L’Ukraine joue sa survie à l’approche des élections américaines

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Élections américaines : Journal de campagne

Conflit Ukraine-Russie et élection américaine
Illustration Le LabPicto – Le Diplomate

Si le Moyen-Orient s’invite en pleine campagne des élections présidentielles américaines lors du sprint final, l’Ukraine a été le sujet international omniprésent et omnipotent.

Donald Trump s’est vanté d’avoir de bonnes relations aussi bien avec Volodomyr Zelensky que le président russe. Leur dernière rencontre remonte au vendredi 27 septembre dernier à la Trump Tower, à New-York.

Si l’objectif affiché de cette rencontre pour le président ukrainien est d’assurer ses arrières en cas de victoire du Républicain, les rapports entre les deux hommes sont cordiaux à l’antenne :

« Il est très important de partager notre plan, toutes les mesures que nous prenons pour renforcer l’Ukraine » a déclaré Zelensky, avant de conforter face caméra l’objectif principal de sa tournée aux États-Unis, rencontrant la vice-présidente Kamala Harris, l’ancien président Trump, et visitant la Pennsylvanie : « Après novembre, nous ne savons pas qui les Américains éliront comme président.

La vice-présidente Kamala Harris et Zelensky ont prononcé conjointement un discours à la Maison Blanche, jeudi 26 septembre, où la Démocrate a promis un soutien indéfectible à l’effort de guerre ukrainien.

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« En toute franchise, je vous fais part, Monsieur le Président, qu’il y a dans mon pays, des gens qui souhaiteraient forcer l’Ukraine à abandonner une grande partie de son territoire souverain et qui exigeraient de l’Ukraine, que ce pays renonce à sa souveraineté sécuritaire vis-à-vis d’autres nations » a déclaré Madame Harris (Source : Trump meets Ukraine’s Zelenskyy at Trump Tower says Russia’s war must end with « fair deal », par Timothy H.J. Nerozzi, Fox News, le 27 septembre 2024).

Notons également, que la candidate démocrate intensifie ses efforts de sensibilisation auprès des Américains d’origine polonaise car cette communauté pourrait jouer un rôle décisif dans ces élections. Harris espère capitaliser sur l’animosité historique des Américains d’origine polonaise envers la Russie, pour remporter le vote dans les États, constitutifs du « mur bleu », où ils sont essentiels à la victoire d’un candidat ou de l’autre, en raison de leur nombreuse population. On estime qu’ils sont 784 000 dans le Michigan, 758 000 en Pennsylvanie et 481 000 dans le Wisconsin. Une variation de quelques milliers d’électeurs dans l’un de ces États pourrait faire toute la différence.

L’importance du vote communautaire polono-américain a été mis en exergue, lors du débat du 10 septembre dernier, à Philadelphie, lorsque Donald Trump a refusé, à deux reprises de dire s’il voulait que l’Ukraine gagne la guerre contre la Russie. La visite de Zelensky a permis au Républicain de se rattraper.

Le bref échange entre l’ancien président américain et le dirigeant ukrainien a souligné les enjeux fondamentaux suite à l’invasion russe de l’Ukraine et le rôle des États-Unis dans la résolution du conflit. A l’issue de cette rencontre, tous deux ont partagé « l’opinion commune selon laquelle la guerre en Ukraine doit être arrêtée ».

« Nous avons de très bonnes relations. J’ai aussi de très bonnes relations, comme vous le savez, avec le président Poutine » a déclaré Donald Trump avant de poursuivre : « je pense que si nous gagnons, nous allons résoudre la guerre très rapidement ».

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Zelensky déclare que le projet de JD Vance, colistier de Trump conduira à une « confrontation mondiale inéluctable »

Dans une interview accordée au New-Yorker, le président ukrainien a exprimé ses plus sévères critiques à l’encontre du colistier républicain de Donald Trump, JD. Vance.  Son voyage aux États-Unis, lui a permis de s’adresser à l’Assemblée générale des Nations unies et, surtout, de rencontrer Joe Biden à la Maison Blanche pour lui présenter son “plan de victoire” de l’Ukraine. (Source : https://www.newyorker.com/news/the-new-yorker-interview/volodymyr-zelensky-has-a-plan-for-ukraines-victory).

