Face à une Harris « fragilisée », un Trump « conquérant », obtient le soutien des dirigeants musulmans dans l’État clé du Michigan

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Vote arabo-musulman au Michigan
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Par Angélique Bouchard

Le dernier classement de Fox News Power Rankings place le Michigan en position d’État favori pour les Républicains. La stratégie affichée par les Républicains en cette fin de course électorale est de cibler les « électeurs à faible propension », c’est-à-dire les électeurs qui votent peu et se mobilisent en moyenne une fois sur quatre. Leur nombre est résiduel du fait de la forte mobilisation grâce au vote anticipé.

A la date du 28 octobre, ElectionBettingOdds.com (https://electionbettingodds.com/) place le candidat Trump à 53, 2% de voix dans le Michigan.

Monographie du Michigan : L’État pivot, décisif pour les élections présidentielles américaines

Le Michigan est depuis longtemps la pierre angulaire de la carte électorale américaine. Son importance est indéniable.

John F.Kennedy a remporté la victoire finale sur la Présidentielle de 1960, précisément parce qu’il avait 67 000 voix d’avance dans cet État.  De même, le Michigan a joué un rôle crucial dans la victoire de Jimmy Carter en 1976, puisqu’il l’a remporté avec 51, 05% des voix. En 2016, Donald Trump avait remporté le Michigan avec une faible avance de 10 704 voix, ce qui lui a permis de remporter le collège électoral.

Le Michigan a ensuite une influence stratégique car il connaît toujours un nombre record de votes anticipés. Selon les données du tableau de bord du Département d’État du Michigan, plus de 1,2 million d’électeurs du Michigan ont déjà voté lors des élections cette année, profitant soit du vote anticipé, soit du vote par correspondance, tout en battant le précédent record de retours des votes anticipés dans l’État en 2020. (Source : Trump earns endorsement from « highly respected » Muslim leaders in battleground state, par Sarah Rumpf- Whitten, le 26 octobre 2024, Fox News).

Dernier facteur d’influence : la très forte communauté arabo-musulmane du Michigan est une cible prioritaire pour les deux candidats. Les Démocrates sont à la peine dans cet État.

Tout d’abord, l’absence d’une position claire et constante sur la question de la résolution de la crise à Gaza joue contre la candidate Harris, digne héritière de son mentor en matière de politique internationale, Joe Biden.

De nombreux musulmans dans le Michigan, notamment à Dearborn, où vit l’une des plus grandes communautés des États-Unis, ont une vision négative de l’administration Biden, qui selon eux, « finance un véritable génocide à Gaza ».

Ensuite, les effets délétères de l’idéologie wokiste pro-minorités LGBTQ ont déchiré des familles, en particulier dans le Michigan, où les valeurs culturelles et religieuses ont une importance considérable.

Le soutien et la promotion dans le système éducatif de Kamala Haris aux initiatives « woke » a semé la confusion et la frustration chez de nombreux parents. En même temps, sa position perçue comme laxiste, en matière de politique étrangère, a suscité chez les électeurs une vive inquiétude quant à la position de l’Amérique sur la scène internationale, en particulier au Moyen-Orient.

La communauté arabo-musulmane du Michigan sait à quel point le leadership de l’actuelle VP est faible et constitue une menace de premier ordre pour la stabilité mondiale.  Ce manque de leadership en matière d’influence sur la scène internationale, conjuguée à des menaces endogènes comme  l’inflation galopante, le chômage structurel, la hausse de la criminalité, inquiètent les plus précaires, c’est-à-dire les communautés afro-américaines et arabo-musulmanes de l’État (Source : Michigan : The battleground state that could save America, par Ashley Hayek, Fox News, publié le 28 octobre 2024).

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Donald Trump : L’opération séduction réussie de l’électorat arabo-musulman

De son côté, Donald Trump a reçu les soutiens de leaders musulmans et d’imams « très respectés » par la communauté arabo-américaine, dans le Michigan.

Lors d’un déplacement au Suburban Collection Showplace à Novi, le samedi 26 octobre dernier, l’ancien président a salué les dirigeants musulmans locaux qui sont venus le soutenir. Les dirigeants ont loué l’engagement de Donald Trump pour mettre fin aux guerres et assurer la paix mondiale.

« Nous, musulmans, nous soutenons le Président Trump parce qu’il promet la paix, pas la guerre » a déclaré l’imam Belal Alzuhairi. La fin des conflits armés au Moyen-Orient et en Ukraine sont les principales motivations de ces autorités religieuses locales pour appeler au vote Trump/Vance 2024.

« Le bain de sang doit cesser partout dans le monde et je pense que cet homme peut y parvenir. Je crois personnellement que Dieu lui a sauvé la vie à deux reprises pour cette raison ».

