
Par la rédaction – Le Diplomate média
Gabriel Zucman est devenu en quelques années l’un des visages les plus connus de l’économie mondiale. Universitaire français, il est notamment salué par une partie de la gauche internationale pour ses recherches sur l’évasion fiscale et les inégalités. Mais derrière l’image d’un chercheur brillant se cache une tout autre réalité : celle d’un économiste théoricien, sans expérience dans l’économie productive, dont les propositions pourraient fragiliser davantage la puissance française qu’elles ne la renforceraient.
Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, l’a récemment qualifié de « militant d’extrême gauche » dans Le Figaro (20 septembre 2025), dénonçant une fiscalité qui menacerait directement la compétitivité nationale. De son côté, Sarah Knafo, députée européenne, a résumé en une formule lapidaire mais claire l’incohérence de ses idées : « Taxer les ultra-riches, ça ne va pas les appauvrir. En revanche, ça va nous ruiner » (BFMTV, 22 septembre 2025). Ces critiques posent une question essentielle : l’économie peut-elle être gouvernée par la morale, ou devrait-elle rester guidée par la Realpolitik et la préservation de la souveraineté nationale ?
Un parcours académique solide mais éloigné de l’économie réelle
Il serait injuste de nier la réussite intellectuelle de Gabriel Zucman. Normalien, docteur en économie sous la direction de Thomas Piketty. Il a notamment enseigné à la London School of Economics ainsi qu’à l’Université de Californie à Berkeley, avant de rejoindre l’ENS et la Paris School of Economics. Il dirige également l’Observatoire fiscal de l’Union européenne, devenu entre-temps une plateforme d’influence dans le débat public.
Cependant, cet impressionnant parcours reste exclusivement académique. Zucman n’a pour ainsi dire jamais participé à l’économie réelle. Il n’a jamais créé d’entreprise, n’a jamais négocié avec des investisseurs ou des syndicats, jamais dirigé une activité industrielle et n’a jamais embauché dans le secteur privé. Il se situe donc dans une logique d’observation et de modélisation, sans expérience pratique des contraintes entrepreneuriales. Dans une économie capitaliste telle que la nôtre, où la création de valeur dépend aussi de la prise de risque et de la gestion du capital humain. Cette distance voire cette déconnexion avec le réel nourrit l’argument de ses détracteurs, lui reprochant notamment de parler d’un monde qu’il n’a jamais pratiqué et qu’au final, il ne connaît pas.
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La « taxe Zucman » : Entre utopie fiscale et risques concrets
La proposition la plus emblématique de Gabriel Zucman est celle d’un impôt mondial sur les milliardaires. En France, la déclinaison nationale, surnommée « taxe Zucman » vise à taxer le patrimoine des ultra-riches à hauteur de 2 %, avec une estimation de recettes comprise entre 15 et 20 milliards d’euros/an selon les calculs les plus optimistes.
L’idée séduit une partie de l’opinion publique, comme en témoigne un sondage IFOP qui donne 86 % d’approbation à cette taxe. Pourtant, l’enthousiasme populaire ne suffit pas à garantir sa faisabilité. L’expérience française de l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune), supprimé en 2017 et remplacé par l’IFI en reste un précédent instructif. Selon un rapport sénatorial, l’ISF avait entraîné l’exil de 843 contribuables rien qu’en 2006, soit une perte nette estimée à 2,8 milliards d’euros pour les finances publiques.
La logique économique est simple : taxer fortement le patrimoine conduit les détenteurs de capitaux mobiles à les transférer ailleurs. Dans un monde où Singapour, Dubaï ou encore les États-Unis offrent des fiscalités bien plus compétitives, la France aurait bien peu à gagner à s’isoler avec une taxe punitive. De plus, le dispositif touche des actifs souvent illiquides tels que des actions et des parts d’entreprises, ce qui peut pénaliser directement les entrepreneurs et crée un réel freiner à l’innovation.
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Des chiffres séduisants mais une méthodologie contestée
Zucman affirme que les milliardaires paient aujourd’hui proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes. Ses travaux estiment par ailleurs que la richesse financière offshore représenterait au minimum 7,6 trillions de dollars à l’échelle mondiale. Privant ainsi les États de recettes fiscales colossales. Ces données, reprises dans son livre “The Hidden Wealth of Nations”, alimentent son argumentaire pour une réforme fiscale internationale.
Cependant, plusieurs économistes contestent la méthodologie employée. Ils reprochent à Zucman d’ignorer l’effet de redistribution indirecte, notamment via les prestations sociales. De plus, celui-ci sous-estime les stratégies d’adaptation que mettraient en place les contribuables concernés. Autrement dit, ses calculs sont théoriquement séduisants mais se heurtent à la réalité du comportement humain et à la fluidité des capitaux.
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Quand l’idéologie se mêle à la fiscalité
Plus que ses chiffres, c’est le positionnement idéologique de Zucman qui interroge. Son discours ne se cache pas d’une volonté politique de redistribution radicale, qui dépasse alors le simple cadre de l’analyse scientifique. Sarah Knafo le souligne en affirmant que cette taxe, loin de corriger les inégalités risquerait ainsi de fragiliser tout l’écosystème productif français. Bernard Arnault, de son côté, averti qu’une telle politique serait « mortelle pour l’économie française ». Même le gouverneur de la Banque de France a exprimé son opposition, estimant qu’une telle taxe nuirait directement aux entreprises et à la compétitivité nationale.
Ce glissement de l’économiste vers le militantisme est une dérive préoccupante. En se voulant le chantre de la justice fiscale mondiale, Zucman oublie les leçons de l’histoire récente. L’Europe, continent déjà fragilisée par son déficit d’investissement et par une dépendance stratégique croissante aux États-Unis et à la Chine, ne peut pas et ne peut plus se permettre de perdre ses capitaux restants au nom d’une idéologie.
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Un enjeu géopolitique pour la France et l’Europe
La question de la taxe Zucman n’est pas seulement fiscale, elle est géopolitique. Dans un contexte de compétition accrue entre blocs, imposer une fiscalité punitive en Europe reviendrait à saper notre propre souveraineté. Les États-Unis protégeront leurs géants technologiques et leurs entrepreneurs. L’Asie, notamment la Chine, continuera d’attirer les capitaux en proposant des régimes fiscaux souples et stables. L’Europe, prisonnière d’une vision punitive, verrait alors son tissu productif se déliter encore davantage.
La conclusion est donc très claire : la France ne peut pas se contenter de politiques fiscales moralisatrices qui affaiblissent sa puissance. L’enjeu n’est pas de punir les riches pour satisfaire une indignation morale, mais de renforcer l’État-nation en conservant ses capacités de production, d’innovation et d’indépendance stratégique.
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Gabriel Zucman se présente comme l’homme qui veut moraliser la mondialisation. Ses chiffres impressionnent et ses arguments séduisent une opinion publique lassée des inégalités. Malheureusement, la réalité impose de la prudence. Les expériences passées montrent que ce type de fiscalité provoque souvent l’effet inverse de celui escompté, en affaiblissant la base économique du pays qui la met en œuvre.
Sarah Knafo l’a bien résumé : taxer les ultra-riches ne les ruinera pas, mais risque de ruiner la France. Pour un pays qui prétend encore à la souveraineté et à la puissance, le choix est évident. La justice fiscale doit exister, mais elle doit rester au service de la puissance nationale, et non au service d’idéologies déconnectées du réel.
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