Ce plan contient un certain nombre d’éléments liés à la sécurité à long terme et à la position géopolitique de l’Ukraine, ce qui inclut vraisemblablement l’adhésion à l’OTAN selon un calendrier accéléré et la fourniture d’une aide militaire occidentale assortie de moins de restrictions. Le président Ukrainien a fait pression sur ses alliés occidentaux pour qu’ils autorisent l’Ukraine à frapper des cibles à l’intérieur de la Russie avec des missiles à longue portée fournis par les États-Unis et d’autres pays occidentaux. L’incursion de l’Ukraine le mois dernier à Koursk, fait également partie du plan du président ukrainien, dans la mesure où elle fournit à Kiev un moyen de pression contre le Kremlin, tout en démontrant que son armée est capable de passer à l’offensive.

Le président ukrainien juge le colistier de Donald Trump, JD Vance comme trop radical. Selon lui, Vance a un plan plus précis pour « abandonner les territoires ukrainiens »

« Son message semble être que l’Ukraine doit faire un sacrifice. Cela nous ramène à la question du coût et de qui l’assume. L’idée que le monde devrait mettre fin à cette guerre aux dépens de l’Ukraine est inacceptable. Mais je ne considère pas ce concept comme un plan, au sens formel du terme. Ce serait une idée terrible, si quelqu’un devait réellement la mettre en œuvre, de faire supporter à l’Ukraine les coûts de l’arrêt de la guerre en cédant ses territoires. Mais il n’y a aucune chance que cela se produise un jour. Ce type de scénario n’aurait aucun fondement dans les normes internationales, dans les statuts des Nations unies, dans la Justice. Et il ne mettrait pas nécessairement fin à la guerre. Ce n’est qu’un slogan.

Le choix de Vance comme vice-président potentiel est un signal dangereux pour Kiev. Si le message de Donald Trump était plutôt positif et allant dans le sens d’une compréhension mutuelle, les assertions de JD Vance représentent, pour Volodomyr Zelensky un « shutdown mondial » :

« M. Vance et les autres personnes qui partagent son point de vue devraient comprendre clairement que dès lors qu’ils commencent à commercer sur notre territoire, ils commencent à mettre en gage les intérêts de l’Amérique ailleurs : au Moyen-Orient, par exemple, ainsi qu’à Taïwan et dans les relations des États-Unis avec la Chine. Le président ou le vice-président qui évoquerait cette perspective – à savoir que la fin de la guerre dépend de la consolidation du statu quo, l’Ukraine cédant simplement son territoire – devrait être tenu pour responsable du déclenchement potentiel d’une guerre mondiale. En effet, une telle personne laisserait entendre que ce type de comportement est acceptable ».

« Je ne prends pas les paroles de Vance au sérieux, car si c’était un plan, alors l’Amérique se dirige vers un conflit mondial. Il impliquera Israël, le Liban, l’Iran, Taïwan, la Chine, ainsi que de nombreux pays africains. Cette approche diffuserait au monde la règle implicite suivante : je suis venu, j’ai conquis, maintenant c’est à moi. Elle s’appliquera partout : aux revendications territoriales, aux droits miniers et aux frontières entre les nations. Elle impliquerait que quiconque affirme son contrôle sur un territoire – non pas le propriétaire légitime, mais celui qui est arrivé il y a un mois ou une semaine, avec une mitrailleuse à la main – doit être considéré comme le propriétaire légitime de ce territoire et non pas comme le propriétaire légitime ». (Source : The New Yorker, Volodymyr Zelensky Has a Plan for Ukraine’s Victory, The Ukrainian President on how to end the war with Russia, the empty rhetoric of Vladimir Putin, and what the U.S. election could mean for the fate of his country, par Joshua Yaffa, 22 septembre 2024).

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Le cas James David Vance : une nouvelle approche en matière de politique étrangère qui divise le GOP

Les Républicains ont toujours été divisés sur la question ukrainienne, et ce, bien avant l’arrivée du sénateur de l’Ohio, JD Vance comme colistier de Trump.

