Tribune de Julien Aubert
Les sondages étaient serrés mais les derniers jours de campagne américaine ne semblaient pas aller dans le sens d’une victoire de Kamala Harris.
Alors que les démocrates pouvaient capitaliser sur l’insulte faite aux portoricains (« une île flottante d’ordures »), lancée lors d’un meeting de campagne à Madison square le 28 octobre dernier par Tony Hinchcliffe, un humoriste soutien de Trump, le soufflé est retombé. Joe Biden avait – sciemment ? – remis les compteurs à zéro le surlendemain en semblant qualifier les électeurs trumpistes de « garbage » (ordures, ou détritus). Faut-il voir le coup de pied de l’âne d’un président amer d’avoir été poussé vers la sortie ? Ou un énième avatar des fragilités mentales d’un vieillard ? Nul ne pourra trancher avec certitude.
Quoiqu’il en soit, Donald Trump a gagné. Il a gagné incontestablement, malgré des tonnes de mensonges, malgré une multiplication de procédures judiciaires, malgré ses excès et ses provocations.
Cette victoire est très importante car elle met en exergue trois leçons :
Leçon numéro 1 : La méthode inventée par les démocrates pour s’appuyer sur les minorités (ethniques, sexuelles…) pour gagner le pouvoir ne fonctionne pas. Pire, les minorités se sont éveillées… pour voter Trump. En 2016, il avait rassemblé 28% des voix dans l’électorat latino historiquement démocrate, puis 33% en 2020. Cette fois, le républicain atteint 45% des voix d’après CNN et même… 54% des voix des hommes latinos, un record au regard des polémiques de fin de campagne sur Porto-Rico. Dans l’électorat noir, Trump a amélioré ses scores en doublant ses scores (20% au lieu de 7-9%) dans deux États pivots, la Géorgie et la Caroline du Nord. Quant aux femmes, si Kamala Harris est arrivé en tête avec 54%, la focale sur l’avortement n’a pas suffi : Trump a gagné 2 points par rapport à 2020. Ceci démontre que parler aux gens par le canal de leur couleur de peau ou de leur genre n’a aucun sens dans une démocratie mature. Du reste, Trump a perdu du terrain dans l’électorat blanc. Cette leçon-là mériterait d’être méditée par l’extrême-gauche française et les wokistes de tous poils : les minorités peuvent politiquement s’éveiller… pour les faire battre !
Leçon numéro 2 : L’arme de la peur pour faire barrage n’a pas non plus fonctionné. Il faut dire que Trump est un personnage fascinant mais inquiétant au plan psychologique : comment ne pas craindre l’élection d’un politicien qui a encouragé l’assaut du Capitole en janvier 2021, qui veut expulser des millions d’immigrants et qui parle d’utiliser l’armée contre ses citoyens ?
Il faut dire aussi qu’il a réchappé à une tentative d’assassinat, qui l’a posée en victime. La Gauche américaine a eu beau agiter dans les derniers jours de campagne le risque fasciste (un adjectif utilisé par son ancien chef de cabinet John Kelly dans le New York Times ou le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées des États-Unis), faire des parallèles avec Hitler (Hillary Clinton) ou celui des violences, Trump a pourtant triomphé. Ceci rappelle le vote sur le Brexit où la même technique avait été agitée, sans succès. Tous les thuriféraires du front républicain et du barrage au RN, devraient donc repenser leur stratégie.
Leçon numéro 3 : Le fond l’emporte sur la forme. Les femmes n’ont pas jugé suffisamment important que Kamala Harris puisse devenir la Première femme présidente des Etats-Unis, exactement comme Hillary. L’allergie aux maux économiques a été la plus forte. La pensée mondialisée, dont Kamala Harris était la représentante malgré elle (sa vision économique était floue) a été battue, avec la fin du consensus économique. Trump a le visage de la guerre commerciale, du protectionnisme et de l’America First. Il a rompu avec les dogmes libéraux de la Droite américaine pour devenir le défenseur des opprimés, les classes moyennes et populaires qui ont massivement voté pour lui. Cette leçon-là, c’est la Droite française qui devrait la méditer. Alors que souvent, ses soutiens demandent de prendre le cours de l’Histoire et d’appliquer une politique vraiment libérale, l’Amérique vient de décider de faire l’inverse. Nous ne sommes plus en retard sur l’horloge du monde, mais en avance si nous renouons avec le Colbertisme et le gaullisme !
Au plan européen et notamment français, il est donc temps de tirer quelques constats lucides : nous serons bientôt seuls (et cocus) en Ukraine, et prochainement sans couverture de l’OTAN face à la Russie ; les miasmes idéologiques qui sont en train de déconstruire notre modèle politique sont en train d’être balayés Outre-Atlantique par un populisme sécuritaire ; la mondialisation heureuse est définitivement enterrée. Préparons-nous, ou nous serons dans trente ans un terrain de jeu d’affrontement des autres puissances.
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