Facebook
LinkedIn
X

ANALYSE – Lindsey Graham, l’ombre de l’OTAN et l’Opération Toile d’araignée : Une escalade sous l’impulsion des néoconservateurs américains ?

Lindsay Graham et de Richard Blumenthal ci-dessous, en train de rire et se frottant les mains de satisfaction
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Giuseppe GaglianoPrésident du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

L’attaque audacieuse et simultanée contre cinq bases aériennes russes, visant des bombardiers stratégiques Tupolev Tu-95 et Tu-22M à l’aide de drones quadricoptères, a marqué un tournant dans le conflit ukrainien. Baptisée « Opération Toile d’araignée », cette offensive d’une ampleur inédite a été revendiquée par Kiev comme une prouesse purement ukrainienne, planifiée sur « un an, six mois et neuf jours », selon les mots du président Volodymyr Zelensky. 

Pourtant, derrière les déclarations triomphantes et les récits d’autonomie héroïque, une question persiste : comment une opération aussi complexe aurait-elle pu être menée sans l’implication, directe ou indirecte, des puissances occidentales, et notamment de l’OTAN ? Et pourquoi le sénateur américain Lindsey Graham, figure emblématique des néoconservateurs, se trouvait-il à Kiev quelques heures avant cette attaque spectaculaire ?

Une visite qui ne doit rien au hasard

La présence de Lindsey Graham dans la capitale ukrainienne, accompagné du sénateur démocrate Richard Blumenthal, n’a rien d’anodin. Ce n’est pas la première fois que ce « faucon » républicain foule le sol ukrainien pour afficher son soutien indéfectible à Kiev. Dès 2017, aux côtés de John McCain et Amy Klobuchar, Graham s’était rendu sur la ligne de front à Shyrokyne, près de Mariupol, pour galvaniser les troupes ukrainiennes en déclarant : « Votre combat est notre combat. » Huit ans plus tard, son discours n’a pas changé. À peine l’Opération ukrainienne exécutée, Graham s’est empressé de célébrer sur X : « L’Ukraine, toujours ingénieuse, a utilisé des tactiques innovantes de guerre par drones pour frapper avec succès les bombardiers russes et les actifs militaires qui tuent des citoyens ukrainiens et détruisent leur pays. » Une déclaration qui, loin d’être spontanée, semble soigneusement calibrée pour amplifier la pression sur Moscou.

Mais ce qui intrigue, c’est le timing. Quelques heures avant l’attaque, Graham discutait avec Zelensky de sanctions contre la Russie et des pourparlers de paix prévus à Istanbul. Officiellement, l’administration Trump n’aurait pas été informée de l’Opération Toile d’araignée, selon Axios, citant un responsable ukrainien et un officiel américain. Cette affirmation soulève un sourcil. Comme l’a justement relevé le journaliste américain Michael Tracey, il est difficile de croire qu’une opération planifiée sur plus d’un an et demi ait pu échapper aux radars des services de renseignement américains, qui fournissent à l’Ukraine des données en temps réel, des images satellitaires et un soutien logistique depuis le début du conflit. L’idée d’une Ukraine agissant en parfaite autonomie semble plus proche du récit héroïque que de la réalité géopolitique.

L’OTAN dans l’ombre ?

L’Ukraine a certes développé une expertise remarquable dans l’utilisation des drones et des tactiques asymétriques, mais sa dépendance envers l’Occident reste indéniable. Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont fourni à Kiev des ressources cruciales : intelligence militaire, technologies avancées, formation. Une attaque de l’ampleur de l’Opération Toile d’araignée, visant des cibles stratégiques au cœur du dispositif militaire russe, requerrait une coordination et des moyens qui dépassent les capacités isolées de l’Ukraine. Les témoignages sur l’implication d’experts occidentaux dans la planification des opérations ukrainiennes se multiplient, et il devient de plus en plus ardu de soutenir la thèse d’une action purement ukrainienne.

Lindsey Graham, en fervent partisan de l’atlantisme, incarne cette connexion entre Kiev et l’Occident. Sa visite à Kiev, suivie d’un déplacement à Bruxelles pour rencontrer Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, révèle une coordination transatlantique qui dépasse le simple cadre diplomatique. Von der Leyen, lors de cette rencontre, a salué l’engagement de Graham à « intensifier la pression sur la Russie » à travers le projet de loi bipartisan « Sanctioning Russia Act of 2025 ». Ce texte, soutenu par plus de 80 sénateurs, propose des sanctions sévères contre Moscou et des droits de douane de 500 % sur les pays achetant du pétrole, du gaz ou de l’uranium russes, ciblant notamment la Chine et l’Inde. Une mesure qui, si elle était appliquée, risquerait de déclencher une guerre commerciale mondiale aux conséquences imprévisibles.

À lire aussi : Le sommet de l’OTAN du 9 juillet 2024 : un moment décisif où Biden devait convaincre de son aptitude à exercer les fonctions

Un faucon en roue libre ?

Ce qui rend l’action de Graham particulièrement troublante, c’est son autonomie apparente vis-à-vis de la Maison Blanche. Alors que le président Donald Trump affiche une certaine réticence à imposer de nouvelles sanctions, préférant privilégier des négociations pour un cessez-le-feu, Graham semble jouer sa propre partition. Sa rhétorique belliqueuse contraste avec la prudence tactique de Trump, qui a récemment critiqué les escalades inutiles tout en maintenant un canal de dialogue avec Vladimir Poutine. Cette divergence met en lumière une fracture au sein de l’establishment américain : d’un côté, les néoconservateurs comme Graham, qui prônent une confrontation sans compromis avec la Russie ; de l’autre, une frange plus réaliste, incarnée par Trump, qui cherche à éviter une escalade incontrôlable.

