
Par Olivier d’Auzon
Le 20 mai 2025, la publication d’une version déclassifiée du rapport sur les Frères musulmans, voulu par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, va-t-il marquer enfin un tournant dans la prise de conscience politique et médiatique autour de la mouvance islamiste en France ?
Ce document de 73 pages, présenté comme un « rapport choc », dresse la cartographie d’une influence croissante et diffuse, qualifiée d’« islamisme à bas bruit », qui inquiète jusqu’au sommet de l’État.
Une menace « à bas bruit » pour la France
Bruno Retailleau, n’a pas mâché ses mots : il dénonce une stratégie d’« entrisme » méthodique, visant à infiltrer associations, clubs sportifs, structures éducatives et lieux de culte. Selon lui, l’objectif ultime des Frères musulmans serait de « faire basculer toute la société française dans la charia », une perspective jugée « parfaitement incompatible avec les principes de la République et la cohésion nationale »
Le rapport, dont la version intégrale reste classifiée pour des raisons de sécurité, recense 139 mosquées affiliées ou proches de la mouvance, 280 associations, et une vingtaine de départements particulièrement concernés. Il pointe aussi le sentiment grandissant d’« islamophobie d’État » parmi les Français musulmans, phénomène qui, selon les auteurs, favorise le discours victimaire et la progression du « frérisme »
Une publication attendue, une volonté politique affichée
La commande de ce rapport, confiée à deux hauts fonctionnaires en mai 2024, répond à une volonté claire : sortir du déni et doter les pouvoirs publics d’outils pour agir. Retailleau l’a redit en Conseil de défense : « Ce rapport vient corroborer des faits réels et va nous permettre d’agir » Si la version complète reste confidentielle, la publication d’un extrait a déjà nourri le débat public et suscité une « prise de conscience » au sein du gouvernement, selon la porte-parole Sophie Primas
Le rapport gouvernemental sur les Frères musulmans en France (2025) présente de fortes convergences avec les analyses de Florence Bergeaud-Blackler dans Le Frérisme et ses réseaux (Odile Jacob, 2023). Voici les principaux parallèles :
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L’art de la discrétion organisée
Ce que le rapport qualifie d’« islamisme à bas bruit » évoque une infiltration sans fracas, un progressisme inversé : habile, fluide, souvent légaliste. Une centaine de mosquées répertoriées comme proches de la mouvance, 280 associations dans une vingtaine de départements… Ce n’est plus un simple phénomène de quartier, c’est une stratégie nationale.
Les domaines d’influence sont bien définis. L’éducation constitue une priorité : vingt-et-un établissements seraient liés à la mouvance, parfois financés depuis l’étranger. L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler parle même « d’écoles-laboratoires » où s’expérimentent des modèles pédagogiques normatifs. L’action sociale, ensuite, joue un rôle central. Le rapport pointe des associations caritatives utilisées comme relais idéologiques. Bergeaud-Blackler évoque un phénomène de charity washing, visant à gagner en légitimité dans les quartiers populaires. Enfin, l’influence culturelle s’appuie sur des figures médiatiques et sportives charismatiques, utilisées comme porte-voix d’un mode de vie islamisé ; l’anthropologue mentionne des « missionnaires modernes » tels que Benzema, dont l’aura contribue à diffuser des références identitaires musulmanes dans la culture populaire.
Une idéologie structurée, un projet globalisé
Le cœur du problème, ce n’est pas seulement l’influence. C’est le projet idéologique qui sous-tend cette stratégie d’infiltration. Le rapport gouvernemental évoque une vision à long terme : faire basculer progressivement la société française vers un ordre inspiré de la charia. Florence Bergeaud-Blackler va plus loin : elle décrit une ambition de « califat mondialisé », à travers l’instauration d’une « société islamique modernisée », transnationale et technologiquement adaptée.
Un autre levier puissant est le discours victimaire, qui joue sur le ressentiment. Les deux sources s’accordent à dire que la rhétorique de l’« islamophobie d’État » sert à délégitimer les institutions françaises, à susciter un sentiment de rejet, et donc à renforcer l’attraction des cercles fréristes.
Une France désarmée face à une foi politisée
Là où le politique hésite, l’idéologue avance. Le rapport recommande vigilance et formation : surveiller les financements étrangers, renforcer le contrôle éducatif, alerter les préfets, former les élites à détecter les signaux faibles. Mais au fond, il révèle surtout l’impuissance de l’État face à une mouvance transnationale, insaisissable car décentralisée, et toujours un coup d’avance.
Florence Bergeaud-Blackler élargit l’analyse au théâtre géopolitique : elle évoque un califat globalisé, moderne dans les outils, archaïque dans les buts, tissé entre Doha, Istanbul et les banlieues d’Europe. Le rapport, plus institutionnel, se borne au territoire français. Mais le danger est le même : une idéologie mondialisée, qui prend la démocratie au mot pour mieux en vider la substance.
Boualem Sansal, la voix qui alerte depuis longtemps
Bien avant ce rapport, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal avait tiré la sonnette d’alarme. Dans ses essais et interventions publiques, Sansal a régulièrement dénoncé la stratégie patiente et insidieuse des islamistes, comparant leur méthode à une conquête progressive, utilisant la démocratie pour mieux la subvertir. Son expérience de la guerre civile algérienne et son observation de la « réislamisation » de son pays lui ont permis de mettre en garde les Européens contre les dangers d’un islamisme politique qui avance masqué : « Plus les islamistes gagnent du terrain et deviennent cruels, moins les gens réagissent : l’habitude est un puissant sédatif et la terreur a un violent effet paralysant », écrivait-il déjà il y a plus de dix ans.
Sansal, arrêté en Algérie en novembre 2024 pour ses prises de position, paie aujourd’hui le prix de son engagement contre l’obscurantisme. Mais ses analyses résonnent fortement avec le diagnostic posé par le rapport officiel : la France serait confrontée à une offensive idéologique structurée, exploitant les failles de la société et la faiblesse de la réaction politique
La lucidité à contretemps
La France se réveille donc. Mais se réveille-t-elle trop tard ? C’est toute la question. Face à une idéologie déterminée, enracinée, les demi-mesures ne suffisent plus. Il faut, au-delà des alertes, un courage politique. Et peut-être surtout, une reconquête intellectuelle
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Olivier d’Auzon est consultant juriste auprès des Nations unies, de l’Union européenne et de la Banque mondiale. Il a notamment publié : Piraterie maritime d’aujourd’hui (VA Éditions), Et si l’Eurasie représentait « la nouvelle frontière » ? (VA Éditions), L’Inde face à son destin (Lavauzelle), ou encore La Revanche de Poutine (Erick Bonnier).
