ANALYSE – Gaza : Déplacer ou reconstruire ? Le poker arabe face au bluff américain

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Capture d'écran des manifestations anti-Hamas à Gaza le mercredi 26 mars 2025
Capture d’écran des manifestations anti-Hamas à Gaza le mercredi 26 mars 2025

Par Alexandre Aoun

Le coup de pied dans la fourmilière de Donald Trump a obligé les pays arabes à s’activer pour proposer une alternative concrète sur l’avenir de la bande de Gaza. La démilitarisation du Hamas et la fin de son influence politique dans l’enclave palestinienne sont en jeu, alors même que ce mercredi, y étaient organisées de nouvelles manifestations contre le mouvement islamiste où les participants, réunis autour de drapeaux palestiniens, ont notamment scandé « Hamas dehors ! » et « Hamas terroriste ! »…

Depuis que Donald Trump a relancé, en janvier 2025, l’idée controversée de déplacer les populations de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie dans le cadre d’un plan visant à transformer l’enclave en une « Riviera du Moyen-Orient », les pays arabes ont réagi avec une fermeté de façade. Cette proposition, soutenue par certains membres de l’extrême droite israélienne et par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a été perçue comme une tentative de nettoyage ethnique et une violation des droits fondamentaux des Palestiniens. Face à cette initiative, le monde arabe, sous l’impulsion de l’Égypte, a élaboré une alternative visant à contrer ce projet tout en proposant une vision pour l’avenir de Gaza, excluant le Hamas et cherchant à instaurer une gouvernance plus alignée sur les intérêts israéliens et américains. 

Les pays arabes dans l’embarras 

Dès l’annonce du plan par Trump, les réactions arabes ont été rapides et catégoriques. L’Égypte et la Jordanie, désignées comme destinations potentielles pour les 2,4 millions de Gazaouis, ont rejeté l’idée en bloc. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a dénoncé, dès le 26 janvier 2025, toute tentative de déplacement forcé, y voyant une menace pour la stabilité régionale et une répétition de la Nakba de 1948. De son côté, le roi Abdallah II de Jordanie, lors d’une rencontre avec le président palestinien Mahmoud Abbas le 29 janvier, a réaffirmé que « la Jordanie est pour les Jordaniens et la Palestine pour les Palestiniens », soulignant le refus de son pays d’accueillir davantage de réfugiés palestiniens, déjà au nombre de 2,3 millions sur son sol. 

Cette opposition s’est cristallisée lors d’un sommet extraordinaire de la Ligue arabe organisé le 4 mars 2025 au Caire. Les dirigeants arabes, réunis dans la nouvelle capitale administrative égyptienne, ont unanimement condamné les « tentatives odieuses de déplacer le peuple palestinien ». L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, traditionnellement alliés des États-Unis, ont également joint leurs voix à ce front uni, affirmant que la question palestinienne reste une ligne rouge pour leurs opinions publiques. 

En réponse au projet de Trump, l’Égypte a proposé un plan alternatif intitulé « Réhabilitation initiale, reconstruction et développement de Gaza », adopté par la Ligue arabe le 4 mars 2025. Ce programme, estimé à 53,2 milliards de dollars sur cinq ans, vise à reconstruire l’enclave dévastée par plus de quinze mois de guerre sans déplacer sa population. La première phase, d’une durée de six mois, prévoit le déblaiement des débris, le déminage et la fourniture de logements temporaires pour 1,5 million de personnes sur sept sites. La seconde phase se concentrerait sur la reconstruction à long terme, tout en posant les bases d’une solution politique. 

Un point clé de ce plan est l’exclusion explicite du Hamas de la gouvernance de Gaza. Responsable de l’attaque du 7 octobre 2023 contre Israël, le mouvement islamiste est mis à l’écart au profit d’un comité administratif de technocrates palestiniens indépendants, soutenu par l’Autorité palestinienne (AP). Cependant, le texte reste silencieux sur la démilitarisation du Hamas, une exigence d’Israël et des États-Unis, ce qui a conduit ces derniers à rejeter le plan, le qualifiant respectivement de « dépassé » et « imparfait ». 

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Vers un exil de certains membres du Hamas

Les discussions autour de ce plan se sont intensifiées ces dernières semaines. Le 21 mars 2025, des rumeurs relayées par le journal libanais Al-Akhbar suggéraient que l’Égypte pourrait envisager d’accueillir temporairement 500 000 Gazaouis dans le nord du Sinaï, sous pression de Trump. Cependant, ces informations ont été rapidement démenties par des sources officielles égyptiennes, qui ont réaffirmé leur opposition à tout déplacement. Cette confusion illustre les tensions persistantes et les efforts diplomatiques en cours pour trouver un compromis. 

Un sommet informel tenu à Riyad fin février 2025, réunissant l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie et les Émirats arabes unis, a permis d’affiner cette alternative. Selon des sources proches du gouvernement saoudien, l’objectif est double : financer la reconstruction via un fonds piloté par les pays du Golfe et instaurer une gouvernance à Gaza qui, tout en évitant le retour du Hamas, reste acceptable pour Israël. L’idée d’une force internationale ou d’une police palestinienne formée par l’Égypte et la Jordanie a été évoquée, bien que les détails restent flous. Amman a d’ailleurs récemment proposé un plan visant à exiler 3 000 membres du Hamas et de sa branche militaire de la bande de Gaza dans le but de mettre fin aux affrontements en cours.

L’un des enjeux majeurs reste la nature du futur gouvernement de Gaza. Israël, qui soutient le plan de Trump, exige un contrôle strict sur l’enclave pour garantir sa sécurité, rejetant tout rôle pour le Hamas ou l’AP actuelle, qu’il accuse de corruption et de soutien au terrorisme. Le plan arabe, bien qu’opposé au déplacement des populations, semble tendre vers une solution pragmatique : un gouvernement technocratique qui, sans être directement sous tutelle israélienne, serait suffisamment aligné sur les exigences de sécurité de l’Etat hébreu pour éviter un embourbement du conflit. Cette approche soulève toutefois des questions sur la souveraineté palestinienne et risque de diviser davantage les factions locales. 

Donald Trump a récemment reculé sur son projet initial face à la résistance arabe, mais il maintient sa vision d’une Gaza « libérée du Hamas ». Les pays arabes, eux, peinent à résoudre la question du financement – 53 milliards de dollars restent à mobiliser – et à surmonter les divergences sur la gouvernance. Un sommet ministériel prévu prochainement au Caire, en collaboration avec l’Autorité palestinienne et l’ONU, pourrait clarifier ces points. 

En somme, la réaction arabe au plan de Trump reflète une volonté de préserver les droits des Palestiniens tout en s’adaptant aux réalités géopolitiques actuelles. L’alternative proposée, bien que perfectible, marque une tentative d’unité rare dans la région. Reste à savoir si elle parviendra à s’imposer face aux pressions américaines et israéliennes, et à offrir une issue viable à la crise de Gaza.

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