
Réalisation Le Lab Le Diplo
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
La rencontre entre le cheikh Tahnoon ben Zayed, conseiller à la sécurité nationale des Émirats arabes unis et président du fonds souverain MGX, et David Sacks, conseiller principal de la Maison Blanche pour l’intelligence artificielle (IA) et les cryptomonnaies, a marqué un tournant décisif dans la coopération entre Abou Dabi et Washington.
Organisé dans le cadre de la tournée de Donald Trump auprès du Conseil de coopération du Golfe, ce dialogue a mis en lumière l’ambition des Émirats de devenir un leader mondial dans le domaine de l’IA et de la technologie blockchain, tout en renforçant les liens stratégiques avec les États-Unis. À une époque où la technologie redéfinit les dynamiques de pouvoir, l’accord conclu entre Tahnoon et Sacks sur l’IA et les cryptomonnaies pourrait avoir des implications profondes, non seulement pour le Golfe, mais pour l’ensemble du paysage géopolitique.
Un dialogue de haut niveau pour un avenir technologique
Le cheikh Tahnoon, figure centrale de la stratégie de diversification économique des Émirats et responsable de MGX, le fonds souverain dédié à l’innovation technologique, a reçu David Sacks pour discuter de deux sujets clés : l’implémentation des technologies d’IA dans les domaines civils et militaires, et la construction d’une architecture de « crypto-souveraineté » permettant aux Émirats de s’imposer dans le secteur des monnaies numériques. La rencontre, menée dans la discrétion, a donné lieu à un accord préliminaire ouvrant la voie à une coopération plus structurée entre les deux pays sur ces axes stratégiques.
David Sacks, connu pour son passé d’entrepreneur technologique et son rôle dans l’administration Trump, a présenté plusieurs propositions visant à intégrer l’IA dans des applications militaires : systèmes autonomes de surveillance, analyse de données en temps réel et gestion d’opérations complexes. Il a toutefois exprimé les préoccupations de Washington concernant les partenariats internationaux des Émirats dans le domaine de l’IA, en particulier avec des acteurs comme la Chine, qui pourraient compromettre la sécurité des technologies partagées. Conscients du potentiel d’Abou Dabi comme hub technologique, les États-Unis souhaitent s’assurer que les collaborations respectent des normes strictes en matière de protection des données et des infrastructures critiques.
Le cheikh Tahnoon a réaffirmé l’engagement des Émirats à devenir un leader mondial de l’IA, mettant en avant les investissements massifs en recherche et développement, ainsi que la création d’écosystèmes technologiques comme le campus d’IA de 5 gigawatts, annoncé lors de la visite de Trump à Abou Dabi. Ce projet, destiné à couvrir près de la moitié de la population mondiale, s’inscrit dans une stratégie plus vaste de coopération avec des géants de la tech comme Cisco, Nvidia, et désormais potentiellement avec l’expertise de Sacks en cryptomonnaies.
Cryptomonnaies et souveraineté numérique : Une nouvelle frontière
L’un des points centraux de la rencontre a été le concept de « crypto-souveraineté », c’est-à -dire la capacité d’un État à contrôler et gérer ses propres infrastructures de monnaie numérique de façon autonome. Les Émirats, qui abritent déjà un marché florissant des cryptomonnaies grâce à une régulation favorable et à des centres financiers comme Dubaï, voient dans cette technologie une opportunité de réduire leur dépendance au dollar et de diversifier leur économie. MGX, sous la direction de Tahnoon, investit dans des startups blockchain et des plateformes de finance décentralisée (DeFi), avec pour objectif de faire d’Abou Dabi un centre mondial de l’innovation financière.
Sacks, de son côté, a proposé un cadre de coopération incluant le développement conjoint de technologies blockchain sécurisées et l’adoption de standards communs pour prévenir la fraude et les cyberattaques. L’accord, dont les détails n’ont pas été rendus publics, prévoirait la création d’un groupe de travail bilatéral pour explorer des projets pilotes, comme l’utilisation de la blockchain pour la gestion de contrats gouvernementaux ou pour sécuriser les transactions dans le secteur énergétique. Cette approche illustre la volonté des deux pays d’utiliser les cryptomonnaies non seulement comme outil économique, mais aussi comme levier stratégique dans un monde où la souveraineté numérique est de plus en plus synonyme de pouvoir.