Le maire Bill Bazzi, maire arabe et musulman de Dearborn Heights, a également apporté son soutien au candidat républicain : « Nous allons arrêter les guerres, nous allons rendre les États-Unis à nouveau sûrs et nous allons rendre le monde plus sûr ».

Donald Trump a également mené une campagne de séduction du maire de Hamtramck, Amer Ghalib, seule ville américaine dont le maire et le conseil municipal sont à 100% musulmans.

Cet entretien de 20 minutes avec Ghalib avait pour but de sécuriser sa position sur la fin du conflit armé à Gaza. Le maire a lui-même reconnu que les sujets abordés étaient très denses, allant notamment de l’actualisation des sondages, des statistiques de votes dans le Michigan et le comté de Wayne, aux préoccupations nombreuses des Américains musulmans et d’origine arabe, notamment ceux d’extraction yéménite. La situation au Yémen a été au cœur de l’échange entre les deux hommes.

« Même si tout semble aller pour le mieux, il peut ou non gagner l’élection et devenir le 47ème président des États-Unis, mais je crois qu’il est le bon choix en cette période critique » a écrit Ghalib en arabe sur sa page Facebook (Source: Trump earns endorsement from « highly respected » Muslim leaders in battleground state, par Sarah Rumpf- Whitten, le 26 octobre 2024, Fox News)

« Je ne regretterai pas ma décision quel que soit le résultat et je suis prêt à en assumer les conséquences. Pour cette raison et pour bien d’autres, j’annonce mon soutien à l’ancien et je l’espère au prochain président des États-Unis, Donald Trump » a précisé Ghalib.

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Gaza, le déterminant numéro 1 du vote de la communauté arabo-musulmane

Cette communauté est fortement divisée, notamment sur la question de la crise gazaouie.

Son impact est conséquent sur le résultat du scrutin du 5 novembre prochain. Pour ces électeurs, Gaza reste une question de premier plan (un peu plus de 8 sur 10 soit 81 %).

Si la candidate Harris devait exiger un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans entrave aux Palestiniens de Gaza, le vote arabo-musulman en faveur de l’actuelle VP, est estimé à 60%.

De même, les stratèges démocrates ont commis quelques erreurs fatales en plein milieu de la campagne électorale. A titre d’exemple, plus de la moitié (55 %) des Américains arabo-musulmans auraient été plus susceptibles de soutenir Harris si la Convention nationale démocrate (DNC) avait autorisé la prise de parole d’un orateur américain palestinien.

Deuxième donnée : la crise à Gaza a profondément affecté la sécurité des Arabes américains. Le pourcentage « d’Ararabinos » préoccupés par leur sécurité personnelle est passé de 45 % en octobre 2023 à 60 % en 2024. Plus précisément, depuis octobre 2023, plus de 14 % de la population des Américains arabo-musulmans se sent discriminée et inquiète de la montée de la violence sur le territoire américain due à l’importation du conflit israélo-palestinien. Dans l’ensemble, 63 % déclarent avoir été « personnellement victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique ou de leur pays d’origine ». Cela inclut 77 % des Américains arabes âgés de 18 à 29 ans, un groupe d’âge dans lequel seulement 6 % ont déclaré qu’ils ne s’inquiétaient pas de leur sécurité personnelle en raison de l’importation du conflit aux États-Unis.

Troisième et dernière donnée : les préoccupations suscitées par l’effet de la crise sur la communauté vont au-delà de la sécurité personnelle. Près des trois quarts (73%) des Américains arabes sont préoccupés par la prolifération des lois anti-liberté et anti-BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions est une campagne internationale, qui a pour objectif de dénoncer la colonisation israélienne des territoires occupés, et de soutenir le droit au retour des réfugiés palestiniens)

Ce sont les trois principales observations qui se dégagent du sondage national réalisé à la mi-septembre 2024, sur un panel de 500 américains arabo-musulmans inscrits sur les listes électorales, mené par John Zogby Strategies pour l’Institut arabo-américain. (Source : https://www.aaiusa.org/library/the-arab-american-vote-2024).

La gestion de la crise à Gaza par l’administration Biden a entraîné une scission profonde d’un électorat traditionnellement acquis aux Démocrates depuis 30 ans, avec un taux d’adhésion estimé à 23%, immédiatement après le 7 octobre 2023, journée de massacre de civils israéliens par le Hamas. Autre fait révélateur est qu’une légère majorité (de 43 % à 46%) des électeurs de la communauté, préfèreraient une majorité républicaine au prochain Congrès.

