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TRIBUNE – Le dilemme de la Nouvelle-Calédonie : Rêve d’autonomie d’un territoire sous perfusion étatique

Stéphane Durbec
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Stéphane Durbec, Président de Perspectives Outre-Mer

La Nouvelle-Calédonie se retrouve à un carrefour délicat, tiraillée entre le désir d’autonomie, qu’elle soit totale ou partielle, et le risque d’une exclusion tangible. Depuis sa nomination inattendue au poste de Ministre des Outre-Mer, Manuel Valls est en première ligne pour ressentir ce déchirement. Il cherche à engager un dialogue avec les principales forces politiques locales, dont les positions se sont souvent radicalisées, frôlant parfois le racisme et la xénophobie. Cependant, ce dialogue semble être un écho stérile.

Lors de son récent déplacement, les intentions de Valls sont restées floues, rejoignant ainsi l’opacité de nombreux acteurs locaux. À l’approche de son retour prévu fin avril, le constat d’impuissance est évident : l’absence d’accord, voire de compréhension, entre les forces politiques pourrait compromettre les efforts de reconstruction initiés par l’État français après les émeutes de mai 2024.

L’accord de Nouméa, censé être le fondement d’une paix durable, apparaît aujourd’hui obsolète. Bien qu’il ait duré trente-sept ans, alors qu’il était prévu pour vingt, cet accord souligne la capacité de certains leaders locaux à jouer sur le temps et la confusion pour s’assurer que rien ne change.

L’obstacle principal réside dans l’obsession des indépendantistes de se dissocier de la France, malgré le rejet de cette indépendance par trois référendums. En dépit de la volonté démocratique exprimée, ils semblent ignorer la réalité de ce vote, alimentant ainsi des troubles qui pourraient mettre en péril l’existence même de l’île.

De leur côté, les autonomistes, inspirés par le modèle américain d’État libre associé, se voient comme des alliés de la France et aspirent à un projet fédéraliste. Celui-ci pourrait leur permettre de s’émanciper de la tutelle française tout en profitant des soutiens financiers de l’État.

Face à cette impasse, le Think Tank “Perspectives Outre-Mer” a proposé une alternative novatrice : s’inspirer du modèle espagnol des régions autonomes. La Nouvelle-Calédonie pourrait devenir un “État régional” au sein de la France, sans enfreindre les principes constitutionnels. Cela permettrait de répondre aux aspirations du peuple Kanak qui souhaite gérer ses affaires selon ses traditions.

Or, certains signaux émis dans le secret des discussions de l’Etat, laissent filtrer une autre possibilité : celle de l’évolution de la Nouvelle-Calédonie vers une “indépendance avec partenariat”, un choix peu judicieux, destiné à apaiser le climat insurrectionnel qui règne dans l’île. Ce serait une nouvelle fois la stratégie de la politique d’ambiguïté qui ne sortirait certainement pas ce territoire de la crise.

Car ce qu’il faut résoudre en priorité, c’est un point crucial : l’inquiétude, l’anxiété, l’angoisse qui étreint une grande partie de nos compatriotes d’origine métropolitaine ou venant des autres collectivités d’outre-mer qui se retrouvent systématiquement exclus, réduits au statut de “sujets français” sur leur propre sol. Ils font face à des “discriminations à l’envers” qui les privent désormais d’accès à l’emploi public et de représentation politique, au niveau local et national. Si 95 pour cent des compétences administratives et légales sont transférées au territoire calédonien comment envisager un avenir serein avec ceux qui seraient considérés comme des “sous-citoyens” ou des “Français de seconde zone”, tout juste bons à ratifier des lois qui ne les prendraient plus en compte ?

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Ce sont bel et bien les autonomistes qui ont voté unanimement pour l’emploi local, écartant ainsi les Français d’origine de l’emploi public. Cette déviance clientéliste, cette injustice majeure a débouché sans coup férir sur une gestion calamiteuse des compétences transférées et donc sur les émeutes de 2024.

Aujourd’hui, 20 pour cent des actifs calédoniens sont des fonctionnaires bénéficiant souvent de doubles salaires grâce à une indexation exorbitante, à l’image de certains professeurs agrégés qui émargent à 8000 euros par mois. Ce système peut s’assimiler à un achat de la paix sociale sur les deniers publics. Et au maintien de privilèges injustifiables, dans un camp et dans l’autre. Il ne fait que creuser les inégalités et exacerber les frustrations d’une population dont les nerfs sont à fleur de peau. Les contribuables nationaux, eux, paient les inconséquences de leurs dirigeants sans mot dire depuis des décennies.

La vérité, c’est que l’économie de l’île est à genoux et que la dépendance de l’Etat n’a jamais été aussi forte. La tutelle de l’Etat n’est pas clairement perçue par l’ensemble de nos compatriotes mais elle est vivement ressentie sur place par les victimes d’un système de rentes allouées à ceux qui sont censés diriger un territoire très irritable et s’enlisent surtout confortablement dans un statuquo inégalitaire. Comme s’ils n’étaient en place que pour faire taire les gens en feignant de les écouter.

Comment expliquer au contribuable moyen que la Nouvelle-Calédonie cumule…2600 niches fiscales qui n’apportent aucun effet salutaire sur le dynamisme de l’économie ? De nombreux Calédoniens rêvent d’une démocratie plus égalitaire, plus juste, identique à celle qu’ils observent en Australie ou en Nouvelle Zélande. 

En trente-sept ans, le gouvernement central n’a jamais vraiment pris en compte les inquiétudes et les souhaits de la population française exclue en partie de la scène politique. C’est l’avenir des Calédoniens dans leur diversité qui est en jeu aujourd’hui. Les Calédoniens, quelle que soit leur origine ou leur appartenance politique, sont des citoyens à part entière auxquels nul ne doit reprocher leur francité. L’égalité de traitement entre tous doit être accompagné d’une juste répartition des richesses de l’île, dans l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie et pas dans les poches de quelques-uns, toujours les mêmes.

Chaque année, sachez-le, 1,7 milliard d’euros sont injectés par l’Etat en Nouvelle-Calédonie : où sont ces fonds ? Qui en profite ? A quoi servent-ils ? Qui jouit vraiment des bienfaits de cette manne publique ? Est-il indécent de poser ces questions de simple bon sens ?

Le climat insurrectionnel et les menaces récurrentes sur la sécurité des citoyens ont provoqué déjà un exode massif. Car les Calédoniens ne se sentent plus en sécurité dans leur propre territoire. De nombreux chefs d’entreprises, lassés par les pillages, envisagent eux aussi de quitter l’île. Les frustrations sont grandes et dépassent le cadre de la décolonisation. Elles mettent en lumière les sempiternelles ambitions politiques des acteurs locaux qui plaident en sourdine pour un “Etat calédonien souverain” susceptible de perpétuer leurs avantages.

Cette pseudo-souveraineté serait financée en réalité par la mère patrie qui continuerait d’ouvrir en grand ses robinets financiers en garantissant aux habitants une solidarité nationale masquée sous les apparats d’un pseudo-Etat indépendant.C’est d’une cure de vérité et de transparence dont a besoin d’urgence la Nouvelle-Calédonie et de la fin des petits arrangements entre amis. Seul le respect de l’ensemble de la population permettra de sortir de la crise actuelle. La Nouvelle-Calédonie doit cesser ses pratiques clientélistes d’un autre âge pour assurer un avenir démocratique plus juste et plus égalitaire où chacun se sentira, enfin, pris en compte.                                           

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