
Par Alexandre Aoun
Depuis plusieurs décennies, l’Iran et Israël se surveillent, s’écoutent, s’espionnent, tissent des alliances aux quatre coins du Moyen-Orient pour tenter d’imposer un équilibre de la dissuasion. Le 13 juin 2025, le Moyen-Orient a basculé dans un conflit frontal, que personne n’envisageait. Benjamin Netanyahou a franchi le Rubicon pour tenter de sonner le glas de « l’axe de la résistance » et remodeler une région favorable aux intérêts israéliens. En spectateur complice, Trump entend récolter les dividendes.
Ce qui devait arriver arriva. Menant une guerre sur plusieurs fronts depuis le 7 octobre, de Gaza à la Cisjordanie, en passant par le Liban et le Yémen, l’Etat hébreu a planifié une à une ses opérations pour neutraliser chacune des menaces. Après avoir sapé les capacités militaires du Hezbollah lors de l’opération des bippers en septembre 2024 et suite aux innombrables raids sur les infrastructures miliaires du parti chiite au pays du Cèdre, après avoir permis officieusement un changement de régime en Syrie, les autorités israéliennes souhaitaient en finir avec la puissance tutélaire. Contre toute-attente, alors que Téhéran négociait avec Washington un probable deal bilatéral à Mascate et à Rome, depuis le 13 juin 2025, l’aviation israélienne a lancé une série de frappes aériennes massives contre des centaines de cibles en Iran, visant des installations nucléaires et militaires stratégiques. L’opération, menée par plus de 200 chasseurs, dont des F-35I, et coordonnée par les Forces de défense israéliennes (FDI) et le Mossad, a ciblé des sites nucléaires clés comme l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz, où la partie hors-sol a été détruite, ainsi que des installations à Isfahan et près de Fordo. Des bases militaires, notamment à Téhéran, Tabriz, Hamadan et Parchin, ont été touchées, avec la destruction de radars, de lanceurs de missiles sol-air et de dépôts de missiles balistiques.
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Les Etats-Unis rodent
Ces opérations ont notamment décapité les têtes de l’armée de la République islamique iranienne, tuant Mohammad Bagheri, chef d’état-major des forces armées iraniennes depuis 2016, Hossein Salami, commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique, Gholamali Rashid, commandant en chef adjoint des forces armées et chef du quartier général central Khatam-al Anbiya du Corps des gardiens de la révolution islamique, Ali Hajizadeh, commandant de la force aérospatiale du CGRI, Mohammad Kazemi, chef des services de renseignement des Gardiens de la revolution et également de nombreux scientifiques en charge du programme du nucléaire iranien.
Pour éviter de perdre la face et pour montrer les capacités de son arsenal, l’Iran a répliqué, en tentant de saturer le Dôme de fer avec des drones et des missiles, frappant directement les bases de Ténouf, Nevatim, une raffinerie à Haïfa, une plateforme gazière ainsi que les abords du ministère de la Défense et de l’économie. Pour épauler sa défense, l’Etat hébreu peut compter sur la Jordanie, le Royaume-Uni et surtout les Etats-Unis. Washington a d’ailleurs renforcé sa présence militaire au Moyen-Orient en y déployant de nouveaux avions de chasse et en prolongeant le stationnement d’autres appareils. Les avions concernés incluent des chasseurs F-16, F-22 et F-35. Un porte-avions américain, l’USS Nimitz, a quitté la mer de Chine méridionale en direction de l’Ouest, rejoignant ainsi deux autres navires similaires naviguant dans les eaux régionales. Quelque 28 avions ravitailleurs, permettant d’approvisionner en carburant des avions de chasse, ont quitté dans le même temps des bases américaines en direction de l’Europe. Ce déploiement massif est consubstantiel aux probables pénuries israéliennes. Face aux différentes salves iraniennes, les intercepteurs Arrow pourraient prochainement manquer. Cependant, dans cette guerre asymétrique d’un point de vue technologique et militaire, l’Iran n’ayant pas d’aviation, Tsahal a acquis une supériorité aérienne sur Téhéran.
Bis repetita
Le procédé israélien face à l’Iran ressemble à la stratégie employée contre le Hezbollah. D’ailleurs, deux jours après le lancement de l’opération « Le lion se dresse », le ministre israélien de la Défense Israel Katz a annoncé la couleur en accusant le guide suprême iranien Ali Khamenei de « transformer Téhéran en Beyrouth ».
Première phase : En septembre 2024, Israël avait orchestré l’opération des « pagers », piégeant des appareils fournis au Hezbollah pour provoquer des explosions simultanées au Liban. Ces attaques, préparées des mois à l’avance, ont semé la panique et la méfiance au sein du parti chiite. En Iran, une tactique similaire a été déployée : des drones israéliens, infiltrés clandestinement, ont été activés par le Mossad lors de l’opération du 13 juin 2025. Israël a amplifié l’effet psychologique en divulguant des détails sur ses préparatifs, révélant son degré d’infiltration pour déstabiliser Téhéran. Cette offensive s’est déroulée dans un contexte de bluff diplomatique, Donald Trump ayant minimisé la veille la probabilité d’une attaque, tout en évoquant un possible accord nucléaire avant les négociations prévues à Mascate.
