Par le Général (2S) Jean-Bernard Pinatel
Ceux qui n’ont jamais rien compris à la géopolitique, et qui parlent à tort et à travers de cette guerre, ont tort de croire, avec Macron, à un revirement de Trump par rapport à la Russie.
Pour l’Ukraine la perte des 4 oblats habités à 95% par des Russes et des russophones qui ont été annexés par la Douma en septembre 2022 est désormais un fait acquis et rien ne pourra épargner à l’Ukraine leur rattachement définitif à la Russie, pour deux raisons, l’une historique, l’autre stratégique.
À lire aussi : Immigration, allons au bout des choses
La légitimité historique
Poutine estime, en effet, que la possession de ces territoires sont Russes car ils ont été reconnus comme appartenant à la Russie par le traité (1792) qui a mis fin à la guerre russo-turque de 1787-1792.
Par ce traité, l’Empire ottoman a formellement reconnu l’annexion russe du Khanat de Crimée de 1783. Il a également reconnu l’annexion du Yedisan (la région côtière entre les fleuves Dniepr et Dniestr), confirmant la mainmise de la Russie sur l’ensemble de la côte nord de la mer Noire, région qui devint la Nouvelle Russie (Novorossia)[1].
Rappelons un autre exemple de la revendication par la guerre de l’appartenance d’un territoire. La France et l’Allemagne l’ont pratiquée au XIXème et XXème siècle avec l’Alsace et la Lorraine.
L’intégration de l’Alsace et de la Lorraine à la France s’est faite progressivement à la suite des guerres européennes, notamment au temps du roi Louis XIV. En 1648 par le Traité de Westphalie, La France acquiert les territoires des Habsbourg en Alsace et par les Traités de Nimègue 1678-79, la France annexe la ville libre de Strasbourg et parachève l’intégration du reste de l’Alsace. L’intégration de la Lorraine, jusqu’alors un duché indépendant, est plus tardive. C’est en 1766 que les duchés de Lorraine et de Bar sont officiellement rattachés à la France après la mort de Stanislas Leszczyński, dernier duc de Lorraine.
Les Allemands n’ont jamais reconnu cette annexion et après la guerre de 1870 ont obtenu l’Alsace et une partie de la Lorraine par le Traité de Francfort signé le 10 mai 1871. La France, victorieuse avec ses alliés en 1918 a récupéré ces provinces par le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, entre les Puissances Alliées (dont la France) et l’Allemagne.
À lire aussi : Crises migratoires : L’évangile selon Saint François
La légitimité stratégique
L’extension de l’OTAN vers l’Est ? contrairement aux engagements américains et en particulier l’intégration rampante de l’Ukraine a cette organisation à partir de 2014, a fait craindre à la Russie l’installation de missiles balistiques américains sur ses frontières. C’est pourquoi l’opération spéciale a été présentée par Poutine comme une défense des intérêts essentiels de la Russie, justifiant l’emploi de l’armement nucléaire.
Biden a immédiatement compris que la guerre d’Ukraine était une guerre sous menace nucléaire. The Economist, dans sa livraison du 4 octobre 2023, a publié les directives de Joe Biden longtemps dissimulées sous un discours de soutien sans limite à Kiev : « Joe Biden, America’s president, set objectives at the start of Russia’s invasion : to ensure that Ukraine was not defeated and that America was not dragged into confrontation with Russia.
De même, dans son numéro du 4 novembre 2023 rapportant une interview du général Zaluzhny, chef d’état-major ukrainien, The Economist écrit : « Joe Biden, président de l’Amérique, a fixé des objectifs au début de l’invasion de la Russie : faire en sorte que l’Ukraine ne soit pas vaincue et que l’Amérique ne soit pas entraînée dans la confrontation avec la Russie. Cela signifie que les armes fournies par l’Occident ont été suffisantes pour soutenir l’Ukraine dans la guerre, mais pas assez pour lui permettre de gagner ».
