
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Dans les sables dorés de Riyad, Abou Dhabi et Doha, Donald J. Trump, président des États-Unis pour un second mandat, a foulé à nouveau le sol du Golfe arabe. Ce n’était pas une simple visite diplomatique, mais un véritable pèlerinage dans un eldorado où les effluves des pétrodollars se mêlent à l’ambition débridée des affaires privées. Les monarchies du désert, avec leurs richesses colossales et leurs visions autocratiques, parlent la même langue que le « sultanat de Mar-a-Lago » : celle d’un profit sans entraves, où les frontières entre politique, business et pouvoir personnel s’effacent dans une danse opportuniste.
Une histoire d’amour avec le Golfe : des décennies de deals
Les liens entre Trump et les royaumes du Golfe ne datent pas d’aujourd’hui. Dès 1991, alors que ses finances vacillaient, Trump vendait son yacht, le Trump Princess, au prince saoudien Al-Walid ben Talal pour 20 millions de dollars, une bouée de sauvetage dans la tempête de ses dettes. Quatre ans plus tard, en 1995, le même prince, associé à des investisseurs saoudiens, rachetait le mythique Plaza Hotel de New York, un autre actif que Trump ne pouvait plus soutenir. En 2001, les Saoudiens acquéraient le 45e étage de la Trump World Tower pour une somme colossale, consolidant ainsi une relation où l’argent coulait à flots.
Plus récemment, les partenariats se sont multipliés. Une Trump Tower est en projet à Djeddah, tandis que les parcours de golf de Trump, notamment à Dubaï, sont devenus des vitrines de luxe financées par des capitaux du Golfe. En 2022, le fonds souverain saoudien, le Public Investment Fund (PIF), a injecté 2 milliards de dollars dans l’entreprise de capital-investissement de Jared Kushner, gendre de Trump, malgré les critiques sur le manque d’expérience de ce dernier dans la gestion de tels montants. Ces transactions, souvent opaques, soulèvent des questions sur les conflits d’intérêts qui planent sur la présidence Trump, où les frontières entre affaires publiques et privées semblent inexistantes.
Un Boeing en guise de provocation
Cette visite dans le Golfe, cependant, marque un tournant par son audace. À Doha, le Qatar offre à Trump un Boeing 747 « légèrement usagé », un présent ostentatoire qui viole frontalement l’article I, section 9 de la Constitution américaine, interdisant aux élus d’accepter des cadeaux de puissances étrangères sans l’approbation du Congrès. Ce geste, qualifié de « kitsch » par les observateurs, reflète l’essence même de cette présidence : un spectacle où les normes sont foulées aux pieds avec une désinvolture assumée. « Seuls les perdants refusent un cadeau comme celui-là », aurait déclaré Trump, balayant les critiques avec son habituel mépris des conventions.
Ce Boeing, loin d’être un simple caprice, symbolise la transformation de la Maison Blanche en un bazar global où le pouvoir se monnaye. Les monarchies du Golfe, habituées à des régimes où le clientélisme est roi, trouvent en Trump un partenaire idéal, un homme qui ne cache pas son appétit pour les deals, qu’ils soient légaux ou à la limite de l’éthique.
À lire aussi : L’Entretien du Diplomate avec Enée Bussac : Faut-il avoir peur de la monnaie numérique ?
Le Saudi-Us Investment Forum : un sommet du pouvoir et de l’argent
Au cœur de cette tournée se trouve le Saudi-Us Investment Forum, un événement qui réunit les titans de la Silicon Valley et les potentats du Golfe dans une alliance inédite. Parmi les participants, des figures comme Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX, Mark Zuckerberg de Meta, Sam Altman d’OpenAI et Ruth Porat, directrice financière de Google. Leur objectif ? Faciliter l’investissement de 600 milliards de dollars promis par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) dans l’économie américaine, tandis que les Émirats arabes unis annoncent des plans pour injecter 1 300 milliards sur la prochaine décennie.
Mais ce sommet ne se limite pas aux secteurs traditionnels comme l’énergie ou l’immobilier. L’accent est mis sur les technologies de pointe – intelligence artificielle, biotechnologies – et, surtout, sur les cryptomonnaies, un domaine où Trump, autrefois sceptique, s’est converti avec un zèle presque messianique. Cette volte-face n’est pas anodine : les cryptos, avec leur opacité et leur potentiel spéculatif, sont devenues l’instrument privilégié d’une élite cherchant à contourner les régulations financières traditionnelles.
Trump, roi des cryptomonnaies : l’ascension de $TRUMP et World Liberty Financial
En janvier 2025, Trump a lancé $TRUMP, un memecoin qui, malgré son caractère spéculatif, a attiré des millions de dollars d’investisseurs, séduits par la marque Trump et son aura de succès. Parallèlement, la holding World Liberty Financial, dirigée par des proches de la famille Trump, gère un portefeuille de cryptomonnaies comme $Wlfi et Usd1, qui ont déjà levé 300 millions de dollars. Fait révélateur, 75 % des profits de ces ventures reviennent directement à la famille Trump, y compris à la première dame, Melania, qui a lancé son propre $Melania coin, surfant sur la vague de cette nouvelle économie numérique.
