les secteurs pour lesquels la mobilisation des investisseurs est engagée. De ce point de vue, il faut se souvenir que les marchés ont peu de sens politique ni moral mais qu’ils sont avant tout  mus par les retours sur investissements et autres arguments économiques.

Ceci permet de conclure sur le fait que la politique commerciale stratégique lancée par l’Administration Trump II doit certes causer des disruptions dont les Européens risquent de souffrir. Mais l’action et l’agilité américaines soulignent aussi l’immobilisme et la grande difficulté d’apporter des réponses dans l’action législative, administrative, normative des Européens, qui ont été engagés depuis au moins cinq ans dans des stratégies et choix politiques dont le caractère percutant de l’action américaine souligne l’inefficacité voire la nocivité pour nos intérêts industriels et plus largement économiques ou financier.  Une action vigoureuse, adaptée, proportionnée, est urgemment indispensable de la part des dirigeants européens, mais elle se fait attendre, avec profusion de  commentaires mais fort peu d’actions décisives. Espérons que les élections à venir en Allemagne voire en France  ou dans d’autres pays de l’Union Européenne, vont entraîner fortement des réorientations, en actes et non en paroles ou « sommets » sans suites concrètes et immédiates.

Balance du commerce extérieur américain 2014-2025

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