Deuxième phase : Avant de frapper des cibles stratégiques, Israël a affaibli ses adversaires par des assassinats ciblés. Au Liban, après l’ouverture du front le 8 octobre 2023, dix commandants de l’unité d’élite al-Radwane du Hezbollah ont été éliminés le 20 septembre 2024 lors d’une réunion, trois jours avant une offensive massive. En Iran, le 13 juin 2025, des frappes ont décimé le haut commandement, incluant le chef des Gardiens de la Révolution, le chef d’état-major et chef de la force aérospatiale des Pasdaran. Ces dirigeants, réunis en urgence, ont été ciblés pour désorganiser la réponse iranienne. Simultanément, Israël a neutralisé les défenses antiaériennes, radars et lanceurs de missiles iraniens par des frappes aériennes et des opérations terrestres, sécurisant une maîtrise partielle de l’espace aérien.
Toujours est-il, le Liban n’est pas l’Iran. La superficie du territoire iranien risque d’épuiser rapidement les ressources et les capacités de l’armée israélienne, en dépit de sa supériorité technologique et militaire. Le but israélien est de neutraliser complétement l’arsenal iranien et de réduire à néant son programme nucléaire. Or, pour cela, il faut réussir à cibler le site de Fordo, situer à plus de 70 mètres sous un sol graniteux. Une arme spécifique est donc sur toutes les lèvres : les bombes GBU-57 MOP (Massive Ordnance Penetrator), des munitions anti-bunker (bunker buster bombs en anglais) que ne possède pas l’armée israélienne.
Vers une fuite en avant de Téhéran ?
Compte tenu de la supériorité militaire israélienne, Donald Trump entre dans la danse et entend donc forcer Téhéran à rejoindre la table des négociations et à accepter les exigences maximalistes de Washington sur la tolérance zéro en terme d’enrichissement en uranium. Chose que l’Iran rejette catégoriquement.
L’Iran pourrait donc changer son approche idéologique à l’égard de l’obtention de la bombe atomique, à des fins de stratégie défensive et dissuasive. Pour cela, il faudrait que l’Iran revoie la Fatwa prononcée à ce sujet. La première mention d’une directive concernant le programme nucléaire iranien remonte à mars 2003, lorsque Ali Khamenei a déclaré dans un discours : « Nous ne voulons pas de bombe nucléaire. Nous sommes même opposés à la possession d’armes chimiques… Ces choses ne correspondent pas à nos principes. » L’annonce intervient juste après l’invasion américaine de l’Irak, justifiée par la présence d’armes de destruction massive dans le pays – qui s’était révélée fausse. C’est lors d’un discours prononcé en 2010 à la Conférence internationale sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération à Téhéran que Ali Khamenei a clarifié la position officielle de l’Iran : « Nous pensons que les armes nucléaires et d’autres types d’armes de destruction massive, telles que les armes chimiques et biologiques, constituent une grave menace pour l’humanité. La nation iranienne, qui a elle-même été victime de l’utilisation d’armes chimiques (durant la guerre Iran-Irak, NDLR), ressent plus que d’autres nations le danger de la production et de l’accumulation de telles armes et elle est prête à mettre toutes ses ressources à contribution pour y faire face. Nous considérons que l’utilisation de ces armes est haram, et que protéger l’humanité de ce grand désastre est le devoir de chacun. ». Il reste également, mais peu probable, la fermeture du détroit d’Ormuz, qui provoquerait assurément une crise mondiale, 20% du pétrole transite par cette zone. La Chine, étant le premier acheteur d’or noir iranien, n’acceptera pas une telle fuite en avant.
Malgré les salves de missiles hypersoniques et les cyberattaques iraniennes, Israël a pris l’ascendant dans le conflit déclenché le 13 juin 2025 avec l’opération « Le lion se dresse ». Israël installe un climat de défiance au sein du régime, isolant le guide suprême Ali Khamenei et l’exécutif iranien. Cette stratégie vise à contraindre Téhéran à négocier en position de faiblesse, via des médiations du Golfe, ou à précipiter la chute du régime des mollahs en exacerbant les tensions internes. Parallèlement, Israël redonne une impulsion au soutien occidental, érodé par le conflit à Gaza, en repositionnant l’Iran comme la principale menace régionale. Cette offensive repousse également la reconnaissance d’un État palestinien aux calendes grecques, détournant l’attention internationale. Donald Trump, soutenant cette approche, cherche à imposer son agenda en proposant une médiation impliquant la Russie de Vladimir Poutine, bien que cette option soit jugée peu crédible par des alliés comme la France en raison du rôle de Moscou en Ukraine. Cette convergence d’intérêts entre Israël et Trump renforce la pression sur l’Iran, plaçant l’Iran dans une impasse stratégique.
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