Par Philippe Pulice
Il serait bien évidemment réducteur d’expliquer que le rejet du wokisme par le peuple américain a, à lui seul, fait basculer le vote en faveur des républicains. Les raisons sont multiples et bien plus subtiles que celles présentées par la majorité des grands médias français, bien souvent plus enclins à caricaturer qu’à analyser. Néanmoins, il est vrai que le wokisme divise gravement la société américaine comme je l’évoquais dans l’une de mes récentes chroniques. Des sujets tels que la race, le genre, les orientations sexuelles, les modèles de couple et de famille, n’ont fait qu’aggraver la ligne de fracture qui existe entre les démocrates et les républicains. À ce titre, l’élection de Donald Trump porte l’empreinte incontestable du refus d’un progressisme, rappelons-le, érigé comme le marqueur fort des démocrates.
Les américains ne veulent plus subir la tyrannie des minorités…
Le peuple américain a tout simplement pris sa revanche sur des minorités qui exercent sur lui une véritable tyrannie. Par nature les minorités sont actives et la majorité à la fois inaudible et docile. Exaspérés, les américains ont exprimé leur colère : ils en ont assez qu’on leur impose ce qu’ils doivent dire, faire, croire et penser. Une grande partie de la population en a également assez d’être accusée sans aucune nuance d’un certain nombre de maux tels que le racisme, l’homophobie et la misogynie. Cette idéologie exerce un véritable terrorisme intellectuel sur les individus en les sommant par exemple, d’accepter l’idée : qu’un pénis n’est pas nécessairement un sexe masculin, qu’un homme peut être enceint, qu’un blanc est forcément raciste et privilégié, que la norme hétérosexuelle n’est qu’une invention, etc. Elle revêt une dimension Orwellienne et totalitaire, inévitablement clivante.
Non sans ironie, je pense à tous ceux qui affirmaient hier que le wokisme n’existe pas. Espérons que l’élection de Donald Trump les aide à guérir de leur cécité idéologique…
Il est difficile de nier qu’Elon Musk a contribué à la victoire du candidat des républicains. L’homme le plus riche du monde, à la tête d’entreprises emblématiques comme Tesla, SpaceX ou Neuralink, s’est aussi imposé comme un farouche opposant au wokisme en parlant même du « virus woke ». Ce rapport à cette idéologie est très personnel car lié à la transition de genre de l’un de ses enfants. Né sous le nom de Xavier Alexander Musk, son fils a entamé une transition de genre pour devenir Vivian Jenna Wilson, adoptant le nom de jeune fille de sa mère. Elon Musk a exprimé son sentiment d’avoir été dupé en signant des documents autorisant des traitements médicaux relatifs à cette transition. Une expérience et un témoignage qui ont immanquablement fait écho chez de nombreux parents perplexes et inquiets.
L’élection de Donald Trump ouvre une nouvelle ère, marquée entre autres par la lutte contre le wokisme. Cette dynamique sera-t-elle suffisante pour affaiblir le mouvement, au point même d’en provoquer progressivement la disparition ? Avant d’explorer cette question, voyons tout d’abord ce qui pourrait se dessiner à court terme.
En toute logique, on peut s’attendre à ce que l’administration Trump adopte des mesures visant à freiner, sinon stopper, la propagation de l’idéologie woke. Une tâche complexe, tant cette idéologie s’est profondément enracinée dans des institutions influentes comme l’éducation, les médias, le monde artistique et les grandes entreprises. Elle est désormais « structurelle », pour reprendre le terme cher aux militants wokes.
À lire aussi : Philippe Pulice : « aux origines de mon engagement contre le wokisme »
Des mesures anti-woke néanmoins sous contraintes…
Malgré une marge de manœuvre considérable, l’administration Trump devra composer avec plusieurs contraintes.
D’un côté, l’état de droit : la liberté d’expression, inscrite dans la Constitution, protège même les opinions les plus controversées. À cela s’ajoute l’autonomie des États, chacun disposant de sa propre constitution et étant libre de mener sa politique, notamment dans des domaines sensibles comme l’éducation. De l’autre, le risque d’une explosion des mouvements de contestation, qui pourrait conduire à un embrasement général et incontrôlable. Enfin, l’administration Trump devra éviter de donner l’image d’un régime autoritaire mettant en péril la démocratie, ouvrant ainsi une brèche dans laquelle ses opposants, tant à l’intérieur des États-Unis qu’à l’international dans l’ensemble des sociétés occidentales, ne manqueront pas de s’engouffrer. L’exercice s’annonce à la fois difficile et périlleux.
Quelles mesures l’administration Trump pourrait-elle prendre, sachant que de nombreux États républicains, comme le Texas, la Floride, ou encore la Géorgie, l’Arizona et l’Oklahoma, ont déjà mis en œuvre des politiques anti-woke bien avant cette élection ?
