ÉCONOMIE – Nigeria : La revanche du géant africain

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Drapeau national du Nigeria flottant au vent sous un ciel bleu ensoleillé, symbole de renaissance économique et de fierté nationale du géant africain.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Le pays de Bola Tinubu retrouve le podium économique, mais la bataille sociale reste à gagner.

Le Nigeria retrouve de la hauteur. Après plusieurs années de turbulences économiques et monétaires, le géant d’Afrique de l’Ouest s’apprête à remonter sur le podium des puissances africaines. Selon les dernières projections du Fonds monétaire international (FMI), le pays redeviendra, dès 2026, la troisième économie du continent, derrière l’Afrique du Sud et l’Égypte, avec un produit intérieur brut nominal estimé à 334 milliards de dollars.

Ce retour en force n’a rien d’un hasard : il résulte d’une série de réformes impopulaires mais décisives, menées tambour battant par le président Bola Tinubu, et d’un contexte pétrolier redevenu favorable. Pourtant, derrière cette remontée, une question persiste : le Nigeria saura-t-il transformer sa puissance retrouvée en prospérité partagée ?

Un colosse bousculé mais debout

Il y a encore peu, le Nigeria semblait enlisé dans une spirale de déclin. Jadis première économie africaine, il avait rétrogradé à la quatrième place, miné par la chute de sa monnaie, l’inflation et la dépendance chronique au pétrole. La crise post-Covid, les fluctuations des cours mondiaux et les tensions internes avaient érodé la confiance des investisseurs.

Mais Abuja a décidé de rompre avec l’immobilisme. Sous la présidence de Bola Tinubu, élu en 2023, le gouvernement a choisi la voie la plus risquée : celle de la réforme de choc. Les subventions sur le carburant — un gouffre financier — ont été supprimées, provoquant une flambée immédiate des prix. En parallèle, la libéralisation du naira a mis fin à des années de contrôle des changes, au prix d’une dépréciation brutale de la monnaie.

Ces décisions ont été douloureuses pour les ménages, mais elles ont restauré un minimum de crédibilité macroéconomique. La production pétrolière, stabilisée autour de 1,6 million de barils par jour, et la hausse des cours mondiaux offrent désormais à Abuja des marges de manœuvre budgétaires inédites depuis une décennie.

Le retour de la confiance

Le FMI prévoit une croissance de 3,9 % en 2025, signe que les fondamentaux se redressent après des années de stagnation. Le pays attire à nouveau les investisseurs étrangers, notamment dans l’énergie, le numérique et les infrastructures.

Mais cette confiance reste fragile. Le Nigeria ne figure toujours pas parmi les économies africaines à la croissance la plus rapide — un classement dominé par le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie ou le Rwanda. Sa progression s’explique moins par la vitesse de sa croissance que par la taille et le poids de son économie. Avec plus de 220 millions d’habitants, le Nigeria reste un marché continental incontournable.

Une puissance économique, une fragilité sociale

Le redressement du Nigeria se heurte toutefois à une réalité implacable : la pauvreté de masse. Près de 40 % des Nigérians vivent encore sous le seuil de pauvreté. L’inflation, qui a dépassé 27 % en 2025, ronge les revenus des ménages, tandis que le chômage des jeunes demeure endémique.

Dans les rues de Lagos comme d’Abuja, la colère sourd. Les classes moyennes, déjà fragilisées par la pandémie, peinent à suivre la cadence des prix. Le risque d’un mécontentement social durable plane, à moins que la croissance retrouvée ne se traduise par des emplois et des services publics tangibles.

« Les réformes de Tinubu sont un pari : elles peuvent sauver l’économie, mais elles peuvent aussi fracturer la société », résume un économiste nigérian.

Le pétrole, bénédiction et malédiction

L’or noir, moteur de la reprise, reste aussi le talon d’Achille du pays. La hausse des revenus pétroliers a dopé les recettes publiques, mais cette dépendance structurelle expose encore le Nigeria aux aléas des marchés mondiaux et à la transition énergétique.

Le FMI insiste : diversifier l’économie est la clé de la stabilité à long terme. L’agriculture, les télécommunications et les services financiers offrent un potentiel considérable. Mais les obstacles persistent : infrastructures défaillantes, corruption endémique, lenteur administrative et insécurité chronique dans le nord du pays.

Un rebond dans un monde fracturé

Ce redressement survient dans un environnement mondial incertain. La croissance planétaire ralentit, les tensions géopolitiques s’aggravent et le protectionnisme refait surface. Dans ce contexte, le FMI prévoit une recomposition du pouvoir économique mondial : l’Asie — emmenée par la Chine et l’Inde — devrait dépasser l’Amérique du Nord comme première région économique d’ici la fin de la décennie.

L’Afrique, elle, avance à deux vitesses. Tandis que certaines économies francophones stabilisent leur trajectoire grâce à la discipline monétaire de la zone CFA, d’autres, comme le Nigeria, parient sur la réforme interne et la résilience démographique.

La bataille du réel

Pour Abuja, l’enjeu dépasse la simple reconquête du podium. Il s’agit désormais de prouver que la puissance économique peut devenir puissance sociale. Une économie de 334 milliards de dollars ne vaut rien si elle ne crée pas d’opportunités pour sa jeunesse.

Le Nigeria a souvent été décrit comme « le géant aux pieds d’argile » de l’Afrique. En 2026, il pourrait bien redevenir le géant tout court — à condition de transformer les chiffres du FMI en espoir concret.


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