
Par Olivier d’Auzon
Ils sont arrivés par des avions différents, par des routes que l’on ne prend pas pour le tourisme. D’un côté, les hommes de Kinshasa, cravates impeccables sur des visages tendus. De l’autre, les délégués de l’AFC/M23, silhouettes fermées, regards de ceux qui ont trop vu et trop fait. Et entre eux, l’émirat de Doha, où le vent du désert semble vouloir souffler sur les cendres encore chaudes d’un conflit qui n’en finit pas de tuer.
Le 19 juillet 2025, sous le regard impassible des Qatari, la République Démocratique du Congo et le M23 ont signé un texte. Pas un traité de paix. Une Déclaration de principes. Ce genre de chose qu’on signe quand on ne sait plus quoi faire d’autre. Les poignées de main étaient sèches, les sourires rares. On aurait dit deux boxeurs à bout de souffle, forcés de se saluer après trop de rounds.
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Un texte écrit avec des cicatrices
Dans la salle aux vitres fumées, les stylos ont glissé sur le papier. Pas pour dire l’amour de la paix, mais pour avouer qu’on n’en peut plus de la guerre. Derrière les formules solennelles — souveraineté, droit international, intégrité du territoire —, on entendait un autre langage. Celui de la lassitude, du sang versé, des enfants sans école et des mères enterrées sans linceul.
Ce n’est pas la victoire qui a conduit à Doha. C’est l’épuisement. Les chefs de guerre et les représentants du gouvernement ne croient plus au triomphe par les balles. Ils veulent simplement respirer. Et garder leur zone, leur influence, leur part du silence.
Le cessez-le-feu des méfiants
« Cessez-le-feu permanent » dit le texte. Mais dans les regards, il n’y avait rien de permanent. Rien que la prudence des fauves qui s’éloignent, à reculons, sans tourner le dos. Chacun sait que dans les montagnes du Nord-Kivu, une trêve n’est qu’un intervalle entre deux salves. Le moindre incident, la moindre provocation, et le fracas peut reprendre. Les promesses, ici, sont des pièges pour ceux qui les croient trop tôt.
Des gestes pour l’honneur, pas pour l’oubli
On a parlé de « mesures de confiance » : libération de prisonniers, surveillances croisées, appels au calme. Mais la confiance, là -bas, a disparu avec les premières fosses communes. On ne reconstruit pas un pays avec des communiqués. Il faut des actes, du temps, et une mémoire qui choisit de ne pas tout retenir.
Et pourtant, quelque chose dans l’air de Doha disait que ce texte, aussi maigre soit-il, valait mieux que rien. Que c’était déjà beaucoup que des ennemis se parlent. Même s’ils se mentent un peu.
Le chaos en filigrane
Le texte parle de « restauration de l’autorité de l’État ». Cela fait sourire, doucement, amèrement. Car dans l’Est de la RDC, l’État est un fantôme, une rumeur, une pancarte trouée par les balles. Ce que Doha reconnaît en creux, c’est que le pouvoir n’y tient plus qu’à un fil. Ce fil, il faudra le renforcer, maille par maille, dans la boue et la peur.
Les déplacés : retour ou silence ?
On a promis aux déplacés un retour « sûr, volontaire et digne ». Mais ceux qui dorment sous des bâches bleues savent que la dignité, on la perd en route. Ils veulent rentrer, oui. Mais pas pour y mourir. Leur paix à eux ne viendra pas d’un texte, mais du silence des armes et du bruit des casseroles dans les cuisines retrouvées.
Le théâtre international, spectateurs lassés
Qatar, Union africaine, États-Unis, MONUSCO : les noms brillent, mais l’espoir vacille. Les parrains sont fatigués. Ils veulent un dossier en moins, pas une tragédie en plus. Doha n’est pas Versailles. C’est une salle d’attente pour les guerres trop longues. Un lieu où l’on négocie sans croire, mais où parfois, par miracle, une paix bancale tient debout.
Une paix de sable et de soupirs
À Doha, on a signé sans y croire tout à fait. Mais on a signé. C’est déjà cela. Un papier contre les balles. Une tentative d’humanité dans un conflit qui avait tout oublié d’elle.
Rien n’est gagné. Tout reste à faire. Mais si l’accord ne met pas fin à la guerre, il dit au moins qu’on commence à avoir honte de la continuer.
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Olivier d’Auzon est consultant juriste auprès des Nations unies, de l’Union européenne et de la Banque mondiale. Il a notamment publié : Piraterie maritime d’aujourd’hui (VA Éditions), Et si l’Eurasie représentait « la nouvelle frontière » ? (VA Éditions), L’Inde face à son destin (Lavauzelle), ou encore La Revanche de Poutine (Erick Bonnier).