Les appels à stopper l’aide militaire à l’Ukraine au sein du parti reflètent depuis le début du conflit une rupture fondamentale et un renversement de l’approche néoconservatrice de longue date du GOP, en matière de politique étrangère, qui s’est toujours appuyée sur une stratégie interventionniste.

Les politiques pratiquées par les dirigeants du Parti républicain, depuis les années 1980 et début des année 2000 marquent une césure avec les pratiques interventionnistes d’un Ronald Reagan, connu pour son approche de la « paix par la force », ou des deux administrations Bush qui se sont toujours appuyées sur la puissance militaire pour préserver la stabilité mondiale.

Le rejet de la politique néoconservatrice traditionnelle de l’Establishment, qui favorise l’intervention militaire comme socle de la démocratie est de plus en plus important, depuis les dernières décennies de guerre au Moyen-Orient, notamment chez les jeunes Républicains.

Vance, le premier, a déclaré que le GOP « devait (se) débarrasser des vieux slogans éculés » dans un discours, prononcé en mai dernier au Quincy Institute for Responsible Statecraft, avant de préciser sa pensée : « Je veux dire … La façon dont la politique étrangère américaine a évolué au cours des 40 dernières années- pensons aux dégâts et pensons aux résultats réels. Les gens sont terrifiés à l’idée d’affronter de nouveaux arguments, je crois parce qu’ils sont terrifiés d’affronter leur propre échec depuis 40 ans) » Dans son discours, Vance pointait précisément le chef de la minorité au Sénat, Mitch McConnell, ardent défenseur de l’Ukraine et qui est devenu sénateur l’année de sa naissance, c’est-à-dire en 1984.

« Presque toutes les positions qu’il a maintenues en matière de politique étrangère étaient en réalité erronées » précise JD. Vance. (Source : Republicans divided on Russia’s security threat as Vance joins Trump presidential ticket, par Caitlin McFall, Fox News, publié le 20 juillet 2024).

Rappelons que la pression exercée par certains membres du Parti républicain pour réduire l’aide à l’Ukraine a bloqué pendant six mois l’approvisionnement militaire et a révélé à quel point Kiev était dépendante des États-Unis dans sa lutte contre la Russie.

Loin de considérer la victoire de l’Ukraine sur Moscou comme un intérêt vital pour la sécurité des Américains, le ticket républicain envisage surtout un transfert de responsabilité vers l’Europe. Donald Trump a été le premier à mener des actions concrètes, en 2006 pour que davantage de pays de l’OTAN respectent leurs engagements en matière de dépenses de défense. Actuellement 23 des 32 pays dépassent le seuil de 2% de leur PIB en faveur de l’aide militaire à l’Ukraine. La Pologne, par exemple contribue bien au-delà de son engagement initial, à hauteur de 4, 12%, l’Estonie, la Lettonie, la Grèce, les États-Unis, versent tous plus de 3% de leur PIB.

S’il est peu probable que Trump se retire complètement de l’OTAN, en cas de réélection en novembre prochain, certains experts pensent toutefois que sa position est susceptible de fragiliser l’Alliance en réduisant l’aide militaire à l’Ukraine et en retirant les troupes américaines d’Europe.

Vance, comme la jeune garde républicaine, pointe la Chine comme menace.  Cette assertion n’est pas sans conséquences car la concurrence entre les États-Unis ne se résume pas à une simple confrontation régionale, mais implique des affrontements technologiques, militaires, qui en font une compétition mondiale. Les Américains doivent donc maintenir une solide relation transatlantique et une implantation européenne pour mener une stratégie d’influence efficace et tenter d’étouffer l’influence chinoise. C’est pourquoi de nombreux Républicains s’inquiètent de la montée de l’isolationnisme pour les intérêts sécuritaires des États-Unis.

JD Vance a rejeté l’étiquette d’isolationnisme, en déclarant, que le fait qu’il s’opposait à l’envoi d’argent à un autre pays ou à l’emprunt d’argent pour envoyer les fonds, n’en faisait pas un isolationniste mais qu’il s’agissait tout simplement de « conservatisme budgétaire ».