Parmi elles, l’adoption de décrets visant à interdire l’enseignement de la théorie critique de la race ainsi que des sujets liés au genre et à l’orientation sexuelle dans les écoles primaires et secondaires. Elle pourrait également restreindre certains droits des personnes transgenres, comme l’accès à l’armée, à des soins spécifiques, à certaines compétitions sportives, ou encore l’utilisation d’infrastructures comme les WC, douches et vestiaires. Sera-t-elle tentée de redéfinir le genre selon le sexe assigné à la naissance, malgré l’échec de cette démarche sous la précédente administration Trump ? Peut-être, mais cette fois principalement pour provoquer et mobiliser sa base électorale.
Dans une stratégie visant à s’attaquer à la promotion de l’idéologie woke, les nominations à des postes clés dans les institutions influentes joueront un rôle central, que ce soit dans les ministères, les agences fédérales, le corps diplomatique, les tribunaux, etc. Concernant les universités publiques et privées, le pouvoir du gouvernement fédéral restera cependant limité, car la nomination des présidents relève principalement des États ou de conseils d’administration autonomes.
Les établissements proposant des programmes jugés wokes seront vraisemblablement dans la ligne de mire. L’administration Trump pourrait exercer une pression sur eux en utilisant les subventions, les bourses et les accréditations comme leviers. Les étudiants éligibles à une bourse devront nécessairement en tenir compte dans leurs choix.
On peut également envisager des allégements fiscaux pour les entreprises qui éviteraient de mettre en œuvre des politiques dites wokes, telles que l’imposition de quotas sur la diversité ou la tenue de formations marquées idéologiquement.
Il est clair qu’avec les différentes mesures de l’administration Trump, la mise en place de politiques anti-woke par les États sera à la fois facilitée et encouragée. Une culture anti-woke, décomplexée et désinhibée, émergera, où les critiques se multiplieront et où la promotion des valeurs traditionnelles gagnera en force. Et cela à tous les niveaux : du sommet de l’État jusqu’au simple citoyen. Si la guerre idéologique, ou culturelle, a déjà lieu aux États-Unis, elle va sans aucun doute monter en intensité.
L’effet boomerang…
De l’autre côté, on peut s’attendre à un certain nombre de réactions de la part des militants et des sympathisants du wokisme.
Tout d’abord, tel un effet boomerang, une radicalisation semble inévitable. En utilisant encore un peu plus la carte de la victimisation, le mouvement woke risque de se durcir, renforçant ses positions et alimentant l’idée d’une lutte pour sa survie idéologique. Un exemple frappant est le mouvement des 4B, particulièrement actif depuis la campagne électorale de Trump et qui s’est intensifié après sa récente réélection. Ce mouvement tire son nom des quatre figures qu’il considère comme symboles d’oppression : le Blanc, le Bourgeois, le Binaire et le Boomer. Dans sa logique radicale, il promeut des idées telles que l’abandon des relations sexuelles et amoureuses avec les hommes, le refus de la maternité et du mariage hétérosexuel.
Par des provocations calculées, le mouvement woke cherchera sans doute à attirer l’attention et la sympathie des progressistes du monde entier, en dénonçant des mesures jugées répressives et oppressives. Une stratégie visant à renforcer son influence internationale, mobiliser de nouveaux soutiens et légitimer son discours dans une logique de confrontation idéologique. Cela pourrait se traduire par des actions de désobéissance civile et des boycotts.
On peut également s’attendre à de nombreuses batailles juridiques, car les États démocrates et les grandes villes progressistes situées dans des États républicains contre-attaqueront vigoureusement. Cela donnera lieu, comme c’est déjà le cas, à des mouvements de population. Les progressistes chercheront à aller vivre dans des environnements progressistes, et vice et versa. Une dynamique renforçant le communautarisme et accentuant le risque bien réel d’une sécession. Par ailleurs, ces batailles ne se limiteront pas aux tribunaux : les bastions progressistes mobiliseront aussi leurs médias pour dénoncer des décisions controversées et accroître la pression internationale sur le gouvernement fédéral.
À lire aussi : Les leçons de la guerre russo-occidentale en Ukraine
Tout est politique…
Alors, quelles conséquences tout cela va-t-il avoir sur le mouvement woke aux États-Unis ? Va-t-on assister à une remise en question profonde, ouvrant la voie à un affaiblissement durable ? Ou, à l’inverse, ce contexte pourrait-il paradoxalement renforcer un mouvement qui puise souvent sa vitalité dans les oppositions qu’il rencontre ?
Ayant la faiblesse de croire que tout est, en définitive, politique, l’avenir du wokisme aux États-Unis dépendra de la future stratégie du parti démocrate.
Les mesures prises par l’administration Trump, même les plus « musclées », n’auront aucun impact sur le noyau dur du mouvement. Les militants wokes resteront des militants wokes. Comme je l’ai souligné, leurs prises de position risquent même de se radicaliser davantage.
