TRIBUNE – Et Trump dit : que la paix soit faite en 24 heures

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Trump souriant avec plein de colombes de la paix avec brin d'olivier autour et sur lui
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Sébastien Marco Turk

Trump et la fin de la guerre en Ukraine : en 24 heures ? Personne au monde n’a jamais osé une telle déclaration, encore moins un homme politique. Et pourtant, une figure a, dans un passé lointain, avancé quelque chose d’aussi déconcertant. Cette figure, c’est Dieu lui-même, lorsqu’il a créé le monde en six jours. Bien sûr, nous comprenons aujourd’hui qu’il s’agit là d’une métaphore. Selon la théorie cosmologique actuelle, l’univers aurait vu le jour il y a environ 13,7 milliards d’années, lors du Big Bang.

À l’époque biblique, il aurait été inconcevable de transmettre une telle donnée chiffrée. Imaginez : comment un berger nomade, illettré, aurait-il pu appréhender l’immensité d’un tel nombre ? Le terme “milliard” lui-même n’apparaît en français qu’au XVIe siècle. Il fallait donc simplifier, rendre compréhensible l’incompréhensible, traduire l’absolu en un récit accessible.

C’est, au fond, cette même logique qui anime Donald Trump lorsqu’il affirme qu’il mettra un terme à la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures. Derrière cette formule, il y a moins une analyse géopolitique qu’un acte de foi en sa propre capacité à dénouer l’insoluble. Une confiance en soi quasi divine, pour filer la métaphore. Ce n’est pas tant qu’il recrée le monde ; il le redessine, à sa manière, avec une volonté de puissance démesurée. « Jupiter, à genoux ! », s’exclamerait à ce propos un Victor Hugo.

D’ailleurs, ce n’est pas un narcissisme pathologique qui sous-tend son comportement, mais une conviction profonde : celle qu’il peut imposer sa volonté à la réalité elle-même. Ce trait, loin d’être une faiblesse, est devenu le moteur principal de son ascension politique et médiatique.

Pour les esprits littéraires, on ne connait qu’un seul homme capable de rivaliser avec Donald Trump en matière de confiance en soi : Paul Claudel, l’un des plus grands poètes du XXe siècle, dramaturge, essayiste, exégète et diplomate. Je parle ici en connaissance de cause : j’ai consacré une décennie de ma vie à son œuvre, et sa poésie fut l’objet de mon doctorat à l’université Paris-Sorbonne. Claudel, lui aussi, s’inscrivait dans le sillage du Verbe divin. Il concevait sa poésie comme une recréation du réel, illuminée par le Logos. Et, fidèle à cette haute mission, il n’hésitait pas à dédaigner les plus illustres poètes français de son temps. Lucide, mais implacable, il déclarait sans détour :
« Il s’agit de ne pas devenir ce que j’ai vu dans le malheureux Verlaine, le malheureux Villiers de L’Isle-Adam, que j’ai rencontré chez Mallarmé, c’est-à-dire un vaincu. Je veux être un vainqueur. »

Paul Claudel croyait à la majesté de ses mots avec la même ferveur que Donald Trump croit à la grandeur de sa mission. Et ce qui fascine, c’est qu’ils avaient, chacun à leur manière, raison.

Aujourd’hui, tout comme le monde eut jadis besoin de Claudel, il a besoin de Trump — et de cette confiance inébranlable qu’ils incarnent. Car après une décennie et demie d’une philosophie « woke » fondée sur la déconstruction permanente, l’homme occidental se trouve terriblement orphelin de confiance en soi. Or, toute confiance, toute conscience de soi, repose sur un socle solide. Pour l’homme, ce socle, c’est Dieu et la nation — cette communauté élargie où l’individu peut pleinement s’affirmer.

Paul Claudel et Donald Trump ont passé cette épreuve avec brio. Tous deux ont inscrit leur œuvre et leur action dans cette fidélité. Trump, en prêtant serment sur la Bible, s’est engagé à défendre les intérêts du peuple américain. Et il l’a fait. Son message central, durant sa campagne, dénonçait sans détour les errements des dirigeants qui l’avaient précédé : selon lui, ils avaient dilapidé les ressources du pays et entraîné l’Amérique dans des conflits extérieurs inutiles.

En tenant ce discours, Trump s’est attaqué à tout l’establishment américain, celui qui, trois décennies durant, avait englouti des dizaines de milliers de milliards de dollars dans des guerres sans issue, notamment contre le terrorisme. Personne, avant lui, n’avait osé un tel constat. Et en tant que républicain, il avait raison : la plupart de ces guerres furent impulsées par des administrations démocrates

Qui plus est, si l’on se veut un tant soit peu objectif, force est de constater qu’il est difficile de trouver, dans l’histoire moderne, un parti plus enclin aux aventures militaires que les démocrates américains. Les guerres semblent presque inscrites dans leur ADN politique.

La guerre de Corée (1950-1953) fut engagée sous l’égide de Harry S. Truman, démocrate. Quant au conflit le plus emblématique de la seconde moitié du XXe siècle, la guerre du Viêt Nam, il fut initié par l’un des démocrates les plus célèbres de la planète, John F. Kennedy. Ce conflit ne fit que s’intensifier sous son successeur, Lyndon B. Johnson. Ironie de l’histoire : c’est un républicain, Richard Nixon, qui parvint à en atténuer l’intensité et, finalement, à y mettre un terme.

