Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.
Les récentes déclarations de Donald Trump, président élu des États-Unis, adressent un avertissement clair et direct à l’Union européenne : augmenter significativement les importations de pétrole et de gaz américains ou faire face à l’imposition de tarifs douaniers. Ce message, publié sur la plateforme Truth Social, reflète une stratégie bien définie que Trump avait déjà annoncée lors de sa campagne électorale : utiliser le levier énergétique pour réduire le déficit commercial avec l’Europe et relancer la production nationale d’énergie.
Trump a déclaré sans ambages : « J’ai dit à l’Union européenne qu’elle devait combler son énorme déficit commercial avec les États-Unis en achetant en grande quantité notre pétrole et notre gaz. Sinon, ce sera TARIFS à tous les niveaux !!! » Cette déclaration reflète non seulement la vision économique du président élu, mais également une stratégie géopolitique précise visant à renforcer la domination américaine sur les dynamiques énergétiques mondiales.
Une Europe vulnérable : dépendance énergétique et fragilité stratégique
Pour l’Europe, ces déclarations représentent un double coup : d’une part, elles remettent en question la souveraineté économique des États membres ; d’autre part, elles mettent en évidence la vulnérabilité du continent face à une pression externe aussi explicite. L’UE a déjà subi d’énormes conséquences économiques de la crise énergétique déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine, avec la nécessité soudaine de diversifier les sources d’approvisionnement pour réduire la dépendance au gaz russe.
Au cours des deux dernières années, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis ont considérablement augmenté, mais pas suffisamment pour répondre aux attentes de Trump. Le président élu utilise désormais le déficit commercial comme justification pour forcer l’UE à renforcer davantage ses liens avec l’industrie énergétique américaine.
Le chantage des tarifs : une attaque contre la souveraineté économique
L’imposition de tarifs douaniers à grande échelle constituerait une attaque directe contre la souveraineté économique de l’Europe. La menace de Trump représente un chantage visant à subordonner les choix économiques et stratégiques de l’UE aux intérêts économiques américains. Cette politique coercitive soulève une question fondamentale : l’Europe peut-elle réellement poursuivre un agenda autonome sur le plan énergétique et commercial, ou sera-t-elle contrainte de céder aux pressions de Washington ?
Déjà frappée par l’inflation et un ralentissement économique, l’UE se retrouverait à faire face à une augmentation des coûts résultant de potentiels tarifs. Cela mettrait encore plus en danger la compétitivité des industries européennes, déjà en difficulté en raison de l’augmentation des coûts énergétiques et des politiques protectionnistes américaines, telles que l’Inflation Reduction Act.
La stratégie de Trump : l’énergie comme arme géopolitique
Derrière les déclarations de Trump se cache une vision claire : renforcer le rôle des États-Unis en tant que principal exportateur mondial d’énergie, en utilisant le pétrole et le gaz comme outils d’influence géopolitique. La promesse de relancer la production intérieure, en supprimant les restrictions sur la fracturation hydraulique et en rouvrant les permis d’exportation de GNL, fait partie intégrante de cette stratégie.
Mais la politique de Trump ne concerne pas seulement l’économie : il s’agit de redéfinir les rapports de force mondiaux, en subordonnant l’Europe à une dépendance énergétique vis-à-vis des États-Unis et en réduisant l’espace pour des politiques autonomes de la part de Bruxelles.
Un tournant pour l’Europe : autonomie ou soumission
L’Europe est à un tournant. Continuer à céder aux pressions américaines signifierait accepter une subordination stratégique qui sape sa souveraineté économique et politique. En revanche, tenter de s’émanciper des dépendances externes nécessiterait un plan ambitieux pour accélérer la transition vers les sources renouvelables, renforcer les infrastructures énergétiques internes et diversifier encore davantage les partenaires commerciaux.
Les déclarations de Trump ne sont pas simplement une annonce : elles constituent un test pour l’Union européenne. Sera-t-elle capable de répondre avec une vision stratégique à long terme ou cèdera-t-elle à une politique à court terme, se laissant imposer un agenda qui favorise exclusivement les intérêts de Washington ?
L’avenir énergétique et économique de l’Europe dépendra de la capacité de ses dirigeants à résister aux pressions externes, tout en promouvant une véritable autonomie stratégique. En jeu, il n’y a pas seulement le gaz ou le pétrole : c’est le destin d’un continent qui doit décider s’il reste un acteur ou devient un pion dans un jeu de pouvoir mondial.
L’énergie comme levier géopolitique
Christian Harbulot a souvent souligné que le contrôle des ressources énergétiques est l’une des armes les plus puissantes dans les relations internationales. Les déclarations de Trump confirment cette vision : l’imposition d’une augmentation des importations de pétrole et de gaz américains n’est pas seulement une question commerciale, mais un acte de pression géopolitique visant à subordonner l’Union européenne aux intérêts stratégiques des États-Unis.
La subordination stratégique de l’Europe
Éric Denécé, dans ses analyses, a montré comment les États-Unis ont systématiquement utilisé leur position dominante pour influencer et contrôler leurs alliés, notamment en Europe. Les menaces de Trump représentent un nouvel exemple de cette stratégie : en utilisant le levier énergétique, Washington impose un agenda économique qui favorise exclusivement les intérêts américains, sapant la capacité de l’UE à agir en tant qu’acteur souverain.
Denécé a également observé que cette subordination n’est pas seulement économique, mais aussi politique. En augmentant les importations de ressources américaines, l’Europe renoncerait implicitement à diversifier ses sources énergétiques et à construire une véritable autonomie stratégique, ouvrant davantage la porte à la dépendance vis-à-vis de Washington.
La confirmation de la stratégie de contrôle global
Harbulot et Denécé ont souvent souligné que la politique énergétique américaine fait partie d’une stratégie plus large de contrôle global, visant à renforcer la suprématie des États-Unis dans le système international.
Trump, avec sa rhétorique agressive et son chantage tarifaire, incarne cette stratégie. L’Europe, déjà touchée par la crise énergétique due à la guerre en Ukraine, doit maintenant faire face à une nouvelle pression qui réduit encore son espace de manœuvre politique et économique.
Pour conclure, les analyses de Christian Harbulot, d’Éric Denécé et du soussigné trouvent dans les déclarations de Trump une confirmation éclatante : l’énergie est devenue l’un des leviers géopolitiques les plus puissants. La pression exercée par Washington met l’Europe face à une décision cruciale : construire une autonomie stratégique réelle ou rester dans l’ombre de la domination américaine.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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