
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Une expérience diplomatique au bilan mitigé
En 2007, le président costaricien Óscar Arias avait surpris la scène internationale en rompant les relations avec Taïwan au profit de la République populaire de Chine (RPC). Un tournant historique, assorti de promesses : 430 millions de dollars en dons, un stade national flambant neuf, des achats de titres souverains, et une ouverture commerciale espérée. Mais près de vingt ans plus tard, le Costa Rica se retrouve confronté à l’envers du décor d’un partenariat aussi séduisant qu’encombrant.
Washington riposte : Retraits de visas et guerre d’influence
En 2025, les États-Unis ont accentué leur pression. Des figures politiques comme Rodrigo Arias, son frère Óscar, et la vice-présidente de l’Assemblée, Vanessa Castro, ont vu leurs visas annulés. Une décision perçue comme un signal clair contre l’influence chinoise croissante au sein des institutions costariciennes. L’affaire Huawei, exclue des infrastructures 5G, illustre cette guerre froide technologique que Washington entend dominer. Des soupçons de lobbying illicite ont également conduit à des mesures contre l’ICE et ses syndicats.
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Promesses économiques déçues et projets sabotés
Loin des attentes, la relation sino-costaricienne a accumulé désillusions et retards. La raffinerie Soresco, projet phare, a échoué en 2016 à cause de conflits de gouvernance. La route 32, financée par la banque chinoise Eximbank, est devenue un cauchemar logistique. Même le “barrio chino” à San José, censé célébrer l’amitié bilatérale, a suscité des critiques pour son mauvais aménagement et ses inondations récurrentes.
Côté commerce, le traité de libre-échange signé en 2011 n’a pas tenu ses promesses. En 2023, le Costa Rica a importé pour plus de 3,3 milliards de dollars de produits chinois, mais n’en a exporté que pour 402 millions. La Chine a inondé les marchés locaux sans absorber significativement les produits costariciens.
Technologie et dépendance : La présence persistante de Huawei
Exclue officiellement du marché 5G, Huawei reste pourtant omniprésente : modems, smartphones, routeurs, dispositifs de vidéosurveillance. D’autres entreprises chinoises comme Hikvision et Nuctec lorgnent les marchés publics, notamment dans la sécurité urbaine. La dépendance technologique reste forte, même si elle est moins visible.
Tensions diplomatiques : Taiwan, renseignement et signaux politiques
Les relations avec Pékin se sont refroidies sous la présidence actuelle de Rodrigo Chaves. L’envoi d’agents de renseignement à Taïwan et le remplacement de l’ambassadeur chinois par un diplomate inexpérimenté ont été perçus comme des gestes de mécontentement mutuel. Pékin semble désormais sélectionner ses partenaires avec pragmatisme, tout en gardant un pied dans les secteurs stratégiques.
Criminalité organisée et soupçons croissants
La criminalité organisée d’origine chinoise s’est développée : traite d’êtres humains, pêche illégale, blanchiment d’argent. L’opération Matsu, en mai 2025, a mis au jour un vaste réseau de trafic de migrants. Des entreprises chinoises locales sont soupçonnées de jouer un rôle dans ces activités illicites. Des figures comme Álvaro Zheng, lié à des trafiquants locaux, sont dans le viseur des autorités.
Puissance douce et réseaux d’influence
Sur le plan culturel et académique, la Chine continue de cultiver son influence : Institut Confucius, bourses d’études, centres de médecine traditionnelle, suppléments dans les journaux locaux, voyages financés pour journalistes et députés. En 2023, la Chine a été le pays qui a le plus financé de missions parlementaires depuis le Costa Rica. Le soft power chinois y fonctionne à plein régime.
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Une alerte pour l’Amérique latine
Le Costa Rica est un exemple clé en Amérique latine. Ce pays a expérimenté les limites d’une coopération déséquilibrée avec Pékin : beaucoup de promesses, peu de résultats durables, et une pression grandissante sur les institutions. Mais il incarne aussi une résilience rare. Grâce à des institutions solides et une culture démocratique vivante, San José a montré qu’il est possible de dire non.
Dans un monde multipolaire, la neutralité a un coût. Il ne suffit plus de choisir entre Washington et Pékin. Il faut aussi savoir qui l’on est, ce que l’on défend et comment le protéger.
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