HISTOIRE/RENSEIGNEMENT – Guerre froide : Quand les espions soviétiques pullulaient en France

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Deux espions soviétiques échangent des documents secrets à Paris durant la Guerre froide, avec la tour Eiffel en arrière-plan et un symbole du KGB projeté sur la carte de France.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

En France, pendant la Guerre froide, les Soviétiques disposaient de 180 officiers de renseignement. Avec eux opéraient aussi les espions d’autres pays de l’Est. La DST n’avait pas les moyens de tous les contrer.

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Mais les hommes du KGB n’étaient pas les seuls à agir en France. En 1958, Pierre Cardot, un agent clandestin tchécoslovaque, s’infiltra dans les services français sous une fausse identité et fut arrêté en 1962 par le SDECE. Sa fuite fut facilitée par la DST avec l’aide des services suisses.

Il faut dire qu’au cours de toute la Guerre froide, le contre-espionnage français resta sous-dimensionné face à la menace. La représentation diplomatique soviétique en France comptait alors 780 diplomates, dont 180 étaient estimés être des officiers du KGB et du GRU. En incluant les espions des pays du Pacte de Varsovie, ce chiffre pouvait être doublé.

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Face à cette armée de l’ombre, comme le rappelait Yves Bonnet, « la DST est une petite direction ; ses effectifs, environ 1 500 fonctionnaires, furent longtemps considérés comme un secret d’État. Ses moyens financiers dépendaient partiellement de la Direction générale de la police nationale, sans prestige. Son équipement ne correspondait plus aux standards modernes : informatisation embryonnaire, parc automobile limité à de petites cylindrées facilement repérables, matériel d’écoute obsolète. J’ai même dû emprunter un foret silencieux à la CIA pour installer des micros dans le mur d’une ambassade. La DST fonctionnait dans une logique de médiocrité, alors qu’avec quelques réformes et transferts de crédits simples, la sécurité de la France aurait pu être assurée. »

En 1983, Bonnet obtint difficilement 50 nouveaux postes et 12,5 millions de francs – moins de 2 millions d’euros – d’« investissements supplémentaires », bien insuffisants. Pour pallier ce manque, il recourut au bricolage : échanges de matériel, voitures achetées à l’étranger, agents fictifs dont les salaires alimentaient une caisse noire. Une pratique illégale mais jugée nécessaire.

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Cette pénurie entraîna parfois des conséquences dramatiques. Quand le capitaine polonais Wladyslaw Moroz fit défection en 1959, la DST le logea dans un HLM de banlieue rouge sans protection suffisante. Le 27 octobre 1960, il fut retrouvé mort, exécuté d’une balle dans la nuque.

Malgré tout, grâce à la compétence et au dévouement de son personnel, la DST obtint des succès : elle réussit à recruter Georges Pâques, puis en 1981 à exploiter la source soviétique Farewell, nom de couverture de Vladimir Vetrov, officier supérieur du renseignement scientifique et technologique du KGB. Mais elle échoua à neutraliser certaines taupes soviétiques révélées par Mitrokhine en 1992, et dans les années 1960 elle ne démasqua pas les agents signalés par le transfuge Golitsyne, actifs au sein du SDECE et proches de l’entourage du général de Gaulle. De plus, ce fut le SDECE, souvent critiqué, qui mit au jour l’affaire Gunther Guillaume, conseiller du chancelier allemand Helmut Schmidt et agent de la Stasi, découvert alors qu’il rencontrait son officier traitant soviétique en France.

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Certes, la France n’eut jamais de cas équivalent aux « Cinq de Cambridge » britanniques, mais selon l’historien Christopher Andrew, la pénétration soviétique y fut tout aussi efficace. Alexandre de Marenches, directeur du service extérieur, estimait même que cette infiltration prouvait la qualité de son organisation.

C’est pourquoi, lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, et malgré la présence de ministres communistes au gouvernement, le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre interdit à la DST de coopérer avec le SDECE, qu’il considérait comme « un nid d’espions soviétiques ». Pourtant, rien n’indique clairement que cette suspicion fût fondée, et aucune source russe ne l’a confirmé sans ambiguïté.

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