ANALYSE – Ukraine : Les aspects de la désinformation selon Éric Denécé

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Image symbolique de la désinformation en Ukraine : marionnettiste manipulant l’opinion, masques de propagande, carte du conflit et portrait d’Éric Denécé.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

Disparu en juin dernier, Éric Denécé, directeur du CF2R, laisse derrière lui une œuvre analytique d’une rare acuité. Ses travaux sur la guerre en Ukraine, marqués par une rigueur méthodologique et une indépendance intellectuelle précieuse, restent d’une actualité brûlante. Face à l’uniformisation du discours médiatique occidental, il rappelait avec force l’importance de démêler l’information de la propagande et de réintroduire de la complexité dans l’analyse d’un conflit devenu terrain de désinformation massive. Relire Denécé, c’est retrouver une grille de lecture lucide et nécessaire pour comprendre les ressorts de la guerre en Ukraine et ses enjeux géopolitiques.

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Ainsi dans les analyses d’Éric Denécé apparaît un thème central : la distorsion de l’information. Selon le directeur du CF2R, la narration dominante en France et, plus largement, en Europe occidentale, a pris une tournure monolithique, incapable de restituer la complexité du conflit en Ukraine. Alors que la presse américaine, bien qu’engagée, conserve au moins une pluralité de points de vue, en France le débat semble appauvri et réduit à une seule ligne : celle de la propagande ukrainienne, amplifiée sans filtre par les médias nationaux.

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Chaque conflit moderne se joue aussi sur le terrain médiatique. En Ukraine, où la dimension militaire s’entrelace avec celle diplomatique et économique, la bataille de l’information est devenue décisive. Plus les forces russes intensifient leur pression sur le terrain, plus Kiev multiplie les efforts pour influencer l’opinion publique occidentale. Et plus ces messages, selon Denécé, sont repris et diffusés par les médias européens, plus ils finissent par se transformer en caisse de résonance d’un seul camp.

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Denécé ne parle pas de sympathies pour Moscou ni d’un soutien aveugle à Kiev. Au contraire, il invite à retrouver le sens de la méthode : analyser, confronter les sources, distinguer les faits de la propagande. Une approche neutre, aujourd’hui rare, car la logique binaire – pour ou contre, ami ou ennemi – a envahi les rédactions et simplifié le discours public. En deux années de conflit, la difficulté à entendre des voix discordantes est devenue une caractéristique structurelle, avec des conséquences sur le plan démocratique : une opinion publique privée de pluralisme finit par être guidée plus qu’informée.

La distorsion médiatique n’est pas neutre. Soutenir sans filtre la narration ukrainienne revient à consolider une ligne politique précise : l’alignement total de l’Europe sur les positions des États-Unis et de l’OTAN. Un choix qui a des effets concrets : l’escalade militaire, la rigidité diplomatique, le report de toute discussion réaliste sur des négociations et des compromis. L’absence de voix alternatives prive les gouvernements européens de la pression nécessaire pour rechercher des solutions moins conflictuelles.

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Ainsi, l’Europe risque de devenir non pas le lieu du débat, mais celui de la répétition. Une situation qui met en lumière une fragilité plus profonde : la dépendance stratégique vis-à-vis de Washington, non seulement sur le plan militaire et économique, mais aussi sur le plan narratif. Si la presse américaine, bien qu’alignée, laisse un espace aux divergences, la presse européenne semble avoir choisi la discipline. Avec ce paradoxe que les citoyens américains, bien que vivant dans un pays directement engagé, ont accès à un débat plus pluraliste que les citoyens européens.

Les propos de Denécé ne constituent pas une attaque contre l’Ukraine, mais un appel à la responsabilité de l’information. Un conflit aussi complexe exige analyse, confrontation et prudence, et non des slogans répétés à l’infini. La guerre médiatique fait partie intégrante de la guerre elle-même, mais si les médias se plient à une seule narration, ils finissent par abandonner leur mission fondamentale : donner aux citoyens les outils pour comprendre. Et sans compréhension, il n’y a pas de démocratie, mais seulement un consensus fabriqué.

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