Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.
Entre 2017 et 2021, l’administration Trump a développé une narration omniprésente présentant la Chine comme le principal ennemi des États-Unis. “La Chine est notre ennemi”, déclarait Trump, ajoutant que “ce ne sont pas des gens qui comprennent la gentillesse”. Mike Pompeo, alors secrétaire d’État, renforçait cette idée en qualifiant le Parti communiste chinois (PCC) de menace non seulement externe, mais aussi interne : “La menace du PCC est dans nos frontières, à Des Moines, Phoenix et Tallahassee.”
Steve Bannon, ancien stratège de Trump, décrivait la Chine comme “la plus grande menace à la sécurité économique et nationale que les États-Unis n’aient jamais affrontée”. Christopher Wray, directeur du FBI, avertissait que la Chine représentait un danger pour “notre santé, nos moyens de subsistance et notre sécurité”. Selon Wray, l’objectif de la Chine était ambitieux : “remplacer les États-Unis dans la suprématie économique et technologique”. William Barr, ancien procureur général, affirmait également que la Chine menait une “guerre éclair économique” pour surpasser les États-Unis en tant que première superpuissance technologique mondiale.
La stratégie géopolitique américaine : défendre la suprématie à tout prix
La National Security Strategy (NSS) de 2017 révélait clairement l’objectif américain : contenir la Chine pour préserver la domination des États-Unis. La Chine, indique la NSS, cherche à “remplacer les États-Unis dans la région Indo-Pacifique, à étendre son modèle économique dirigé par l’État et à réorganiser la région à son avantage”.
Cet objectif s’accompagne d’une vision de suprématie militaire : la NSS recommande de “surpasser” la létalité de toutes les autres forces armées pour garantir que “les fils et les filles d’Amérique ne se retrouvent jamais dans une lutte à égalité”. Le Framework stratégique pour l’Indo-Pacifique, publié sous l’administration Trump, soulignait que l’un des intérêts primaires des États-Unis était de “maintenir la suprématie américaine” et d’empêcher la Chine de construire une sphère d’influence dans sa propre région.
Biden : continuité et durcissement des politiques anti-chinoises
Contrairement aux attentes d’un changement de cap, Joe Biden a poursuivi de nombreuses politiques anti-chinoises de Trump, souvent avec plus d’intensité. Pendant la campagne électorale, Biden qualifia Xi Jinping de “voyou” et promit d’“être plus dur que Trump”. Une fois en fonction, il imposa des restrictions technologiques sans précédent, décrites par Politico comme “l’action américaine la plus agressive jamais menée pour contenir la montée en puissance économique et militaire de Pékin”.
La National Defense Strategy de 2022 réaffirme que la Chine représente “le plus grand défi à l’ordre international” et engage les États-Unis à en faire une priorité. Même le “Pivot vers l’Asie” d’Obama, qui promettait de concentrer les ressources militaires les plus avancées des États-Unis dans la région, trouve une continuité dans les administrations suivantes, montrant que le containment de la Chine est une constante de la politique étrangère américaine.
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Taïwan : le centre des tensions
La question de Taïwan est le point le plus critique du conflit entre les États-Unis et la Chine. Historiquement, l’île faisait partie de la Chine jusqu’en 1895, lorsqu’elle fut cédée au Japon. Après la Seconde Guerre mondiale, Taïwan retourna sous contrôle chinois, mais avec la victoire des communistes dans la guerre civile de 1949, les forces de Chiang Kai-shek se retirèrent sur l’île, se proclamant le gouvernement légitime de toute la Chine.
Les États-Unis, pendant des décennies, ont reconnu la politique d’“une seule Chine”, mais ont récemment adopté des actions perçues comme provocatrices par Pékin, telles que la visite de Nancy Pelosi à Taïwan et l’annonce de soutien militaire. Ces gestes renforcent la perception chinoise d’un encerclement stratégique, augmentant le risque d’un conflit militaire.
La militarisation de l’Indo-Pacifique
Les États-Unis ont intensifié leur présence militaire dans l’Indo-Pacifique, en formant des alliances comme l’AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis) et en augmentant le déploiement de troupes et de bases militaires. Selon le National Defense Authorization Act de 2022, l’objectif est de créer un réseau étouffant de bases et de forces alliées pour confiner la Chine à ses frontières et paralyser son économie en cas de conflit.
La Chine comme miroir des États-Unis
Beaucoup des accusations portées contre la Chine – de la répression des Ouïghours au vol de propriété intellectuelle – trouvent des correspondances dans l’histoire américaine. Les États-Unis ont utilisé le vol industriel pour surpasser leurs rivaux européens et exercent aujourd’hui une influence mondiale grâce à des bases militaires et des interventions étrangères. La Chine conteste simplement le droit des États-Unis de “donner un coup de pied à l’échelle”, c’est-à-dire d’utiliser des règles qui empêchent les autres de reproduire leur propre parcours de développement.
La course aux armements : un risque pour tous
La militarisation croissante de la région et la course aux armements nucléaires entre les États-Unis et la Chine augmentent le risque d’un conflit catastrophique. Henry Kissinger a averti que les tensions actuelles pourraient conduire à une nouvelle “guerre froide” avec des conséquences encore plus destructrices.
Diplomatie : la seule voie pour éviter la catastrophe
La situation actuelle nécessite un changement de paradigme. Les États-Unis doivent cesser de traiter la Chine comme un ennemi et promouvoir la coopération sur des thèmes globaux comme le changement climatique et la sécurité économique. Comme le disait Martin Luther King : “Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères ou périr ensemble comme des imbéciles.”
Une nouvelle guerre mondiale n’est pas une option acceptable au XXIe siècle. La diplomatie et la compréhension mutuelle sont les seules voies pour garantir un avenir de paix et de prospérité.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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