Les républicains semblaient ainsi posséder une capacité dont leurs homologues démocrates manquaient cruellement : celle de clore les conflits, qu’ils soient américains ou étrangers. Un exemple frappant en est la politique de pression économique de Ronald Reagan à l’égard de l’Union soviétique, qui contribua à précipiter la fin de l’agression soviétique en Afghanistan.

En comparaison, les républicains ont montré une relative réserve lorsqu’il s’agissait d’exporter la violence sur des théâtres étrangers. Ils n’ont véritablement engagé que deux grandes guerres : celle en Afghanistan, en réponse directe aux attentats du 11 septembre — un conflit largement perçu comme « nécessaire » à l’époque —, et l’intervention en Irak contre Saddam Hussein, dont les retombées ont révélé les limites et les excès.

Dans ce contexte, Donald Trump détonne. D’emblée, il se distingue par son refus viscéral de s’enliser dans des conflits armés. Il se présente comme l’homme providentiel, celui qui saura demeurer « innocent » du sang versé, celui qui mettra fin aux guerres grâce à son sens des affaires et son art consommé de la négociation. Cette posture séduit un électorat de plus en plus réticent à l’égard des engagements militaires américains à l’étranger, convaincu que les intérêts des États-Unis doivent toujours primer.

En vérité, Trump utilise la guerre en Ukraine comme le pivot d’une promesse de campagne plus large : en finir avec les guerres coûteuses hors des frontières et recentrer l’énergie nationale sur les États-Unis eux-mêmes. Son slogan « 24 heures » pour régler le conflit ukrainien doit être compris avant tout comme une déclaration d’intention : celle de hâter la fin de cette guerre inutilement prolongée. Et il serait injuste de nier que cette démarche va bien au-delà des seuls intérêts américains. Une cessation rapide des hostilités serait tout aussi bénéfique pour l’Ukraine, laminée, et pour le peuple russe, pris en otage.

Cependant, il convient ici de ne pas se laisser emporter par des illusions simplistes. Le bon sens nous impose de reconnaître qu’une paix durable ne saurait être obtenue qu’à la condition expresse d’une défaite claire de la Russie. Faute de quoi, le conflit pourrait s’étendre, risquant d’enclencher un engrenage aux conséquences cataclysmiques — une Troisième Guerre mondiale, comme l’a averti la Première ministre estonienne Kaja Kallas à Bruxelles, le 20 mars 2024.

Car la logique est implacable : Vladimir Poutine n’est pas un homme que l’on amadoue. Il est de la trempe des Staline, des Hitler ou des Slobodan Milosevic. Il s’arrêtera exactement là où on l’arrêtera. Tout recul face à lui ne ferait que nourrir son appétit et précipiter l’Europe, voire le monde, vers de nouveaux désastres.

La prochaine cible logique est déjà les alliés américains au sein de l’OTAN, à savoir la Pologne et les États baltes. Étant donné que l’article 5 du traité ne prévoit pas qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous, Trump (ou son successeur probable Vance en poste de 2029 à 2033) n’aura pas d’autre choix que d’engager les États-Unis à une échelle beaucoup plus grande (et plus coûteuse) que ce ne serait le cas aujourd’hui.

Le départ des États-Unis de l’OTAN n’est pas une option, malgré les références véhémentes de Trump à cette possibilité. Premièrement, l’OTAN est un outil clé de l’influence américaine en Europe, et se retirer reviendrait à donner de l’espace à ce même Poutine, ce qui n’est pas dans l’intérêt de Washington, même sous Trump. Deuxièmement, l’industrie militaire et les services de sécurité américains ont tout intérêt à ce que l’OTAN reste forte et que leur voix soit décisive. Et troisièmement, le Congrès américain – quel que soit le parti au pouvoir – ne soutiendra jamais un retrait formel de l’alliance. Cela déstabiliserait l’ensemble de l’ordre euro-atlantique.

Toutefois, si Trump ne retire pas l’armée américaine de l’OTAN, il devra venir en aide aux pays attaqués. L’Amérique se retrouvera, en effet, dans la situation où elle se trouvait il y a un siècle. À l’époque, les politiques isolationnistes ont poussé Hitler et Staline à se partager la Pologne en Europe, déclenchant ainsi la Seconde Guerre mondiale. Ils comptaient sur la neutralité des États-Unis. De même, l’appétit des Japonais s’est accru en Extrême-Orient à cette époque. Cependant, après Pearl Harbour, les États-Unis, aussi longs et larges soient-ils, ont été plongés dans une guerre telle qu’ils n’en avaient jamais connue auparavant ou depuis. L’Amérique d’abord est peut-être un slogan de campagne à l’intérieur du pays, mais ce n’est pas un symbole de la politique étrangère dans son ensemble.

Lorsque Dieu a créé le monde, il savait dès le premier coup ce que serait le dernier. Si Donald Trump veut rester fidèle à lui-même et à sa confiance en soi, il ne peut pas faire autrement. Pour son propre bien, pour le bien des États-Unis et pour le bien du reste du monde dans son ensemble.

À lire aussi : Chronique d’une guerre russo-occidentale annoncée : genèse, motivations et enjeux de la guerre en Ukraine [ 2 – 3 ]


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