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ÉDITO – Trump contre la Chine : La partie ne fait que commencer…

Photo de Trump et Xi se faisant face comme des boxeurs et en fond un aigle tête blanche américain et un dragon énervés se faisant face aussi
Réalisation Le Lab Le Diplo

L’Édito de Roland Lombardi 

Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump poursuit et intensifie la stratégie de confrontation systémique avec la Chine qu’il avait amorcée dès son premier mandat. À travers un style direct, brutal et parfois déroutant, il a replacé la rivalité sino-américaine au cÅ“ur de l’agenda stratégique mondial. Certains observateurs, à la lecture superficielle des derniers événements, notamment de la récente « guerre des taxes Â», se sont empressés d’y voir un rétropédalage, une reculade, une stratégie brouillonne, caricaturant ses méthodes en un simple “bluff commercial” voué à l’échec. Pourtant, une analyse plus froide et réaliste montre que Trump n’a pas encore perdu face à Pékin. Au contraire, il a posé les bases d’une rupture durable qu’il entend aujourd’hui consolider.

Le style Trump : Une diplomatie du rapport de force assumé

Comme je l’ai déjà et souvent écrit dans Le Diplomate Média, Donald Trump n’a jamais prétendu être un diplomate classique. Il s’est inscrit dans une tradition américaine du rapport de force, mais en la portant à une intensité inédite. Menaces de droits de douane, tweets rageurs, revirements spectaculaires : autant d’outils pour déstabiliser ses adversaires et imposer une nouvelle dynamique dans des relations internationales devenues, selon lui, trop prévisibles et déséquilibrées au profit des adversaires des États-Unis.

À ce niveau, ce n’est plus de la diplomatie, c’est du rodéo sans selle, et il faut bien reconnaître qu’il tient plutôt bien sur le taureau !

En attendant, avec la Chine, Trump a choisi de rompre avec la stratégie de l’endiguement passif ou de la coopération illusoire, qui ressemblait furieusement jusqu’ici à ces bals mondains où l’on échange des sourires tout en comptant les poignards dans le dos ! 

Le recours à la guerre commerciale, même brutal, n’est pas une fin en soi, mais un moyen : provoquer un choc systémique pour réveiller une Amérique engourdie dans ses illusions mondialistes et… négocier !

Les limites d’une lecture superficielle des événements

Il est exact que certains chiffres semblent à première vue plaider en défaveur de Washington :

  • 70 % des terres rares mondiales sont contrôlées par la Chine,
  • 66 % de la production mondiale de lithium,
  • 50 % du cuivre mondial,
  • La moitié de la production mondiale de batteries.

De plus, en 2018, les États-Unis importaient pour 427 milliards de dollars de produits chinois, mais n’en exportaient que 147 milliards. Ce déséquilibre structurel a été exploité pour affirmer que Trump “ne pouvait pas gagner” face à une Chine devenue incontournable. À écouter ses détracteurs, c’était David contre Goliath… sauf que cette fois-ci David aurait perdu dès la première pierre…

Cependant, cette lecture occulte plusieurs réalités essentielles.

Une dépendance réciproque

La Chine dépend tout autant des débouchés américains que l’inverse. Les États-Unis représentent environ 12 % des exportations chinoises. Pékin a certes développé des alternatives (Afrique, Asie du Sud-Est, Europe), mais l’accès au marché américain reste vital pour soutenir sa croissance et son équilibre social. La guerre commerciale a montré que la Chine n’était pas invulnérable, avec un ralentissement économique plus marqué que prévu, aggravé par la crise sanitaire. Et oui, même les dragons éternuent parfois…

La confrontation commerciale est un prélude, pas un aboutissement

Trump n’a jamais prétendu régler la question chinoise par des surtaxes douanières. Son objectif était d’imposer une prise de conscience structurelle aux États-Unis : la Chine n’est pas un simple concurrent, mais un adversaire stratégique. En ce sens, il a amorcé une rupture profonde que même ces prédécesseurs avaient (très timidement) amorcée, et qu’il approfondit lui-même désormais.

