
Par Ian Hamel
Alors que la Confrérie (sunnite) est habituellement très hostile au chiisme, le Guide général des Frères musulmans a adressé le 22 juin un message de soutien à la République islamique d’Iran « face à l’agression israélienne barbare » qui « constitue une nouvelle phase de l’agression contre la Palestine ». En fait, les Frères musulmans ont toujours été des ennemis-alliés de la Révolution iranienne.
Le texte est sans nuance, le docteur Salah Abdel Haq, qui se présente comme le suppléant du Guide général des Frères musulmans (le 8ème guide, Mohammed Badie est emprisonné en Égypte depuis 2013), assure que « nous sommes une seule et même nation, dans les sens religieux, spirituel, civilisationnel et géopolitique. Le feu de l’occupation et de ses soutiens ne distingue ni nos origines ni nos écoles de pensée », ajoutant que « notre première arme doit être l’unité de la nation islamique ». Une déclaration qui ne risque pas de passer inaperçue tant la différence doctrinale fondamentale entre le sunnisme des Frères musulmans et le chiisme duodécimain du régime iranien reste un obstacle majeur.
À lire aussi : Décryptage – France/Maroc : Des relations entre ambitions et ambiguïtés stratégiques
Youssef Nada, le financier de la Confrérie
Les sunnites sont, dans leur grande majorité, totalement hermétique au concept d’imam caché, vivant dans un monde invisible, le Mahdi, supposé revenir à la fin des temps en compagnie du Messie. Plus vulgairement, les Frères musulmans et les chiites ne s’aiment guère. Pire, ils se sont entretués durant la guerre civile en Syrie. Les premiers étant l’une des principales forces d’opposition au régime de Damas. L’Iran soutenant Bachar al-Assad. Quant à Al-Qaïda, et surtout à l’État islamique, les chiites seraient pour eux des animaux nuisibles, pire que les juifs, les singes et les porcs.
Malgré cela, il y a toujours eu des contacts entre les frères ennemis. Des liens notamment entretenus par Youssef Nada, l’ancien financier de la Confrérie, décédé le 22 décembre 2024, qui vivait à Campione, une minuscule enclave italienne, un paradis fiscal dans le canton du Tessin. Né en 1931 en Égypte, autrefois patron d’Al-Taqwa, une banque aux Bahamas, il avait été directement mis en cause par le président américain après le 11 septembre 2001. George Bush l’accusait d’avoir financé les attentats ! Toutefois, Youssef Nada a finalement été blanchi. En 2021, à l’occasion des vingt ans du 11 septembre, ce dignitaire de la Confrérie acceptait de recevoir l’auteur de l’article. Il reconnaissait avoir toujours entretenu des liens avec les Iraniens. Dans un ouvrage publié à Londres, il pose en compagnie de Mohsen Rafighdoost, alors ministre des Gardiens de la Révolution iranienne, sous le portrait de l’ayatollah Khomeiny (1)   Â
Tariq Ramadan à la TV iranienne
De son côté, le prédicteur Tariq Ramadan, petit-fils de Hassan al-Banna, le fondateur de la Confrérie, n’a pas hésité à animer pendant plusieurs années, à partir de 2008, une émission de télévision, diffusée en anglais, intitulée « L’islam et la vie », sur une chaîne iranienne, Presse TV, financée et pilotée par les services du Guide suprême Ali Khamenei. C’est d’ailleurs ce dernier qui a traduit en persan les écrits de Hassan al-Banna et surtout de Sayyid Qutb, l’idéologue des Frères musulmans. « Dans les années 1980, la République islamique a d’ailleurs été présentée par nombre de leaders fréristes comme un modèle », en particulier par le Tunisien Rached Ghannouchi, le fondateur d’Ennahda, rappelle l’ouvrage « Le Projet. La stratégie de conquête et d’infiltration des Frères musulmans » (2).
Contre toute logique, le régime de Téhéran et la Confrérie nouent parfois des alliances de circonstances, surtout autour de leurs ennemis communs, la lutte contre Israël et le soutien à la cause palestinienne. Malgré tout, il ne peut s’agir que d’une alliance fluctuante en raison de leurs divergences idéologiques et de rivalités stratégiques profondes. A la fois partenaires improbables et adversaires acharnés. Malgré tout, on peut se demander ce qui peut pousser actuellement les Frères musulmans, en reflux dans le monde musulman comme en Occident, à prôner une union sacrée entre chiites et sunnites.
- « Inside the muslim brotherwood », Metro Publising, Londres, 2012.
- Alexandre Del Val, Emmanuel Razavi, L’Artilleur. 2019.
#Iran, #FrèresMusulmans, #Chiisme, #Sunnisme, #ConflitReligieux, #YoussefNada, #TariqRamadan, #IslamPolitique, #SoutienÀLIran, #ChiitesEtSunnites, #GuerreEnSyrie, #Mahdi, #Khomeiny, #AliKhamenei, #Palestine, #Israël, #FrèresEtEnnemis, #IslamContemporain, #StratégieIslamique, #TerrorismeIslamiste, #AlQaïda, #ÉtatIslamique, #RévolutionIranienne, #GardiensDeLaRévolution, #PresseTV, #Ennahda, #RachedGhannouchi, #SayyidQutb, #HassanAlBanna, #Campione, #BanqueAlTaqwa, #GeorgeBush, #11Septembre, #GéopolitiqueIslamique, #UnitéIslamique, #IslamPolitiqueMondial, #AlliancesIslamistes, #InfiltrationIslamiste, #IslamEtPolitique, #StratégieChiiteSunnite

Diplômé du Centre universitaire d’enseignement du journalisme de Strasbourg (1975)
Correspondant du Monde et de l’AFP 1976-1981 à Cayenne (Guyane française).
Le Quotidien de La Réunion, 1981-1986
Correspondant de Libération de 1982-1986 à Saint-Denis (La Réunion)
Le Quotidien de Paris (Lyon) 1987-1988
L’Hebdo (Suisse)1989-2007
L’Illustré (Suisse) 1998-2001
Le Matin dimanche (Suisse) 2001-2010
L’Agefi (suisse) 2011-2018
Le Point (Genève) 1997-2024
Bibliographie
L’énigme Oussama Ben Laden (Payot), 2008
Et si la Suisse ne servait plus à rien ?, Larousse, 2010
Sarko et Cie, la République des copains et des réseaux, l’Archipel, 2011
Les Bettencourt, l’Archipel, 2013
Notre ami Bernard Tapie, l’Archipel, 2015
Banquier, un Suisse dans le grand banditisme, la manufacture de livres, 2015
Tariq Ramadan. Histoire d’une imposture, Flammarion, 2020 (traduit en arabe)
C’était Bernard Tapie, l’Archipel, 2021.
