
Par Julien Aubert
Arrivée au pouvoir en paria en 2022, Giorgia Meloni est devenue en quelques années un cas d’école.
Célébrée par les droites européennes comme l’exemple à suivre pour conquérir le pouvoir durablement, elle semble avoir replacé l’Italie au cœur du jeu européen, tout en gagnant ses galons de respectabilité auprès de l’establishment européiste.
Elle a apporté une stabilité inédite à un pays où les crises politiques emportaient un gouvernement tous les six mois. À tel point qu’il semble désormais que la France et l’Italie ont échangé leurs rôles au sein du vieux continent.
Une telle habileté mérite qu’on s’y attarde, afin de comprendre si le « mythe Meloni » relève de la chair ou du mirage — et quels enseignements la France, et plus particulièrement la droite française, pourrait en tirer.
À lire aussi : ANALYSE – Giorgia Meloni contre Emmanuel Macron : Deux trajectoires qui en disent long sur l’Europe
Une filiation politique singulière
Comparer Fratelli d’Italia au Rassemblement national serait une erreur.
Giorgia Meloni a fait ses premiers pas en 1995 au Front de la jeunesse de l’Alliance nationale, héritière du Mouvement social italien (MSI), lui-même considéré comme le successeur du parti de Mussolini.
Qualifier Meloni d’« extrême-droite » relève pourtant du raccourci. Si le MSI, fondé en 1946, se réclamait du fascisme, c’était surtout pour sa dimension sociale, centrée sur le partage de la valeur ajoutée. Victime du « front républicain » à l’italienne – l’« arc constitutionnel » –, il fut au départ marginalisé, puis a fini par s’intégrer au jeu politique italien. Au fil des décennies, le MSI s’était idéologiquement diversifié.
Son aile modérée, atlantiste, prônait déjà une union des droites contre le communisme et évoluait vers un national-conservatisme classique.
Son aile « nationale-révolutionnaire », elle, mêlait anti-communisme et anti-bourgeoisie, dans un cocktail singulier de gaullisme dur et de socialisme anti-colonial.
En 1991, Gianfranco Fini (aile modérée) prend la direction du parti et marginalise les tenants d’une ligne plus radicale. Trois ans plus tard, il entre au gouvernement Berlusconi.
Lorsque le MSI devient Alliance nationale en 1995, l’aile gauche ne le suit pas.
Rien de comparable avec le Front national devenu Rassemblement national, où la prise de pouvoir de Marine Le Pen a vu émerger une aile « sociale » moins radicale, mais aussi bien moins libérale que celle de son père.
Meloni, elle, a donc adhéré jeune à un parti déjà de gouvernement, solidement ancré dans le camp conservateur.
Son ascension fut rapide : vice-présidente de la Chambre à 29 ans, ministre à 31.
En 2008, elle rejoint le Peuple de la liberté lors de la fusion entre Alliance nationale et Forza Italia, et reste ministre jusqu’en 2011.
Un parcours qu’on pourrait comparer à celui d’une Marion Maréchal débarrassée du poids symbolique de son patronyme.
À lire aussi : TRIBUNE – Giorgia Meloni au pays des wahhabites : L’Arabie veut-elle faire sa nahda ?
Une radicale expérimentée, plus qu’une révolutionnaire
L’arrivée de Meloni à la tête du gouvernement en 2022 est l’aboutissement logique de trente années d’expérience.
Elle a grandi dans un paysage politique où elle est passée sans rupture brutale d’alliée à rivale au sein de coalitions de centre-droit.
Mais il serait erroné d’en conclure que son intégration à l’establishment l’a rendue centriste.
Sur une échelle française, Meloni serait sans doute proche de Reconquête. Elle a évoqué la théorie du grand remplacement pour défendre la natalité italienne, milité contre les droits LGBTQ+, et exprimé son opposition à l’avortement.
Pourtant, elle n’a pas été perçue comme extrémiste, pour deux raisons :
- Ses combats s’inscrivent dans la défense d’une famille traditionnelle encore profondément ancrée dans une société catholique ;
- Ses positions ont pu paraître modérées face aux outrances de Matteo Salvini, plus ouvertement pro-russe et anti-migrant.