Comme je le rappelais récemment dans mon dernier édito, Trump a mené une véritable guerre contre l’ordre mondial ultra-libéral et sauvage, en ciblant directement ses bénéficiaires implicites, dont la Chine est le premier acteur. Il faut dire que dans cette foire d’empoigne mondiale, Pékin s’était réservé toutes les meilleures places et même les tickets de caisse…

Les effets pervers de la mondialisation débridée exposés

La guerre commerciale a également révélé la fragilité de la mondialisation telle qu’elle avait été promue depuis trente ans. Les délocalisations massives, la dépendance technologique et la désindustrialisation des économies occidentales sont devenues des réalités tangibles, et non plus des abstractions économiques. Là encore, Trump a forcé un débat nécessaire : celui des résiliences économiques nationales des États composant l’Occident. Mieux vaut tard que jamais, même si certains s’obstinent à confondre résilience et résignation.

Trump : Stratège malgré ses soi-disant « maladresses Â» ?

Il serait simpliste de nier que le style de Trump, parfois juger (à tort) comme erratique, a pu nuire à sa stratégie. Les revirements, les improvisations et l’obsession pour l’effet médiatique ont, il vrai, souvent brouillé son message. Et c’est vrai que la délicatesse est loin d’être le mot qui le définit le mieux car parfois il a l’art subtil de crier au loup… tout en faisant fuir les moutons !

Cependant, les fondations qu’il a posées sont solides :

  • Initiatives de relocalisation industrielle via des incitations fiscales,
  • Durcissement des contrôles technologiques contre par exemple Huawei et d’autres champions chinois,
  • Restrictions des investissements chinois dans les secteurs stratégiques,
  • Début d’un découplage économique entre les deux plus grandes puissances mondiales.

Ce sont ces dynamiques profondes qui structurent aujourd’hui la confrontation sino-américaine.

La Chine, une puissance encore fragile… et encerclée ?

Contrairement à ce que veulent croire certains observateurs fascinés par la “patience chinoise”, ou d’autres agents d’influence (ne soyons pas dupes !) de l’Empire du milieu qui tombent les masques aujourd’hui, Pékin reste toutefois confronté à des défis internes majeurs :

  • Vieillissement accéléré de sa population,
  • Surendettement massif de ses entreprises publiques et de ses collectivités locales,
  • Fragilité du système bancaire,
  • Difficultés persistantes dans l’innovation de rupture,
  • Ralentissement structurel de la croissance.

À ces défis internes s’ajoute désormais un élément extérieur majeur : la stratégie géopolitique de Trump visant à faire voler en éclats les BRICS+. De fait, il semble bien résolu à leur envoyer la vaisselle à la figure avant même qu’ils aient dressé la table pour dévorer l’Occident !

En effet, comme je l’ai déjà écrit, Trump, désormais revenu au pouvoir, entend se réconcilier avec la Russie – mettant ainsi fin à l’axe Pékin-Moscou –, renforcer ses liens avec l’Inde de son ami Narendra Modi (voir il y a une semaine le voyage de JD Vance Ã  New Delhi…), et également récupérer dans l’orbite américaine l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis, devenus rapidement les piliers arabes des BRICS+.

En cassant la dynamique d’expansion de cette coalition alternative créée pour mettre fin à l’hégémonie du dollar, Trump isolerait davantage la Chine sur la scène mondiale.

Mieux encore : si l’Europe, atteinte par une possible “révolution trumpienne” intérieure, se débarrassait de ses élites progressistes et anti-Trump, elle pourrait rejoindre ce nouveau bloc.
Un bloc américano-européen ressoudé contre la Chine serait alors dévastateur pour Pékin, tant sur le plan économique que géopolitique.