Un équilibre géopolitique délicat
La rencontre entre Tahnoon et Sacks ne s’est pas limitée à des considérations techniques, mais a également abordé les implications géopolitiques de ce partenariat. Les États-Unis, sous l’administration Trump, cherchent à consolider leur influence dans le Golfe, une région stratégique pour les ressources énergétiques et l’innovation technologique. Toutefois, Washington est conscient que les Émirats entretiennent des relations stratégiques avec d’autres puissances mondiales, notamment la Chine, qui a fortement investi dans le secteur technologique d’Abou Dabi. Au cours de l’entretien, Sacks a insisté sur la nécessité de mettre en place des « garde-fous » pour empêcher que des technologies sensibles, comme les puces avancées pour l’IA, ne tombent entre de mauvaises mains — une allusion aux inquiétudes américaines sur les liens entre les Émirats et Pékin.
Le cheikh Tahnoon, diplomate chevronné et stratège, a manœuvré prudemment face à ces pressions. Les Émirats ne comptent pas renoncer à leur politique d’équidistance, qui leur permet de coopérer avec plusieurs grandes puissances sans s’aligner exclusivement sur l’une d’entre elles. La récente collaboration avec Cisco sur la cybersécurité et les investissements dans des startups américaines et européennes montrent cette vision pragmatique. Toutefois, le partenariat avec les États-Unis, renforcé par la rencontre avec Sacks, donne à Abou Dabi un accès privilégié à des technologies et un savoir-faire qui pourraient accélérer sa transformation en pôle mondial de l’IA et des cryptomonnaies.
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Les ambitions de Tahnoon et le rôle de MGX
Le cheikh Tahnoon s’impose comme une figure clé non seulement aux Émirats, mais dans l’ensemble du paysage technologique mondial. En tant que président de MGX, un fonds souverain aux investissements couvrant l’énergie, l’IA et bien plus, Tahnoon conduit une stratégie alliant innovation et sécurité nationale. Son agenda, structuré au fil de rencontres ces derniers mois, inclut la création d’un écosystème de recherche capable d’attirer les meilleurs talents mondiaux, et le renforcement des capacités de défense des Émirats grâce aux technologies de pointe.
La rencontre avec Sacks n’est que le dernier chapitre de cette vision. Tahnoon a déjà consolidé des partenariats avec des entreprises comme Cisco pour la cybersécurité, et supervisé l’expansion de MGX dans des startups technologiques américaines, notamment dans la blockchain et l’IA générative. Ces efforts reflètent l’ambition d’Abou Dabi de ne pas se contenter d’importer la technologie, mais de jouer un rôle actif dans son évolution, avec une attention particulière aux enjeux de sécurité et de stabilité régionale.
Défis et opportunités pour l’avenir
Malgré des perspectives prometteuses, la coopération entre les Émirats et les États-Unis en matière d’IA et de cryptomonnaies soulève certains défis. Le premier est d’ordre réglementaire : le secteur des cryptomonnaies est soumis à des normes complexes et souvent divergentes entre pays. Les Émirats, qui ont adopté une approche favorable aux investisseurs, devront s’aligner sur les exigences de sécurité des États-Unis sans compromettre leur attractivité sur les marchés globaux. Ensuite, la question de la souveraineté technologique : bien qu’Abou Dabi vise à développer des capacités autonomes en IA et blockchain, la dépendance à des partenaires étrangers pour le matériel et les logiciels avancés constitue une vulnérabilité.
Par ailleurs, la pression américaine visant à limiter les liens technologiques avec la Chine pourrait compliquer la stratégie de Tahnoon. Les Émirats ont bénéficié d’importants investissements chinois dans les télécommunications et l’IA, et un recul de ces relations pourrait entraîner des coûts économiques et diplomatiques. Toutefois, la capacité de Tahnoon à gérer ces dynamiques, démontrée ces dernières années, laisse penser qu’Abou Dabi continuera à suivre une politique fondée sur le pragmatisme et la flexibilité.
Un pas vers un avenir technologique partagé
La rencontre entre le cheikh Tahnoon et David Sacks représente un tournant dans le partenariat entre les Émirats arabes unis et les États-Unis, avec l’IA et les cryptomonnaies au cœur d’une collaboration appelée à redéfinir les équilibres technologiques et géopolitiques du Golfe. Pour Abou Dabi, cet accord est une opportunité de consolider son rôle de hub mondial de l’innovation, tandis que pour Washington, il s’agit de renforcer son influence dans une région stratégique. Toutefois, le succès de cette alliance dépendra de la capacité des deux parties à naviguer les complexités d’un monde où la technologie est à la fois moteur de progrès et champ de bataille du pouvoir. Avec Tahnoon aux commandes, les Émirats semblent prêts à relever ce défi, transformant les ambitions en réalités concrètes.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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