
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Dans le tourbillon du conflit qui oppose l’Iran à Israël, déclenché par l’attaque de Tel-Aviv contre Téhéran et la riposte iranienne en juin 2025, Vladimir Poutine se trouve dans une position délicate, presque intenable.
La crise, qui a atteint son paroxysme après les événements du 7 octobre 2023, place la Russie devant un dilemme stratégique à plusieurs facettes. Alliée ambiguë de l’Iran, Moscou doit naviguer entre son soutien prudent à Téhéran, les répercussions dans son « étranger proche » et les turbulences des marchés énergétiques, vitaux pour son économie. Dans un style narratif et incisif, à la manière de Fulvio Scaglione, explorons comment ce conflit met à rude épreuve les ambitions globales de Poutine, dans un monde où chaque mouvement peut bouleverser l’échiquier géopolitique.
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Une « alliance » ambivalente : La Russie et l’Iran
Depuis une décennie, la Russie et l’Iran ont tissé des liens de plus en plus étroits, une convergence née de leur opposition commune à l’hégémonie occidentale. Pourtant, cette alliance reste asymétrique. Si Téhéran voit en Moscou un partenaire stratégique, Poutine, lui, a toujours maintenu une distance prudente. Face à l’offensive israélienne contre l’Iran, la réponse russe s’est limitée à une condamnation formelle des raids et à un appel à la retenue, sans engagement concret. Cette tiédeur n’est pas nouvelle. En Syrie, où la Russie et l’Iran soutenaient conjointement le régime de Bachar el-Assad, Moscou n’a jamais freiné les frappes israéliennes contre les positions des Pasdarans. De même, après l’effondrement du régime syrien en décembre 2024, la Russie s’est abstenue de voler au secours de son allié iranien, laissant le « pré carré » de Téhéran dans le Levant s’effriter.
Cette prudence reflète une réalité : pour Poutine, l’Iran est un partenaire tactique, non un allié indéfectible. La Russie, engluée dans son propre conflit en Ukraine, ne peut se permettre une implication directe dans une guerre régionale qui risquerait de l’isoler davantage. Pourtant, l’attaque israélienne complique les calculs de Moscou, forçant Poutine à jongler entre solidarité diplomatique et préservation de ses intérêts stratégiques.
Un équilibre régional menacé : Le Caucase en alerte
Le conflit Iran-Israël n’est pas seulement une crise moyen-orientale ; il menace l’« étranger proche » de la Russie, cette sphère d’influence que Moscou considère comme son pré carré. L’Azerbaïdjan, voisin turbulent de l’Iran, observe la situation avec un intérêt aigu. Les tensions entre Bakou et Téhéran, exacerbées par la minorité azérie vivant dans le nord de l’Iran, pourraient s’aggraver si le régime iranien vacille. Une déstabilisation de l’Iran risquerait d’attiser les ambitions géopolitiques de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, au détriment de l’influence russe dans le Caucase. Pour Poutine, cette perspective est un cauchemar : un Moyen-Orient en feu pourrait enflammer les frontières méridionales de la Russie, compromettant son contrôle sur une région déjà volatile.
Ce risque s’inscrit dans une vision plus large. La Russie aspire à un nouvel ordre mondial, où elle jouerait un rôle central face à un Occident affaibli. L’attaque israélienne, perçue comme un prolongement de la stratégie américaine visant à remodeler le Moyen-Orient, contrecarre ce projet. Là où l’Iran voit dans la Russie un bouclier, Moscou craint que la crise ne renforce l’axe Washington-Tel-Aviv, marginalisant ses ambitions. Le conflit, en somme, est un jeu à somme nulle : la sécurité d’Israël, renforcée par l’affaiblissement de l’Iran, affaiblit inévitablement la position de la Russie.
Les marchés énergétiques : Une épée à double tranchant
L’économie russe, dopée par les exportations de pétrole et de gaz, est un autre terrain où la crise Iran-Israël fait sentir ses effets. Moscou, qui cherche à stabiliser les marchés énergétiques en augmentant son offre, redoute les soubresauts provoqués par le conflit. Une escalade pourrait faire flamber les prix du pétrole, offrant un gain immédiat aux caisses russes, mais au prix d’une instabilité à long terme. Les marchés, déjà secoués par la guerre en Ukraine, n’ont pas besoin d’un nouveau choc. Poutine, conscient de cette fragilité, mise sur la prédictibilité – un monde prévisible où la Russie peut asseoir son influence par des négociations, notamment avec les États-Unis de Donald Trump.
Cette quête de stabilité explique l’offre de médiation de Moscou. Mais la tâche est herculéenne. La méfiance internationale, héritée du conflit ukrainien, isole la Russie. Son appel à la désescalade risque de rester lettre morte dans un climat où chaque acteur – Israël, l’Iran, les États-Unis – poursuit ses propres objectifs, souvent inconciliables.
Un Monde en désordre : Les ambitions de Poutine à l’épreuve
Pour Poutine, la guerre Iran-Israël est une tempête qui menace ses grands desseins. La Russie rêve d’un ordre mondial multipolaire, où elle négocierait d’égal à égal avec les États-Unis, capitalisant sur ses avancées en Ukraine et ses alliances avec des puissances comme la Chine et l’Iran. Mais le conflit actuel perturbe ce projet. En affaiblissant l’Iran, Israël et ses soutiens occidentaux renforcent leur emprise sur le Moyen-Orient, un scénario que Moscou perçoit comme une tentative de rendre la région ingouvernable pour les puissances non alignées. Cette stratégie, loin du projet unipolaire des années 2000, vise à maintenir un chaos contrôlé, où ni la Russie ni la Chine ne peuvent s’imposer comme arbitres.
Dans ce contexte, Poutine marche sur une corde raide. Soutenir l’Iran risquerait d’entraîner la Russie dans un conflit qu’elle ne peut se permettre, tandis qu’une neutralité trop marquée pourrait aliéner un allié clé. Les répercussions dans le Caucase et sur les marchés énergétiques ajoutent à la complexité. La Russie, qui aspire à façonner un monde à son image, se retrouve paradoxalement à la merci d’un conflit qu’elle ne contrôle pas. Dans ce Moyen-Orient en ébullition, Poutine doit jouer une partition délicate, entre prudence diplomatique et calculs stratégiques, dans un jeu où chaque faux pas pourrait redessiner les équilibres mondiaux.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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