Le véritable danger pour la Chine n’est donc pas seulement économique : il est aussi diplomatique et systémique. Et Trump, à sa manière brutale mais lucide, en est pleinement conscient.

À lire aussi : ANALYSE – Ukraine : Un avenir de plus en plus incertain…

Le temps long : Clé de la compétition sino-américaine

La Chine raisonne en décennies. Trump, dès son premier mandat, avait compris que la confrontation ne serait ni courte ni sans douleur. Désormais revenu au pouvoir, il poursuit cette stratégie avec plus de clarté et de moyens.

La rivalité sino-américaine ne se joue pas sur une séquence électorale, mais sur plusieurs décennies. Ce que Trump a initié, c’est un repositionnement stratégique à long terme : moins de naïveté, plus de réalisme, plus de préparation à l’affrontement global. En somme : on remet l’armure, on aiguise l’épée, et on arrête de croire au père Noël en costume de panda !

En ce sens, son approche fondée sur le rapport de force pourrait s’avérer historiquement plus efficace que la diplomatie traditionnelle.

*

*          *

Trump, un stratège incompris ?

Donald Trump n’a donc pas encore “perdu” face à la Chine. Il n’a pas gagné non plus – du moins pas encore. Mais il a pour le coup repositionné durablement les États-Unis dans une logique stratégique cohérente : celle d’une compétition globale, durable, contre un adversaire systémique. Et comme le disait Audiard, « un imbécile qui marche ira toujours plus loin que deux intellectuels assis Â» !

Désormais en position de force depuis janvier 2025, Trump dispose de l’opportunité historique de parachever ce qu’il avait initié durant son premier mandat mais balayé en moins de quatre ans par l’insondable incompétence de l’administration Biden : la reconstruction d’une Amérique stratégiquement lucide, résiliente et capable de contenir la montée en puissance chinoise. Certes avouons-le, il doit reconstruire sur des ruines, comme un maçon qui découvrirait que son ciment a été remplacé par de la chantilly…

La véritable bataille ne se joue pas dans les tweets ou dans les taux d’importation, mais dans la capacité des nations à affronter les défis structurels du XXIᵉ siècle.

Encore une fois, Trump n’a pas perdu. Il a sonné le réveil. Surtout lorsqu’on voit les résistances acharnées anti-Trump au sein même d’un camp occidental, notamment en Europe, résigné semble-t-il à sa sortie de l’Histoire et à son suicide collectif. Car parfois on dirait vraiment que certains dirigeants européens se lèvent le matin avec pour seule ambition de creuser leur propre tombe en chantant l’Ode à la Joie… Affligeant !

Quant à la Chine, sa puissance et son influence ont atteint un tel niveau aujourd’hui que le défi de Trump paraît véritablement herculéen.

En l’an 2000, l’influence chinoise structurée se limitait à une dizaine de pays. Aujourd’hui, elle touche directement ou indirectement plus de 80 nations dans le monde, à travers une myriade de projets économiques, d’accords stratégiques, d’investissements, de rachats de dettes et d’initiatives d’influence culturelle et politique. En comparaison avec ses prédécesseurs — souvent tétanisés par des conflits d’intérêts bien compris ou par une naïveté confondante face à Pékin —, Trump, lui, semble au moins avoir le courage (et l’indépendance ?) de négocier même si sa tête semble être déjà dans la gueule du dragon, comme aurait pu le dire Churchill en vidant son whisky d’un trait…

Alors parviendra-t-il à réaliser ses objectifs ? C’est loin d’être certain, mais rien n’est jamais écrit. « Celui qui peut moralement tenir le plus longtemps est le vainqueur : celui qui est vainqueur, c’est celui qui peut, un quart d’heure de plus que l’adversaire, croire qu’il n’est pas vaincu Â», disait Clemenceau. Et quoi qu’il en soit, le 47ᵉ président américain semble en être convaincu. Or qu’on l’apprécie ou pas, c’est au moins une chose à saluer…

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