
Par Olivier d’Auzon
Par-delà les apparences, la nouvelle escalade entre Washington et Moscou révèle moins une stratégie de rupture qu’un pari risqué sur la psychologie de Vladimir Poutine et sur l’équilibre fragile entre la Russie, la Chine et l’Inde. Comme l’analyse le géopolitologue Andrew Korybko, Donald Trump agit avant tout par conviction qu’aucune riposte russe ne viendra bouleverser son jeu.
Une volte-face calculée
Donald Trump n’a jamais été un homme de constance. Après avoir laissé entendre que sa rencontre prévue à Budapest avec Vladimir Poutine pourrait marquer un tournant, il a soudainement annulé le sommet. Puis, presque simultanément, il a imposé de nouvelles sanctions énergétiques contre la Russie et laissé planer le doute sur son rôle dans la livraison de missiles à longue portée à l’Ukraine.
Selon Andrew Korybko, analyste politique basé à Moscou, ce revirement n’est pas un simple caprice diplomatique : « Trump semble convaincu que Poutine ne risquera pas de laisser les tensions lui échapper ».
En d’autres termes, l’ancien président américain mise sur le calcul froid de son homologue russe. Son intuition — ou son illusion — est que Moscou, affaiblie économiquement, préférera temporiser plutôt que défier directement Washington. Une hypothèse fragile, mais au cœur de la nouvelle stratégie trumpienne.
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1. Le marchandage maximaliste : Contraindre Poutine à céder sans vaincre
Korybko souligne que « le minimum pour la Russie est de contrôler entièrement le Donbass, sans quoi Poutine perdrait la face ». Or, Trump refuse d’exercer une pression sur Volodymyr Zelensky pour qu’il se retire de cette région stratégique.
À l’inverse, il pense pouvoir forcer Poutine à un cessez-le-feu sans victoire territoriale, autrement dit à une reddition politique déguisée.
Cette posture traduit une lecture très personnelle du rapport de force : pour Trump, la diplomatie ne consiste pas à négocier mais à dominer. Pourtant, dans un conflit où la symbolique du pouvoir est déterminante, croire que le Kremlin cédera à une pression américaine relève du pari psychologique plus que du calcul stratégique.
« Trump semble prendre le refus de Poutine comme un défi personnel, une atteinte à son autorité », note encore Korybko. L’enjeu devient alors moins géopolitique que narcissique.
2. Le retour des “warmongers” : Un président sous influence
L’annonce des sanctions est intervenue lors d’une rencontre entre Trump et le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Pour Korybko, ce timing ne doit rien au hasard : « Les va-t-en-guerre comme Rutte, Zelensky ou Lindsey Graham ont encore son oreille ».
Cette observation éclaire un trait bien connu de Trump : sa volatilité politique. Il se laisse souvent influencer par le dernier interlocuteur qui lui parle, ce qui le rend particulièrement perméable aux pressions extérieures.
Sous cette lumière, le retour de Trump à une rhétorique agressive ne traduit pas nécessairement une conviction profonde, mais une instrumentalisation de son impulsivité par les cercles militaro-industriels. L’homme qui se vantait d’avoir tenu tête à l’OTAN finit par reprendre le discours même qu’il dénonçait.
La contradiction n’est qu’apparente : dans le style trumpien, la posture prime sur la cohérence.
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3. Un pari sur la maîtrise de l’escalade
L’un des points centraux relevés par Korybko est que « Trump n’aurait jamais accepté de jouer la surenchère s’il ne croyait pas l’escalade contrôlable ». Autrement dit, il parie que la Russie, en dépit de ses rodomontades, restera dans les limites du conflit conventionnel.
Ce calcul repose sur une croyance américaine persistante : la supériorité militaire et économique des États-Unis dissuadera toute réaction disproportionnée.
Mais ce raisonnement ignore la dimension psychologique du pouvoir russe. Le Kremlin conçoit l’affrontement avec l’Occident comme une lutte existentielle ; dès lors, le seuil de tolérance à la pression peut se révéler bien plus haut qu’attendu à Washington.
Trump prend ainsi un risque stratégique majeur : celui de pousser Poutine à prouver le contraire.
4. Diviser pour régner : La tentation eurasienne
Au-delà du théâtre ukrainien, Andrew Korybko estime que la stratégie trumpienne vise une finalité plus large : briser la cohésion du triangle Moscou-Pékin-New Delhi.
« Si les sanctions américaines réduisent les flux de pétrole russe vers l’Inde, le partenariat Russie-Inde-Chine (RIC) pourrait s’effriter », écrit-il.
Dans cette hypothèse, Washington espère séparer l’Inde de ses deux voisins autoritaires et l’attirer dans son orbite stratégique. En frappant la Russie sur le terrain énergétique, Trump cherche à provoquer une réaction en chaîne : contraindre l’Inde à se distancier de Moscou, puis pousser la Chine à négocier pour éviter de nouveaux tarifs douaniers.
Mais le risque d’un tel jeu à trois bandes est évident : au lieu de diviser l’Eurasie, les États-Unis pourraient en renforcer la cohésion. Plus la pression américaine s’intensifie, plus Moscou et Pékin se rapprochent. Le calcul de Trump — un équilibre instable entre intimidation et séduction — pourrait se retourner contre lui.
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5. Le pari chinois : L’effet domino voulu
Korybko observe enfin que « Trump pourrait même souhaiter que la Chine ne respecte pas les sanctions ». Ce paradoxe apparent s’explique : si Pékin continue d’acheter le pétrole russe à bas prix, Washington aura un prétexte pour durcir son offensive économique contre la Chine.
Donald Trump préparerait ainsi un retour du “Pivot to Asia”, cette doctrine stratégique lancée sous Barack Obama mais qu’il entend muscler à sa manière — plus brutale, plus transactionnelle.
En forçant la confrontation commerciale et énergétique avec Pékin, Trump espère repositionner les États-Unis comme arbitre du désordre mondial, tout en justifiant une présence militaire accrue dans le Pacifique. L’escalade contre la Russie devient alors le premier acte d’un affrontement global contre la Chine.
Une stratégie du pari permanent
Andrew Korybko résume la logique trumpienne en une phrase : « Ses décisions n’équivalent pas à des soutiens moraux, mais elles expliquent avec cohérence ce qu’il vient de faire.
Derrière chaque volte-face, il y a moins une doctrine qu’un pari sur la psychologie de l’adversaire. Trump agit comme un joueur de poker persuadé que la Russie bluffe, que la Chine pliera et que l’Inde hésitera.
Mais en politique internationale, la chance n’est pas une stratégie. En croyant que Poutine « ne risquera rien », Trump oublie que les puissances blessées jouent rarement selon les règles. Son escalade pourrait bien provoquer, non pas la reddition russe, mais un réalignement accéléré du monde non occidental.
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Entre narcissisme et géopolitique
Au fond, la nouvelle offensive de Donald Trump n’est qu’une version amplifiée de son obsession : imposer sa marque personnelle sur la scène mondiale. Ses décisions, explique Korybko, « ne traduisent pas un plan structuré, mais une manière de transformer chaque impasse en test de loyauté ».
Qu’il s’agisse de Poutine, de Xi Jinping ou de Zelensky, tous deviennent les figurants d’un scénario où l’Amérique retrouve son rôle de démiurge et Trump celui de négociateur tout-puissant.
Mais à force de miser sur la peur de l’autre, le “deal-maker” de la Maison-Blanche risque de redécouvrir une constante de la géopolitique : les nations, comme les hommes, finissent toujours par répondre à l’humiliation
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