Traditionnellement, le taux de participation des électeurs arabo-américains a toujours été de l’ordre de 80 %. Mais cette année, seulement 63 % de la communauté se dit enthousiaste à l’idée de voter à l’élection présidentielle.

Certains alliés de Kamala Harris ont exprimé leur plus vive inquiétude, indiquant aux donateurs que la candidate était « sous l’eau » dans le Michigan, notamment auprès de l’électorat arabo-musulman (Source : Kamala Harris’ support with Arab and Muslim communities in Michigan is « tenuous » : Democratic strategist, par Jeffrey Clark, Fox News, 5 octobre 2024).

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« Kind of disgusting » : l’échec de la stratégie de reconquête de l’électorat arabo-musulman de Harris

Décidément les stratèges démocrates n’ont guère conscience de la réalité des enjeux sur le terrain électoral. Ils multiplient les bourdes en cette fin de campagne. Qui a donc conseillé à Kamala Harris de se rendre avec la représentante républicaine Liz Cheney dans le Michigan pour reconquérir le bloc électoral arabo-musulman ?

« C’était surprenant pour nous, les Américains d’origine arabe, de voir Kamala Harris amener quelqu’un dont le nom de famille nous rappelle toujours les crimes de guerre au Moyen-Orient » a déclaré le 28 octobre le maire de Hamtramck, Amer Ghalib.

En effet, Liz Cheney n’est autre que la fille de l’ancien vice-président Dick Cheney, fervent partisan de la guerre en Irak en 2003, sous l’ancienne administration du président George W.Bush.

Liz Cheney reste une ultraconservatrice et a pris part à la campagne de son père à la vice-présidence des États-Unis aux côtés de George W. Bush en 2000 et en 2004. Elle a rejoint le département d’État américain, où elle a occupé plusieurs postes dont celui de sous-secrétaire adjoint aux affaires du Proche-Orient.

La candidate démocrate s’est lancée dans une tournée avec Liz Cheney dans trois États. Cette tournée avec l’élue du Wyoming, que l’on surnomme « Steely » (traduction de steel, acier en anglais), car aussi « émotive que l’algèbre » était surtout destinée à reconquérir les totems de l’ultra-conservatisme américain dans des États pivots, où Harris est à la peine en raison de son manque de « leadership ».

La prise de guerre ? Liz Cheney. Cette dernière s’est toujours opposée à Trump, qu’elle ne cesse de tacler dans ses apparitions publiques : « J’étais une républicaine avant même que Donald Trump ne commence à s’arroser d’autobronzant », lance-t-elle.

Cette tournée s’est finie dans le sud-est du Michigan, au Royal Oak, où Harris ciblait le vote des indécis : « Je ne sais pas si quelqu’un est plus conservateur que moi. La valeur absolue du conservatisme est de défendre la Constitution » affirme Cheney, faisant référence à l’assaut du Capitole en 2021.

En effet, Liz Cheney s’est opposée à l’ensemble de son parti le 06 janvier 2021, allant jusqu’à devenir vice-présidente de la commission d’enquête parlementaire portant sur l’attaque et mettant en cause directement l’ancien président et candidat Donald Trump.

Loin de capter les voix résiduelles des électeurs indécis, la présence de Cheney a eu un effet « repoussoir » de la communauté arabo-musulmane, « très déçue » selon Ghalib.

« Le fait que cette personne soit présente dans notre entourage, pour nous rappeler à tous les drames qui se sont produits au Moyen-Orient, nous indique que d’autres guerres pourraient éclater si Kamala Harris était élue » confirme le maire de Hamtramck.

« C’est très décevant et plutôt dégoûtant d’amener Cheney ici » a surenchéri le maire de Dearborn Heights, Bill Bazzi, lors du même rassemblement. « Il n’y a pas de paix dans la famille », conclut-il.

Le lobbying actif de Trump dans le Michigan a porté ses fruits. L’avance de 1,2 points dans l’État marque un changement radical par rapport à la fin août 2024, lorsque la candidate démocrate enregistrait une avance confortable de 2, 2 points.

Les deux poids lourds politiques locaux, Ghalib et Bazzi ont conforté leur soutien à Donald Trump et Ghalib a fait valoir que l’arrivée de Cheney dans le Michigan aux côtés de Harris ne servirait pas la cause du Parti mais bien au contraire ne servirait qu’à aliéner davantage de membres de la communauté musulmane.

« C’est une véritable insulte pour notre communauté qu’elle vienne avec Cheney. Je ne sais pas en quoi cela va l’aider… Je pense que c’est une décision stupide, ça ne peut que lui faire du mal » (Source : « Kind of disgusting » :  Harris makes move that could backfire in critical swing state, par Michael Lee, Fox News, le 22 octobre 2024).

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