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Donald Trump peut-il mettre fin à la guerre en Ukraine ? : « fanfaronnade ou coup de génie militaire ? »

L’ancien président Trump a déclaré que s’il était élu, il mettrait fin à la guerre entre l’Ukraine et la Russie avant même de prendre ses fonctions en janvier 2025. Cependant, le président ukrainien déclare avoir le sentiment que « Trump ne sait pas vraiment comment arrêter la guerre, même s’il pense le savoir ».

« Avec cette guerre, souvent, plus on y regarde de près moins on la comprend, a ajouté le président ukrainien.

Le deuxième des quatre conseillers à la sécurité nationale de Donald Trump s’est livré sur le plateau de la chaîne CBS, dans l’émission Face the Nation et a qualifié les « fanfaronnades » de l’ancien président comme de « véritables mythes », qui attestent d’une « réelle incompréhension de ce qu’est la guerre ». HR Mc Master, lieutenant général à la retraite de l’armée américaine, pense que la seule façon pour l’Ukraine de parvenir à un règlement favorable est que Poutine soit convaincu qu’il est en train de perdre la guerre, « indépendamment de ce que Trump dit sur le rôle qu’il pourrait jouer pour mettre fin au conflit ».

Comment faire cela ? « Vous démontrez notre détermination à continuer à soutenir les Ukrainiens dans leur lutte contre l’assaut continu des Russes. C’est ainsi que vous parvenez peut-être, à des conditions favorables à la négociation. » (Source : HR McMaster on Trump claims he could end Ukraine war: ‘I don’t really buy it, The Guardian, 30 septembre 2024, par Ramon Antonio Vargas, lien :  https://www.theguardian.com/us-news/2024/sep/30/trump-ukraine-war-plan)

Si Donald Trump s’est montré plus réticent à partager les détails pour son plan de règlement pacifique de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, son colistier, ancien marine américain s’est récemment montré plus communicatif. Dans un podcast diffusé il y a un mois, The Shawn Ryan Ryan Show, JD Vance – Why Have a Government if it’s Not Functioning? | SRS #130 (https://www.youtube.com/watch?v=HrgmwtpAsWc), Vance a livré sa vision :

Parvenir à un règlement pacifique du conflit, c’est ce « qui ressemble probablement à (maintenir) une ligne de démarcation actuelle entre la Russie et l’Ukraine, qui devient une zone démilitarisée. Vance n’a pas évoqué l’emplacement exact ou l’étendue de cette zone démilitarisée, mais il a précisé qu’elle serait « sécurisée afin que les Russes n’envahissent pas de nouveau ».

« L’Ukraine conserve sa souveraineté et son indépendance, la Russie obtient de l’Ukraine une garantie de neutralité- elle n’adhère pas à l’OTAN ou à ses institutions alliées. Voilà à quoi ressemblera l’accord final (…)  Combien de vies américaines cela coûtera-t-il ? Et si la réponse est supérieure à zéro, alors je me retire » a -t-il précisé.

Favorable au maintien des lignes de démarcation actuelle, les grandes lignes « du plan » de JD Vance se rapprochent de la vision de Moscou, à savoir que l’Ukraine devrait céder le contrôle d’une partie de son territoire occupé. La Russie a pris actuellement le contrôle militaire d’environ 20% du territoire Ukrainien. Tout plan de paix ne doit pas s’affranchir des réalités sur le terrain. Dimitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a lui-même, déclaré début septembre que les déclarations de Donald Trump, relevaient du « domaine de la fantaisie ».

Pour JD Vance, le renouveau Républicain, la vision de terrain est plus claire, tranchée et pragmatique :

Le potentiel futur vice-président estime que Trump pourrait parvenir à un accord rapidement, « car ils ont peur de lui en Russie, ils s’inquiètent de lui en Europe, car ils savent qu’il pense vraiment ce qu’il dit. »

Il serait enfin erroné de considérer le conflit comme « la mission humanitaire de notre époque » ou de le considérer comme « une bataille entre le bien et le mal ». « Si la Russie n’aurait pas dû envahir l’Ukraine », JD Vance, le reconnaît : « les Ukrainiens ont aussi beaucoup de problèmes de corruption ».


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