La recherche de la faveur du « Prince »…
Pour lutter efficacement contre le wokisme, il faut affaiblir ses relais influents, c’est-à-dire toutes les personnes qui détiennent le pouvoir, sous diverses formes, de faciliter sa diffusion et d’en assurer la promotion. Beaucoup d’entre elles vont dans « le sens du vent », espérant se rapprocher du « Prince » et obtenir ainsi ses faveurs. Par opportunisme, intérêt et conformisme, elles se font les porte-voix de cette idéologie, souvent sans en mesurer pleinement les conséquences. Par nature, elles restent néanmoins prêtes à changer de cap selon les désirs et priorités du « Prince ». Si le wokisme s’est propagé aussi rapidement, c’est précisément parce qu’il a su mobiliser des forces influentes. Et ce « Prince » est très précisément incarné par les dirigeants du parti démocrate, qui ont cherché à élargir leur socle électoral en se tournant vers les segments les plus radicaux de certaines minorités, bien qu’ils ne soient pas représentatifs de l’immense majorité de leurs membres.
Sous couvert de défendre les droits humains, le progressisme s’est avant tout transformé en une force politique.
Mais les dernières élections ont montré que ce choix a coûté cher. L’association avec le wokisme a non seulement renforcé la mobilisation conservatrice, mais a également éloigné une partie de l’électorat modéré, qui ne se reconnaît plus dans une idéologie jugée trop radicale ou déconnectée de leurs priorités. Plus préoccupant encore pour les démocrates, certains groupes minoritaires historiquement favorables au parti, comme les Hispaniques et les Afro-Américains, ont montré ont montré leur désaccord, avec une adhésion croissante aux idées soutenues par les républicains.
La future stratégie du parti démocrate sera donc déterminante.
Le wokisme peut en ressortir renforcé…
Si les démocrates continuent de soutenir officiellement le wokisme, rien ne laisse présager que ce mouvement s’affaiblira. Au contraire, la montée en puissance des idées conservatrices stimulera la mobilisation des militants, renforçant leurs positions et durcissant leur opposition. Le mouvement continuera de bénéficier du soutien de personnes influentes, malgré les obstacles posés par les mesures que l’administration Trump mettra en œuvre. Ces soutiens, loin de disparaître, se regrouperont pour faire front et se concentreront dans les bastions démocrates.
La guerre idéologique prendra alors des allures de guerre existentielle, exacerbant la dualité entre progressistes et conservateurs. Ce conflit, d’une intensité croissante, sera mené avec acharnement et vigueur. Par ailleurs, en exploitant la rhétorique de la victimisation, le mouvement pourrait développer son capital sympathie, élargissant ainsi sa base de militants et de soutiens.
À lire aussi : L’une des menaces du wokisme est une véritable bombe à
Ou alors, le wokisme peut très bien disparaître progressivement…
Un affaiblissement durable du wokisme ne peut être envisagé sans que les démocrates prennent officiellement leurs distances avec ce mouvement. Dans l’objectif de remporter les prochaines échéances électorales, ils pourraient choisir de se montrer critiques, non envers les minorités dans leur ensemble, mais spécifiquement envers les segments les plus radicaux, ce fameux noyau dur du wokisme. Ce repositionnement se ferait très certainement de manière progressive : d’abord par la discrétion, c’est-à-dire l’absence de tout propos visant à défendre, et encore moins à promouvoir, les idées wokes, puis, à terme, par des critiques ouvertes et assumées.
Dans cette perspective, le wokisme perdrait progressivement ses soutiens et ses relais, qui resteraient, quoi qu’il en soit, fidèles au « Prince ». Ceux qui, hier encore, se faisaient les porte-voix du wokisme n’hésiteraient pas à embrasser cette bascule idéologique avec le même enthousiasme et la même énergie qu’ils déployaient auparavant. Privé de ces relais essentiels, le mouvement woke se retrouverait orphelin, perdant peu à peu son aura et sa capacité de séduction. Cette érosion progressive conduirait à sa marginalisation, voire à sa disparition à terme.
Suite à la défaite de Kamala Harris, on peut imaginer que le parti démocrate s’engage dans une phase d’autocritique et d’analyse approfondie des raisons de cet échec. Les choix stratégiques qu’ils feront seront déterminants pour l’avenir du wokisme et, plus largement, pour sa propre survie politique.
#DonaldTrump, #Wokisme, #AntiWoke, #Élections2024, #KamalaHarris, #Progressisme, #Conservateurs, #MAGA, #PolitiqueAméricaine, #Minorités, #IdéologieWoke, #LutteCulturelle, #Démocrates, #Républicains, #CultureDeGuerre, #RaceEtGenre, #PolitiqueUS, #Éducation, #LibertéDExpression, #MédiasUS, #ProgressismeRadical, #TransitionDeGenre, #ÉtatDeDroit, #RelaisWoke, #DémocratieAméricaine, #TyrannieDesMinorités, #VotePopulaire, #DivisionsCulturelles, #PolitiquesSociales, #WokeEtConservateurs