ANALYSE – La guerre au Soudan : Un tournant décisif et ses répercussions régionales

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Guerre au Soudan
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Après près de deux années de conflit, la guerre au Soudan semble prendre une nouvelle tournure.

Jour après jour, l’armée soudanaise (SAF), sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhan, progresse face aux Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti.

Le conflit, marqué par une complexité ethnique, sociale et géopolitique, est également influencé par l’ingérence de plusieurs puissances régionales et internationales, souligne Leslie Varenne, auteur du livre très remarqué :Emmanuel au Sahel, Itinéraire d’une défaite, publié en 2024,aux éditions Max Milo.

L’évolution du conflit : Les SAF en position de force

Depuis le 15 avril 2023, deux camps s’affrontent au Soudan. Les SAF, soutenues initialement par l’Égypte et la Turquie, ont vu leur appui renforcé par la Russie et l’Iran. Face à elles, les RSF, bénéficiant de l’appui des Émirats arabes unis, du Tchad, de la Libye du maréchal Haftar et plus récemment de la Centrafrique, ont progressivement perdu du terrain.

Ces dernières semaines, l’armée soudanaise a remporté des victoires stratégiques. Elle a repris le nord de Khartoum et continue d’avancer dans la capitale. Par ailleurs, la libération partielle du Nord-Kordofan lui ouvre la voie vers le Sud-Darfour, une région cruciale pour la suite du conflit.

La bataille finale pourrait bien se jouer au Darfour, où les RSF tiennent encore la majorité du territoire à l’exception d’Al-Fasher, la capitale régionale. La chute de cette ville marquerait un point de non-retour pour Hemedti, qui envisagerait une partition du pays en cas de défaite totale. Toutefois, de nombreux observateurs doutent de la capacité des RSF à tenir durablement le Darfour. En effet, elles manquent de logistique, de base arrière et de soutien aérien, des facteurs déterminants dans une guerre d’usure.

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L’engagement du Tchad : Un pari risqué pour Mahamat Déby

Face aux avancées des SAF, le Tchad, dirigé par Mahamat Déby, se retrouve dans une situation inconfortable. Officiellement neutre au début du conflit, son soutien à Hemedti est devenu évident au fil des mois. Pourtant, ce choix est paradoxal. Les RSF sont issues des Janjawid, une milice responsable d’atrocités contre les ethnies Four, Massalite et Zaghawa, qui ont des liens étroits avec la population tchadienne.

Le soutien de Mahamat Déby aux RSF a engendré des tensions internes. L’armée tchadienne, largement dominée par les Zaghawas, se divise. Certains militaires ont déserté pour rejoindre les rangs de l’armée soudanaise. La société tchadienne elle-même est fracturée. L’opposant Yaya Dillo, après une visite à Port-Soudan où il a rencontré des représentants d’al-Burhan, a été tué peu après son retour à Ndjamena, en février 2024. Son frère, Ousmane Dillo, combat aujourd’hui aux côtés des SAF.

Les raisons du pari de Déby sur Hemedti sont multiples. D’une part, ses origines Gorane, différentes du puissant clan Zaghawa, influenceraient ses alliances. D’autre part, des proches influents, tels que le maire d’Amdjarass et certains hauts responsables de la sécurité, soutiennent les RSF. Mais la raison principale semble être financière : les Émirats arabes unis injectent des fonds massifs pour soutenir les RSF, transformant le Tchad en base arrière de la milice. Matériel militaire, drones, véhicules et carburant transitent par Amdjarass et Adré, générant d’importants profits pour le régime tchadien.

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Un avenir incertain pour Ndjamena

L’affaiblissement des RSF inquiète Mahamat Déby. En octobre 2024, le chef d’état-major soudanais a menacé de s’en prendre au Tchad une fois la guerre contre les RSF terminée. En janvier 2025, Déby a envoyé un émissaire en Égypte pour tenter une négociation avec al-Burhan, sans succès.

Plutôt qu’une intervention directe de l’armée soudanaise, ce sont les rebelles tchadiens basés au Soudan qui pourraient menacer le pouvoir en place.

Sur les réseaux sociaux, des rumeurs d’attaques imminentes circulent, confirmées par certaines sources tchadiennes. Si Ndjamena venait à tomber, les RSF perdraient leur principal soutien logistique, accélérant leur effondrement au Darfour.

Historiquement, des rebellions parties du Soudan ont déjà menacé la capitale tchadienne, notamment en 2006 et 2008. Mais cette fois-ci, le contexte est différent. Mahamat Déby ne possède ni l’expérience ni l’habileté politique de son père.

 De plus, la France, qui avait sauvé le régime en 2008, a retiré ses dernières troupes du Tchad le 30 janvier 2025. Si la Turquie a rapidement pris leur place à Abéché et Faya-Largeau, elle n’a pas vocation à intervenir militairement. Ironie du sort, Ankara soutient aussi al-Burhan.

La guerre au Soudan entre dans une phase décisive qui pourrait avoir des conséquences régionales majeures. Le régime tchadien, en misant sur Hemedti, s’est placé dans une position dangereuse. Déstabilisé de l’intérieur et menacé par une offensive externe, Mahamat Déby devra naviguer avec prudence pour préserver son pouvoir.

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