
Par Jean Daspry, pseudonyme d’un haut fonctionnaire, Docteur en sciences politiques
« La femme est l’avenir de l’homme »[1]. La conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, qui s’est tenue à Paris les 6 et 7 janvier 2025, fournit l’occasion au président de la République et au ministre de l’Europe et des affaires étrangères de présenter les grands axes de la politique étrangère et ses déclinaisons dans l’action diplomatique de la France. En théorie, du moins ! Aux quelques machistes de tout poil, ces deux responsables rappellent que la France éternelle, patrie auto-proclamée des droits de l’homme, est aussi celle des droits des femmes. Notre pays est le défenseur acharné du droit des femmes dans l’Hexagone mais aussi dans le monde du XXIe siècle. Qu’on se le dise, la France ne plaisante pas avec ce sujet – qualifié de « diplomatie féministe » – qui se situe en haut des priorités de la diplomatie hexagonale. Mais, qu’en est-il au juste dans la pratique ?
DE LA PUISSANCE DU MANTRA DE LA DIPLOMATIE FÉMINISTE
Tenons-nous en au rappel des propos du président de la République et de son ministre de l’Europe et des affaires étrangères devant la 30ème édition de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs (Paris, 6-7 janvier 2025) ainsi qu’à la « pravda » du site internet du Quai d’Orsay sur le sujet pour éclairer notre lanterne !
Discours d’Emmanuel Macron (6 janvier 2025) :
« C’est le monde dans lequel nous vivons et dans lequel nous avons à faire de la diplomatie … À cet égard, c’est pourquoi je vous demande d’avoir une diplomatie qui soutienne la cause des femmes partout dans le monde, avec l’initiative Marianne, que nous continuerons, mais avec toutes les actions qui sont menées par le réseau … »[2].
Discours de Jean-Noël Barrot(7 janvier 2025) :
« Les formats que nous avons su créer pour promouvoir la diplomatie féministe, tout en montrant l’exemple, avec la feuille de route égalité Hommes-Femmes dont nous nous sommes dotés en décembre dernier, et la charte de l’Autre Cercle pour lutter contre les discriminations LGBT+, que je signerai en janvier. En juin, nous accueillerons à Paris une grande conférence sur les diplomaties féministes »[3].
Pour mémoire, rappelons également ce que nous pouvons lire sur le site internet du Quai d’Orsay, sous la rubrique politique étrangère, onglet « Diplomatie féministe » !
« L’égalité entre les femmes et les hommes est une priorité du gouvernement français. A l’international, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) porte cet engagement en menant une diplomatie féministe.
Dans les enceintes internationales pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la France s’attache à ce que cet objectif soit intégré dans toutes les problématiques : réduction des inégalités et développement durable, paix et sécurité, défense et promotion des droits fondamentaux, enjeux climatiques et économiques.
La France s’est engagée à ce qu’à l’horizon 2025, 75% des projets financés par l’aide publique française favorisent l’égalité de genre.
Pour porter la diplomatie féministe, le MEAE se doit d’être exemplaire. Une politique volontariste est menée en interne pour faire progresser l’égalité femmes-hommes »[4].
Cette cohérence conceptuelle dans la constance de la démarche de la « Grande Nation » force le respect de tous aux quatre coins de la planète. Mais, qu’en est-il au juste de la déclinaison concrète et pratique de cette diplomatie volontariste ?
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DES MULTIPLES ALÉAS DE LA DIPLOMATIE FÉMINISTE
Il y a souvent loin de la coupe aux lèvres surtout dans certaines démarches diplomatiques à prétention universaliste de la France, « l’embêteuse du monde » (L’impromptu de Paris, Jean Giraudoux, 1937). Elles se heurtent souvent au mur du réel. « Le réel, c’est quand on se cogne », nous rappelle le psychanalyste Jacques Lacan. Ce qui vaut sur un plan général vaut également sur un plan spécifique
Sur un plan général, la situation de la défense et la promotion des droits des femmes est contrastée. C’est le moins que l’on puisse dire ! À l’étranger, la promotion et la mise en œuvre de la « diplomatie féministe » à la française n’a pas encore porté tous ses fruits en Afghanistan, en Iran et en Syrie. Dans ce pays en transition, Jean-Noël Barrot a pu constater de visu la manière peu cavalière dont a été traitée sa collègue allemande lors de leur réception par le nouveau maître de Damas. Et cela sans qu’il n’esquisse le moindre début de protestation visible[5]. Le printemps des droits de la femme en est resté à l’hiver des obligations de ladite femme. En France, sur la place de la République à Paris, nulle réprobation de la cohorte féministe après les écrits à la peinture rouge appelant à la « lapidation » de Marine Le Pen et de Marion Maréchal[6]. Si les mots ont encore un sens dans notre pays, le terme de « lapidation » est loin d’être neutre… On croit rêver.
