ANALYSE – Moldavie : L’ombre de l’OTAN et la stratégie du Kremlin

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

La Moldavie est devenue, à son insu, un des points névralgiques de la confrontation entre la Russie et l’Occident. Les accusations du Service de renseignement extérieur russe (SVR), selon lesquelles l’OTAN serait en train de transformer ce petit pays en un avant-poste militaire sur le flanc oriental de l’Alliance, révèlent l’intensité des tensions géopolitiques qui s’y cristallisent. 

Moscou, en dénonçant la modernisation d’aéroports, de réseaux ferroviaires et d’infrastructures stratégiques, entend mobiliser son opinion publique et envoyer un avertissement à Bruxelles : la Moldavie pourrait devenir une « nouvelle Ukraine ».

Sous la présidence de Maia Sandu, la Moldavie affiche une volonté d’intégration euro-atlantique. Elle rompt ainsi avec une neutralité historique qui, depuis l’indépendance post-soviétique, constituait un fragile point d’équilibre entre Moscou et l’Ouest. Le Kremlin perçoit cet alignement comme une menace directe pour sa profondeur stratégique. L’idée d’un rapprochement institutionnel entre Chișinău et Bucarest, qui pourrait aller jusqu’à une unification politique ou militaire, attise la peur russe d’un encerclement par l’OTAN.

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La Transnistrie : Baril de poudre à l’Est européen

Sur le plan militaire, la Transnistrie est l’élément le plus explosif du dossier moldave. Cette région séparatiste prorusse, où Moscou maintient un contingent militaire d’environ 1 500 hommes, pourrait devenir un levier de pression ou un théâtre d’opérations. Selon des sources ukrainiennes, la Russie envisagerait d’y déployer jusqu’à 10 000 soldats. Un tel renforcement transformerait la Transnistrie en une plateforme pour des opérations hybrides visant la Moldavie elle-même, mais aussi l’Ukraine et l’Union européenne.

La Moldavie, membre ni de l’OTAN ni de l’UE, se trouve dans une position vulnérable. Si Moscou devait estimer que l’avancée occidentale est irréversible, une réponse agressive sur le modèle de l’Ukraine de 2014-2022 n’est pas à exclure.

Implications géopolitiques et géoéconomiques

L’importance de la Moldavie dépasse ses frontières. Sa position entre l’Ukraine, la Roumanie et la mer Noire en fait une pièce stratégique dans le jeu d’échec régional. Une intégration de la Moldavie dans l’espace euro-atlantique isolerait la Russie de ses forces en Transnistrie et renforcerait le dispositif de l’OTAN autour de la mer Noire.

Sur le plan économique, la Moldavie reste fortement dépendante des importations d’énergie russes. Mais l’UE tente de l’arrimer à ses propres réseaux énergétiques et commerciaux. Cette politique de « désenclavement » pourrait offrir à Chișinău des marges de manœuvre accrues, au prix toutefois d’une escalade avec Moscou.

Scénario futur : Vers un nouveau front en Europe ?

La Moldavie est devenue un test pour l’équilibre des forces en Europe de l’Est. Pour l’OTAN, il s’agit d’étendre un parapluie de sécurité à un pays fragile, tout en évitant d’offrir à Moscou un prétexte pour une intervention militaire directe. Pour la Russie, préserver son influence dans l’espace post-soviétique est une question existentielle. Une Moldavie solidement ancrée à l’Ouest pourrait être perçue comme un point de non-retour stratégique.

Ce scénario ouvre la voie à une militarisation croissante du flanc est de l’Europe et à des opérations hybrides qui risquent de déstabiliser une région déjà en proie aux tensions.

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