Cette entreprise est soutenue par des acteurs clés du monde crypto. Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies, dirigée par Changpeng Zhao – récemment gracié par Trump après une condamnation pour blanchiment d’argent – est un partenaire stratégique de World Liberty Financial. Les Émirats arabes unis, quant à eux, ont investi 2 milliards de dollars dans la holding, renforçant l’alliance entre les pétromonarchies et l’empire Trump. À Dubaï, un « crypto-rave » organisé en mai 2025 a célébré cette union, réunissant des magnats comme Justin Sun, fondateur de Tron, et d’autres figures controversées du secteur. Sun, connu pour ses achats extravagants (comme une banane de Maurizio Cattelan pour 6,2 millions de dollars), a investi 75 millions dans $TRUMP, espérant ainsi peser sur la politique américaine.
Cette frénésie crypto n’est pas sans arrière-pensées politiques. Trump, qui a reçu 131 millions de dollars de la lobby crypto pour sa campagne de 2024, promet de faire des États-Unis une « superpuissance » des monnaies virtuelles. Pour ce faire, il envisage de remplacer Gary8569, président de la Securities and Exchange Commission (SEC), par Paul Atkins, un fervent défenseur de la dérégulation. Cette décision, si elle se concrétise, pourrait ouvrir la voie à une explosion du marché crypto, au détriment des garde-fous financiers traditionnels.
Un réseau de conflits d’intérêts
L’imbrication des intérêts financiers et politiques dans cette tournée est vertigineuse. Les dîners de gala, comme celui organisé dans le golf club de Trump en Virginie pour 220 investisseurs, ou les visites privées de la Maison Blanche réservées aux 25 plus gros contributeurs, illustrent une présidence où l’accès au pouvoir est monnayé sans vergogne. Ces pratiques, qui flirtent avec la corruption, sont d’autant plus problématiques qu’elles impliquent des puissances étrangères.
Le Golfe, avec ses régimes autoritaires et ses fonds souverains, est un partenaire idéal pour Trump. Les monarchies, habituées à des systèmes où le pouvoir et l’argent sont indissociables, ne s’offusquent pas des méthodes de Trump. Au contraire, elles y voient une opportunité de renforcer leur influence aux États-Unis, que ce soit par des investissements directs ou par des alliances dans des secteurs stratégiques comme la technologie et la finance.
Une vision post-idéologique : Le triomphe de l’argent
Ce qui frappe dans cette tournée, c’est l’absence totale d’idéologie. Trump et ses alliés du Golfe partagent une vision pragmatique, presque cynique, où le pouvoir se mesure en dollars et en influence. Les questions de démocratie, de droits humains ou de transparence sont reléguées au second plan, voire ignorées. Les monarchies du Golfe, souvent critiquées pour leurs violations des droits humains, trouvent en Trump un président qui ne leur demande pas de comptes, tant que les affaires prospèrent.
Cette alliance repose sur une convergence d’intérêts : les États-Unis, sous Trump, cherchent à attirer des capitaux pour relancer une économie fragilisée par l’inflation et les tensions commerciales ; le Golfe, de son côté, veut diversifier ses investissements au-delà du pétrole, en misant sur la technologie et les cryptomonnaies. Mais ce partenariat a un coût : il érode les principes démocratiques et expose les États-Unis à des accusations de clientélisme à grande échelle.
Un monde qui regarde, médusé
Alors que Trump transforme la Maison Blanche en une vitrine pour ses affaires, le reste du monde observe avec une stupeur mêlée d’inquiétude. Les alliés traditionnels des États-Unis, en Europe et ailleurs, s’interrogent sur la fiabilité d’un partenaire qui semble plus préoccupé par ses profits personnels que par les intérêts nationaux. Les adversaires, comme la Chine ou la Russie, y voient une opportunité d’exploiter les failles d’un système américain de plus en plus vulnérable à la corruption.
Dans le Golfe, Trump a trouvé un miroir de ses ambitions : des régimes où le pouvoir est concentré, où les règles sont flexibles et où l’argent dicte tout. En acceptant des cadeaux comme le Boeing qatari, en monnayant l’accès à la Maison Blanche ou en s’associant à des figures controversées du monde crypto, Trump redéfinit la présidence américaine comme une entreprise commerciale, un empire où le pouvoir est à vendre au plus offrant.
À lire aussi : ÉCONOMIE – Les cryptomonnaies, un enjeu politique pour Donald Trump ?
#Trump2025, #CryptoTrump, #TrumpGulfTour, #GolfePersique, #Cryptomonnaies, #Petromonarchies, #DonaldTrump, #TrumpDeal, #TrumpBusiness, #TrumpUAE, #TrumpQatar, #TrumpArabieSaoudite, #BoeingTrump, #TrumpScandale, #MaisonBlanche, #TrumpInvestments, #CryptoPolitics, #MBS, #JaredKushner, #MelaniaCoin, #TrumpCoin, #SaudiDeals, #Dubaï, #Doha, #AbuDhabi, #TrumpForum, #ElonMusk, #TrumpVsDemocracy, #TrumpCorruption, #Binance, #TrumpBinance, #WorldLibertyFinancial, #Petrodollars, #TrumpSEC, #TrumpZhao, #CryptoLobby, #TrumpInfluence, #TrumpMoyenOrient, #TrumpEmpire, #TrumpControverse