À lire aussi : TRIBUNE – La guerre que l’Ukraine est en train de perdre — et que l’Europe refuse d’admettre
Les Etats-Unis se détournent de ce conflit et sur le terrain, les Russes avancent inexorablement
En effet, Zelensky qui était à New York le 17ctobre dernier pour demander des Tomawaks à Trump est reparti qu’avec un embargo supplémentaire sur le pétrole Russe[2], ce qui va avoir comme conséquence immédiate d’augmenter le prix du brut sur le marché mondial et d’enrichir la Russie, les Etats arabes et bien entendu les Etats-Unis ainsi que d’augmenter son coût d’acquisition pour l’Europe, l’Ukraine y compris et pour l’Asie qui sont fortement importatrices.
Trump a compris depuis longtemps que la guerre était perdue pour l’Ukraine !
J’en veux pour preuve que le budget d’aide prévu par le Congrès mais non encore voté (Shutdown) n’est que de 500 millions de dollars programmés pour 2026 contre 61 milliards pour 2025, mis en place par l’administration Biden. Ce sera donc à l’Europe, si elle veut le faire, de supporter tout le fardeau de l’aide à l’Ukraine.
Sur le terrain, Kramatorsk et Sloviansk (les deux dernières grandes villes de l’oblat du Donetsk) vont être dans les prochains jours sous menace directe de l’armée Russe. La preuve, la population en a commencé l’évacuation.
En effet la perte des deux verrous qui interdisent leur encerclement est imminente.
Pokrovsk, au sud, est au trois quarts conquis et les Russes en interdisent physiquement les accès et contrôlent par le feu celui qui est encore libre. Au Nord, Koupiansk qui est sur la rive Ouest de la rivière Oskil, est sur le point de tomber.
Plus grave encore, près de 20 000 soldats ukrainiens sont pris au piège.
Au Sud, à Pokrovsk, ils n’ont plus qu’une route pour se replier sous la menace des feux et des drones russes et au Nord, à Koupiansk, ceux qui sont encore sur la rive est de la rivière Oskil n’ont plus qu’un pont de bateaux pour se rétablir sur la rive Ouest et s’échapper.
Face à cette défaite annoncée, Trump, je le répète, à une stratégie très claire : distendre autant que faire ce peut les liens de la Russie avec la Chine car elle est son adversaire principal tandis que son ennemi civilisationnel est l’islamisme, d’où le soutien indéfectible à Israël et les critiques à l’égard de Bruxelles ainsi que le soutien aux chefs d’États européens comme Meloni et Orban qui luttent contre l’immigration.
Quant à l’Europe, elle est sommée, si elle veut bénéficier de la protection américaine, de doubler son effort de défense et d’acheter massivement les armes américaines pour elle et pour l’Ukraine où jamais un soldat américain sera déployé.
À lire aussi : France : des dirigeants en roue libre
[1] Ce sont des territoires qui se situent à l’Est et à l’Ouest du Dniepr, incluant des régions de l’actuelle Ukraine méridionale. Ces territoires moins la Crimée ont été rattachés à l’Ukraine à la suite de la révolution Russe de 1917. C’est ensuite Khrouchtchev, alors Premier Secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique, qui a initié le transfert de l’Oblast de Crimée de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie (RSFSR) à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine (RSS d’Ukraine) en 1954.
[2] https://www.washingtonpost.com/world/2025/10/23/russia-trump-sanctions-rosneft-europe/
#Trump, #Zelensky, #Poutine, #Ukraine, #Russie, #Tomahawk, #GuerreEnUkraine, #AnalyseGeopolitique, #Geopolitique, #MaisonBlanche, #DonaldTrump, #VladimirPoutine, #VolodymyrZelensky, #OTAN, #Washington, #Kiev, #Moscou, #Crimée, #Novorossia, #Macron, #Biden, #USA, #Europe, #DefenseEuropeenne, #PetroleRusse, #EnergieMondiale, #PolitiqueInternationale, #RelationsInternationales, #TheEconomist, #Orban, #Meloni, #Israel, #Islamisme, #Chine, #GuerreFroide, #StrategieTrump, #Armement, #Pentagone, #ConflitRussoUkrainien, #AnalyseMilitaire,