Graham, en s’alignant sur des figures comme Ursula von der Leyen, semble également refléter une convergence entre les « faucons » américains et l’élite européenne, qui voit dans la guerre en Ukraine une opportunité pour renforcer l’unité transatlantique et marginaliser la Russie. Von der Leyen, en soutenant publiquement les initiatives de Graham, envoie un message clair : l’Union européenne et les néoconservateurs américains partagent une vision commune, celle d’un durcissement sans relâche contre Moscou, même au risque de compliquer les efforts de paix.

Les sanctions : Une arme à double tranchant

Le projet de loi défendu par Graham et Blumenthal promet de « mettre la Russie sur une île commerciale », mais à quel prix ? Imposer des tarifs de 500 % sur les pays achetant des hydrocarbures russes pourrait effectivement asphyxier l’économie de guerre de Poutine, mais cela provoquerait également des répercussions économiques majeures pour les alliés des États-Unis, y compris en Europe. 

L’Espagne, par exemple, importe du gaz naturel liquéfié russe, tout comme d’autres pays européens. Une telle mesure risquerait de fracturer l’unité occidentale, déjà mise à rude épreuve par les divergences sur la gestion du conflit ukrainien.

De plus, cibler la Chine et l’Inde, principaux acheteurs du pétrole russe, pourrait plonger les États-Unis dans une guerre commerciale avec deux puissances économiques majeures. Comme l’a souligné le sénateur Rand Paul, un tel projet pourrait provoquer « une calamité économique d’une ampleur jamais vue » aux États-Unis, en augmentant les prix pour les consommateurs américains et en fragilisant les relations avec des partenaires stratégiques. L’ironie est que, sous couvert de punir la Russie, ces sanctions pourraient affaiblir davantage l’Occident que leur cible initiale.

Une guerre sans fin ?

L’Opération Toile d’araignée et la croisade de Lindsey Graham pour des sanctions toujours plus dures soulèvent une question fondamentale : cherche-t-on réellement la paix en Ukraine, ou l’objectif est-il de prolonger un conflit qui sert des intérêts géopolitiques plus larges ? La rhétorique de Graham, qui qualifie Poutine de « voyou » et appelle à « faire payer un prix » à la Russie, semble moins motivée par le désir de mettre fin à la guerre que par une volonté de maintenir une posture de confrontation avec ce qu’il appelle « l’axe du mal » – Russie, Chine, Iran.

Dans ce contexte, l’enthousiasme de Zelensky pour l’Opération ukrainienne et le soutien de figures comme Graham et von der Leyen laissent peu de place à l’optimisme quant à une issue négociée. Les pourparlers d’Istanbul, prévus le lendemain de la visite de Graham à Kiev, se sont soldés par un échec, la Russie exigeant des concessions territoriales et une neutralité ukrainienne que Kiev refuse catégoriquement. Pendant ce temps, les frappes de drones et les sanctions proposées continuent d’alimenter une spirale d’escalade, où chaque acteur semble jouer son propre jeu, au détriment des populations ukrainienne et russe.

Pour Roland Lombardi, le directeur de la rédaction du Diplomate média : « comme je l’avais prédit dans un de mes éditos, Trump doit faire face à des défis herculéens et à des adversaires, assommés par sa victoire de novembre mais encore très coriaces. Et on le voit déjà avec la Chine et avec son impuissance, en dépit de sa volonté, pour stopper la guerre en Ukraine ; il était prévisible que Pékin ne se laisserait pas faire. Comme également les puissants États profonds américains et occidentaux qui veulent son échec et surtout faire perdurer un système qui préserve les intérêts personnels de beaucoup d’ennemis du président américain et donc du redressement occidental… Les écuries d’Augias ne sont pas encore totalement nettoyées… En Ukraine, Trump et son équipe – qui n’étaient pas au courant des dernières attaques ukrainiennes sur le territoire russe ! – ne semblent pas parvenir, malgré leurs efforts, à tenir leurs troupes. Certains néoconservateurs, esseulés dans la nouvelle administration mais encore actifs, soutenus par le puissant et incontournable complexe militaro-industriel américain, absolument sourds à la politique étrangère voulue par la Maison Blanche, poussent dangereusement, de manière totalement indépendante, Zelenski et les dirigeants européens à faire capoter les négociations en cours et donc à la poursuite de la guerre, quitte à risquer une 3e guerre mondiale… Â»

À lire aussi : Ordre ou désordre international ? L’Amérique et ses ennemis


#UkraineWar,#OpérationToileDAraignée,#Tu95,#Tu22M,#Kiev,#Zelensky,#LindseyGraham,#Russie,#NATO,#OTAN,#USPolitics,#DroneAttack,#Geopolitics,#GuerreEnUkraine,#UkraineVsRussia,#BaseMilitaire,#Tupolev,#Blumenthal,#VonDerLeyen,#SoutienOccidental,#EspionnageMilitaire,#SanctionsRussie,#SanctioningRussiaAct,#GuerreParDrones,#DronesMilitaires,#EspionnageOTAN,#TrumpVsGraham,#Néoconservateurs,#TactiquesMilitaires,#ConflitUkrainien,#USAUkraine,#ConflitGéopolitique,#GuerreCommerciale,#RussieChineInde,#DronesDeCombat,#GuerreDeLInformation,#TrumpUkraine,#UEvsRussie,#CyberGuerre,#StratégieMilitaire

Le Diplomate Logo

Inscrivez-vous pour recevoir chaque semaine toutes les actualitées.

Ce champ est nécessaire.

Nous ne spammons pas ! Consultez nos CGU pour plus d’informations.

Retour en haut