Meloni n’est donc pas une figure de rupture soudaine, mais une radicale expérimentée, issue du système et aguerrie par lui.
À son arrivée au pouvoir, elle incarne une continuité du berlusconisme sous un vernis moral plus rigoureux — comme Sarkozy fut le dauphin rebelle de Chirac. Surtout, dans un pays de coalitions, elle ne gouverne jamais seule : son autorité procède autant de la négociation que du charisme.
À lire aussi : TRIBUNE – Meloni, Tebboune et la gifle à Paris : Quand l’Italie s’impose, la France s’efface
Une gouvernance d’équilibre
Sur le régalien, Meloni a d’abord répondu aux attentes de son électorat : maîtrise de l’immigration.
Mais loin d’un isolement souverainiste, elle a préféré la diplomatie contractuelle, multipliant les accords avec les pays d’émigration.
Son « souverainisme » s’est donc révélé pragmatique, non autarcique — et son efficacité, redoutable. Rien à voir avec les frexiter.
Sur l’économie, elle a privilégié la coopération plutôt que l’affrontement.
Son atlantisme assumé lui a ouvert les portes de Washington – les États-Unis représentent 75 % de l’excédent commercial italien – tout en maintenant une ligne ferme mais non hostile à l’Allemagne, premier partenaire commercial de l’Italie.
Elle a su mobiliser les fonds européens sans céder à la tentation de la confrontation.
Sur le plan budgétaire, sa prudence a tranché avec les folies du gouvernement Conte : le fameux superbonus immobilier de 127 milliards d’euros a été abrogé. Elle a restauré un excédent primaire, ramenant progressivement la dette sur une trajectoire descendante, sans lancer de grandes réformes structurelles – comptant sur l’inflation pour réduire le déficit.
À lire aussi : Processus de Rome : Exclusive Stratégie de Migration Efficace
Les leçons pour la France
De l’expérience Meloni, trois enseignements majeurs se dégagent :
- Une droite conservatrice n’est pas nécessairement révolutionnaire : elle peut incarner la continuité plutôt que la rupture.
- Un souverainisme lucide n’est pas synonyme d’anti-européanisme : on peut défendre les intérêts nationaux dans le cadre des institutions européennes.
- L’Union des droites italienne n’a pas été créée : elle a été héritée.
En France, la comparaison s’arrête à nos institutions.
La Vᵉ République concentre le pouvoir dans l’élection présidentielle : les législatives ne sont que ses « troisième et quatrième tours ». Chaque parti qui veut gouverner doit donc présenter son propre candidat aux présidentielles, là où, en Italie, la proportionnelle permet des coalitions avant le scrutin législatif.
Ironie du sort : lorsque la gauche ou le Rassemblement national réclament la proportionnelle, ils appellent sans le savoir à une Union des droites – celle-là même qu’ils prétendent refuser ou combattre…
À lire aussi : Crise franco-italienne : Exclusive Analyse des Tensions Persistantes
#GiorgiaMeloni, #Meloni, #ItaliePolitique, #UnionDesDroites, #DroiteEuropéenne, #PolitiqueFrançaise, #JulienAubert, #TribunePolitique, #FratelliDItalia, #RassemblementNational, #Reconquete, #DroiteConservatrice, #Meloni2025, #Italie, #France, #Europe, #Souverainisme, #Gouvernance, #MeloniPremierMinistre, #Berlusconi, #MarineLePen, #MarionMaréchal, #DonaldTrump, #Géopolitique, #ElectionsEuropéennes, #Conservatisme, #Nationalisme, #Atlantisme, #MeloniLeadership, #UnionEuropéenne, #UE, #Macron, #DroiteFrançaise, #MeloniModel, #ItalieFrance, #PolitiqueEuropéenne, #StratégiePolitique, #Populisme, #MeloniCasDEcole, #TribuneLeDiplomate, #EuropeDesNations,


