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TRIBUNE – L’absence de Xi Jinping au sommet des BRICS à Rio : Un silence révélateur

Les dirigeants des BRICS posent pour la photo officielle du sommet de Rio 2025. Une chaise vide symbolise l’absence remarquée de Xi Jinping, sur fond de tensions sino-indiennes croissantes.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Les grandes relations internationales se jouent autant sur les mots que sur les silences. Et parfois, sur les absences. Celle de Xi Jinping au sommet des BRICS à Rio de Janeiro, fin juin 2025, n’est pas passée inaperçue. Pour la première fois depuis la fondation du groupe en 2009, le président chinois n’a pas pris part à l’événement, ni physiquement, ni même par visioconférence. Une dérobade diplomatique qui, loin d’être anodine, dit beaucoup des nouvelles tensions et recompositions qui traversent le Sud global.

Officiellement, la Chine a invoqué un agenda trop chargé et la répétition des rencontres bilatérales avec le président brésilien Lula da Silva, rencontré deux fois en moins d’un an. Officieusement, tout indique que Pékin n’a guère goûté l’accueil réservé à un autre membre du club : le Premier ministre indien Narendra Modi. Ce dernier, en visite au Brésil pour la première fois depuis plus de cinquante ans, a été reçu avec les honneurs d’une visite d’État et un dîner officiel offert par Lula lui-même. Un geste fort, presque provocateur, dans le contexte d’une rivalité sino-indienne que ni les sommets, ni les formules diplomatiques ne parviennent réellement à apaiser.

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Pékin évite de jouer les figurants

Derrière ce retrait, se dessine une ligne stratégique claire. Xi n’a pas voulu apparaître comme un acteur secondaire dans une réunion où le Premier ministre indien était, de fait, la figure de proue. L’Inde s’affirme, dans les BRICS comme ailleurs, comme une puissance autonome, courtisée par Washington, écoutée à Moscou, respectée à Pretoria. Loin d’un alignement automatique, elle cultive une diplomatie de l’entre-deux, oscillant entre alliances tactiques et revendication d’indépendance.

Or, pour Pékin, cette visibilité grandissante de l’Inde est une source de crispation. La rivalité stratégique entre les deux géants asiatiques est ancienne : elle se joue aux frontières himalayennes, dans les océans, dans les enceintes multilatérales. Pékin soupçonne New Delhi d’instrumentaliser les BRICS pour peser davantage dans l’architecture du Sud global, tandis que l’Inde voit dans la Chine un partenaire encombrant, parfois dominateur, et trop souvent aligné sur les intérêts russes ou iraniens à son détriment.

Dans ce contexte, la décision de Xi Jinping de ne pas se rendre à Rio prend tout son sens. Il ne s’agit pas d’un désintérêt pour les BRICS — la Chine continue d’y investir diplomatiquement et économiquement — mais d’un refus d’endosser un rôle secondaire dans une pièce où elle considère encore détenir le premier rôle.

Lula redessine les équilibres

Mais au-delà de la relation bilatérale sino-indienne, c’est le jeu de Lula da Silva qui mérite attention. Depuis son retour au pouvoir, le président brésilien s’efforce de redonner à son pays une stature internationale. Il se veut le porte-voix du Sud global, défenseur d’un ordre mondial plus juste, moins polarisé, moins dominé par le binôme Pékin-Washington. Dans cette perspective, l’Inde représente un partenaire de choix.

En offrant à Modi les égards d’une visite d’État, Lula envoie un signal clair : le Brésil ne veut plus être l’objet d’une rivalité entre grandes puissances, mais un acteur autonome capable de redéfinir ses alliances. Historiquement oscillant entre la Chine et les États-Unis, Brasilia cherche aujourd’hui à élargir le spectre. Avec l’Inde, elle trouve un partenaire du Sud qui partage certaines valeurs démocratiques, qui n’a pas de visée impériale en Amérique latine, et dont la diplomatie reste souple, adaptative, non intrusive.

Ce choix n’est pas sans calculs internes non plus. Lula, perçu comme proche de l’administration Biden, sait qu’il doit ménager une opinion publique brésilienne de plus en plus sensible à la montée de la Chine sur son sol — qu’il s’agisse des télécoms, des terres agricoles ou des ports. En se rapprochant de l’Inde, il rééquilibre subtilement son positionnement et gagne en marge de manœuvre. Ce n’est pas un alignement, c’est une ouverture.

Les BRICS : Un équilibre de plus en plus instable

Cet épisode révèle aussi les tensions croissantes au sein même des BRICS. Loin de l’image d’un groupe soudé de pays émergents unis par une volonté de réforme du système international, l’alliance apparaît de plus en plus comme un agrégat hétérogène de puissances aux intérêts parfois contradictoires.

La Chine domine par le poids économique. L’Inde brille par sa croissance démographique et technologique. Le Brésil veut jouer les arbitres. L’Afrique du Sud et la Russie y trouvent surtout un relai pour exister diplomatiquement. Et derrière le vernis du consensus, les rivalités s’aiguisent.

L’absence de Xi Jinping, aussi tactique soit-elle, a donc des effets très concrets. Elle affaiblit temporairement la centralité chinoise au sein du groupe. Elle renforce l’image d’un Modi capable de dialoguer avec tous. Et elle permet à Lula de rappeler que le Brésil n’est ni une arrière-cour, ni une pièce d’échiquier entre Washington et Pékin.

Ce sommet des BRICS à Rio a marqué un tournant silencieux, mais significatif. Le refus de Xi d’y participer, loin d’être anodin, souligne la complexité croissante des relations Sud-Sud. Le Sud global n’est plus un bloc homogène. C’est un champ de forces mouvantes, où les équilibres se font et se défont au gré des alliances, des perceptions et des symboles.

Dans ce monde nouveau, les silences diplomatiques parlent autant que les déclarations. Et l’absence de Xi à Rio restera, à n’en pas douter, un jalon important dans la reconfiguration du multipolarisme mondial.

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