Sur un plan plus spécifique lié à la préparation et au résultat de la « grande conférence sur les diplomaties féministes » annoncée à grand ahan par le chef de la diplomatie française, la situation est problématique. Pour quelles raisons objectives ? Tout d’abord, le fait que l’on évoque une « grande conférence » signifie-t-il qu’il y en aurait des petites ? Nous l’apprenons à cette occasion. Ensuite, le ministre évoque les « diplomaties féministes » en employant le pluriel. Cela signifie-t-il que nos responsables aient commencé à comprendre que le singulier était incongru en raison de la diversité du monde ? Enfin, imagine-t-on un seul instant la réaction de certains pays à l’invitation qui leur sera faite de venir à Paris à la suite des démarches effectuées prochainement par nos ambassadeurs munis de leur canne et de leur chapeau ? De deux choses l’une. Soit, ils déclineront poliment cette invitation en raison de leur approche restrictive des droits de la femme. Dans ce cas, la grande conférence risque de se réduire à une petite conférence occidentale élargie à quelques autres États progressistes. Soit, ils acceptent de venir à Paris pour y présenter ostensiblement leur voix discordante et la grande conférence risque de se transformer en grande cacophonie parisienne faisant le buzz sur la toile, en particulier sur les réseaux (a)sociaux. Une sorte de remake de La vie parisienne de Jacques Offenbach à la mode jupitérienne. La comédie tournerait à la farce, à l’humiliation publique d’une diplomatie française déjà bien discréditée et bien affaiblie. En a-t-elle bien besoin dans le contexte d’instabilité politique chronique et d’incertitude économique inquiétante qu’elle traverse ? La réponse est dans la question. En toute hypothèse, cette « grande conférence » se bornera à un exercice de diplomatie déclaratoire et non de diplomatie exécutoire, ne débouchant sur rien de tangible pour améliorer le sort des femmes dans tous les pays où elles sont maltraitées.
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DES LIMITES OBJECTIVES DE LA DIPLOMATIE DU GADGET
« L’impuissance française ; une diplomatie qui a fait son temps »[7]. L’on ne saurait mieux dire pour qualifier la diplomatie française sous le règne d’Emmanuel Macron. Son impuissance la conduit à traiter de l’accessoire en lieu et place du principal, à savoir le règlement des conflits de toutes natures. Et Dieu sait s’ils sont nombreux en 2025. Nous sommes ainsi au cœur de la diplomatie du gadget, de la diplomatie de la com’ où l’effet d’annonce est de loin plus important que le contenu et le résultat concret de cette « grande conférence » au terme éloigné. Elle constituera une grand-messe de plus avec son lot incontournable d’incantations permettant de se donner bonne conscience à vil prix. En plagiant l’ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, l’on pourrait dire qu’avec la « diplomatie féministe », c’est du sérieux.
Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur
[1] Célèbre vers, devenu une maxime du poète Louis Aragon dont les termes ont été inversés : « L’avenir de l’homme est la femme ».
[2] https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-23793-fr.pdf
[3] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/30e-edition-de-la-conference-des-ambassadrices-et-des-ambassadeurs-6-7-janvier/article/discours-de-jean-noel-barrot-ministre-de-l-europe-et-des-affaires-etrangeres-07
[4] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-feministe/
[5] Jean Daspry, « Succès » de la diplomatie féministe à Damas !, https://lediplomate.media/ , 11 janvier 2025.
[6] Jean Bexon, Marine Le Pen et Marion Maréchal menacées de lapidation place de la République, www.bvoltaire.fr , 9 janvier 2025.
[7] Isabelle Lasserre, L’impuissance française ; une diplomatie qui a fait son temps, Flammarion, 2007.
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