
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.
Alors que les forces russes progressent sur plusieurs fronts, de Koursk à Pokrovsk, de Toretsk à Chasiv Yar, l’inquiétude grandit parmi les alliés occidentaux de Kiev et au sein même du gouvernement ukrainien. La situation militaire, loin d’être favorable à l’Ukraine, continue de se détériorer, remettant en question bon nombre de certitudes qui ont été présentées à l’opinion publique comme des vérités incontestables pendant des mois.
Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, insiste sur la nécessité de fournir à Kiev la formation et l’équipement nécessaires pour “prolonger le combat et l’emporter”. Cependant, au sein même des rangs ukrainiens, les évaluations sont bien moins optimistes.
Un pays à bout de souffle
L’ancienne porte-parole de Zelensky, Yuliya Mendel, décrit une Ukraine de plus en plus proche de l’effondrement : une économie en ruine, des millions de citoyens ayant fui le pays et la reconquête des territoires occupés qui semble désormais hors de portée de l’armée ukrainienne. Les illusions entretenues pendant deux ans par certains récits sur les réseaux sociaux se heurtent maintenant à une réalité brutale : le pays n’a plus la force de soutenir une guerre à grande échelle.
Il n’est donc pas surprenant que l’hypothèse d’un cessez-le-feu commence à circuler même au sein du gouvernement. Selon des sources ukrainiennes, Kyrylo Boudanov, chef des services de renseignement de Kiev, aurait suggéré la nécessité d’entamer des négociations avec Moscou avant l’été pour éviter la dissolution de l’État ukrainien. Le gouvernement a officiellement démenti ces rumeurs, mais leur simple existence est révélatrice de la gravité de la situation.
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Le plan de paix de Trump : Un tournant possible ?
Parallèlement, des rumeurs se multiplient au sujet d’un éventuel plan de paix élaboré par l’administration Trump sous la supervision du général Keith Kellogg. Ce plan prévoirait une neutralité de l’Ukraine pendant au moins dix ans, en échange d’une assistance militaire continue des États-Unis et de l’OTAN. Kiev renoncerait à la perspective d’adhérer à l’Alliance atlantique, tandis que l’Union européenne prendrait en charge la reconstruction du pays avec un objectif d’intégration d’ici 2030.
Sur le plan territorial, le plan ne reconnaîtrait pas officiellement l’annexion à la Russie de la Crimée, du Donetsk, du Louhansk, de Zaporijjia et de Kherson, mais le gouvernement ukrainien s’engagerait à ne pas modifier le statu quo. Les sanctions contre Moscou seraient progressivement levées, tandis qu’une taxe sur les exportations énergétiques russes contribuerait au financement de la reconstruction de l’Ukraine. En outre, Kiev serait appelée à organiser des élections législatives d’ici août 2025, afin de résoudre la question de la légitimité de la présidence de Zelensky, dont le mandat est techniquement arrivé à son terme.
Le plan ne prévoit pas le déploiement de troupes européennes en Ukraine, une demande considérée comme essentielle par Zelensky pour la sécurité du pays, mais catégoriquement rejetée par le Kremlin.
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Pressions et chantages : L’avenir incertain de l’Ukraine
Si la Russie refusait cet accord, les États-Unis menacent d’alourdir encore les sanctions et d’obliger les Européens à augmenter massivement leurs dépenses militaires pour faire pression sur Moscou. Si, en revanche, c’était Kiev qui rejetait le plan, Washington interromprait immédiatement son aide militaire, laissant l’Ukraine encore plus exposée à la supériorité militaire russe.
En parallèle, les signes de tension interne en Ukraine se multiplient. Le problème le plus grave concerne le manque de troupes : le nombre de volontaires est désormais proche de zéro et les nouvelles recrues sont souvent enrôlées de force et envoyées sur le front sans formation adéquate. Le taux de désertion est élevé et le moral des soldats est au plus bas. Même des officiers, sous couvert d’anonymat, admettent dans la presse anglo-saxonne que de nombreux soldats meurent dans les premières heures ou jours après leur déploiement.
Pour aggraver encore la situation, l’administration américaine exerce une pression sur Kiev pour abaisser l’âge de la conscription de 25 à 18 ans. La mesure a été approuvée par le Parlement ukrainien, mais elle n’a pas encore été mise en œuvre, probablement par crainte de provoquer des révoltes internes. La population est de plus en plus révoltée : selon des sources ukrainiennes, en 2024, au moins 350 patrouilles de recruteurs auraient été attaquées ou incendiées par des citoyens.
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Une OTAN fragilisée ?
La guerre en Ukraine ne met pas seulement à rude épreuve Kiev, mais aussi l’OTAN elle-même. L’unité de l’Alliance, souvent mise en avant comme étant solide et inébranlable, commence à se fissurer face aux conséquences économiques et stratégiques du conflit.
Au sein de l’Union européenne, les divisions s’accentuent. La Pologne, par exemple, s’oppose ouvertement à l’Allemagne sur la question énergétique. Varsovie a demandé la destruction définitive du gazoduc Nord Stream pour éviter que Berlin ne puisse le réactiver et reprendre l’importation de gaz russe à bas prix. Une déclaration qui sonne comme une hostilité déclarée envers l’Allemagne et qui confirme à quel point les équilibres européens sont en train de changer rapidement.
Par ailleurs, le Danemark a autorisé une société allemande contrôlée par Gazprom à sécuriser la section intacte de Nord Stream, un signal qui pourrait annoncer un retour des approvisionnements en gaz russe en cas d’accord avec Moscou. Le gaz bon marché a été pendant des années le moteur de la croissance industrielle européenne, et sans lui, l’industrie manufacturière, en particulier en Allemagne et en Italie, souffre énormément.
Cette guerre a donc des effets dévastateurs bien au-delà de l’Ukraine. Elle met en évidence les contradictions de l’OTAN, exacerbe les divisions entre les États européens et démontre, une fois de plus, à quel point l’Europe dépend des décisions de Washington.
Les États-Unis, qui pourraient changer de stratégie en quelques mois, n’ont jamais considéré les Ukrainiens comme une priorité stratégique. Tout comme les Afghans, les Irakiens ou les Vietnamiens avant eux. Si l’administration américaine décide que la guerre ne sert plus ses intérêts, Kiev se retrouvera soudainement seule, avec une armée épuisée et un pays en ruine.
Pendant ce temps, la Russie continue d’avancer, tandis que les dirigeants européens persistent dans une rhétorique de plus en plus déconnectée de la réalité. Parler encore de victoire ukrainienne relève désormais de l’illusion, bonne pour les discours officiels et les conférences de presse. Mais la guerre, comme toujours, ne se gagne pas avec des mots.
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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d’étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l’accent sur la dimension de l’intelligence et de la géopolitique, en s’inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/
avec l’Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l’Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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