ANALYSE – L’Arctique russe, nouvelle frontière de la géopolitique mondiale

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Vladimir Poutine présente son plan stratégique pour l’Arctique et la Route maritime du Nord lors du Forum économique de Vladivostok, mettant en avant le rôle géopolitique et économique de la Russie dans l’Extrême-Orient.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

À Vladivostok, Poutine a dessiné son « plan directeur » pour l’Extrême-Orient et l’Arctique

Sous les ors du Forum économique oriental, à Vladivostok, Vladimir Poutine s’est livré à un exercice qui lui est cher : projeter la Russie dans l’avenir. Dans un discours longuement applaudi par les élites politiques et économiques présentes, le maître du Kremlin a présenté ce qu’il appelle son « plan directeur » pour l’Extrême-Orient et l’Arctique. À ses yeux, ces territoires glacés, souvent perçus comme périphériques, doivent devenir le cœur d’un projet de puissance mondiale.

Le président russe a parlé d’industries nouvelles, de corridors logistiques, de pôles technologiques. Derrière ces mots, une ambition : faire de la Sibérie, du Pacifique russe et des rives arctiques une plateforme d’intégration entre l’Eurasie et le Sud global.

Des déserts glacés aux pôles de croissance

On imagine l’Arctique comme un désert humain, royaume des ours blancs et des gisements inaccessibles. Mais Poutine en dessine un autre visage : celui d’une région en plein essor, attirant entrepreneurs et familles. Pour enrayer l’exode démographique, Moscou promet des incitations fiscales, des aides à l’installation, une modernisation sociale via des partenariats public-privé.

C’est une vision quasi volontariste : transformer l’isolement en attractivité. Les infrastructures joueront le rôle de leviers. De nouveaux ponts vers la Chine et la Corée du Nord, des ports en eau profonde, des aéroports modernisés et des centrales hydroélectriques doivent soutenir ce réveil.

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Le pari du corridor transarctique

Au-delà de la dimension nationale, c’est la géoéconomie mondiale qui est en jeu. Car la Russie s’apprête à exploiter un atout majeur : la Route maritime du Nord, qui longe les côtes arctiques et relie l’Asie à l’Europe par un trajet bien plus court que celui de Suez. Reliée par voie ferrée à la Sibérie et à l’Extrême-Orient, cette route dessine un corridor transarctique destiné à devenir l’épine dorsale des échanges eurasiatiques.

Le renforcement du Transsibérien et de la ligne Baïkal-Amour s’intègre dans cette stratégie. Grâce à ces infrastructures, Moscou compte se positionner comme le trait d’union entre Pékin, New Delhi, Jakarta et les marchés européens.

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La Chine, partenaire indispensable et menaçant

Les sanctions occidentales, imposées à la suite de l’« opération spéciale » en Ukraine, ont eu un effet inattendu : elles ont accéléré le rapprochement russo-chinois. Pékin, avide d’hydrocarbures, de minerais rares et de routes maritimes plus rapides, s’impose comme investisseur majeur dans l’Arctique.

Mais Moscou, conscient du risque de dépendance excessive, cherche à élargir son cercle de partenaires. Le Kremlin mise sur l’Inde et l’Indonésie pour équilibrer l’influence chinoise, diversifier ses débouchés et renforcer son rôle de pivot dans le nouvel ordre multipolaire.

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L’Arctique, ligne de fracture du monde

Pour l’analyste américain Andrew Korybko, observateur attentif de ces évolutions, « l’Arctique et l’Extrême-Orient russes sont appelés à devenir les catalyseurs d’un basculement du système international vers un monde multipolaire ». Dans sa dernière note, il souligne que l’échec des Occidentaux à participer à ce projet ne fait qu’accélérer la montée en puissance du Sud global, conduit par la Chine et soutenu par la Russie, l’Inde et l’ASEAN.

C’est là le paradoxe : en voulant isoler Moscou, l’Occident a contribué à renforcer l’axe eurasiatique. La fracture se précise : d’un côté, un « Ouest global » mené par Washington et ses alliés ; de l’autre, un « Sud global » qui s’organise autour de Pékin et de ses partenaires.

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Quand l’Arctique devient le centre du monde

Longtemps perçue comme une marge glacée, l’Arctique s’impose désormais comme une frontière stratégique. Poutine entend y construire une Russie tournée vers l’Asie, moteur de nouvelles alliances et carrefour des routes maritimes du futur.

La bifurcation du monde, que certains jugent inéluctable, pourrait bien s’opérer là, entre banquise et toundra. Et l’Arctique, plus que jamais, en devient la page blanche.

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