TRIBUNE – Soudan : La guerre des ombres et des hypocrisies

Shares
© UNFPA
Des femmes à l'entrée d'une clinique gérée par l'UNFPA pour le traitement de la malnutrition et pour la santé maternelle à Tawila, dans l'ouest du Soudan.
© UNFPA – Des femmes à l’entrée d’une clinique gérée par l’UNFPA pour le traitement de la malnutrition et pour la santé maternelle à Tawila, dans l’ouest du Soudan.

Par David Saforcada

Le Soudan brûle. Dans l’indifférence du monde, un pays de 45 millions d’habitants s’enfonce dans un enfer sans issue. Depuis avril 2023, deux généraux — Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée soudanaise (SAF), et Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR) — s’affrontent pour le pouvoir.

Mais derrière ces uniformes se cache bien plus qu’une simple lutte d’ambition : c’est tout un échiquier d’intérêts, de complicités et de cynismes régionaux qui se joue sur le dos des civils.

Un pays pris en otage

L’armée, institution d’État héritée du régime islamiste d’Omar el-Béchir, se drape dans le manteau de la légitimité nationale. Les FSR, issues des milices Janjaweed responsables des atrocités du Darfour, prétendent défendre les « oubliés » du Soudan périphérique.

En réalité, les deux camps commettent les mêmes crimes : pillages, exécutions sommaires, viols, destructions massives.

Les quartiers de Khartoum, d’El Geneina, de Nyala sont devenus des cimetières à ciel ouvert. Les minorités, dont les chrétiens, subissent le pire : lieux de culte incendiés, populations massacrées, humanitaires pris pour cibles.

Le Soudan, déjà meurtri par des décennies de guerre, revit le cauchemar du Darfour.

À lire aussi : Crise soudanaise : Exclusive Analyse des Coupes de Pouvoir

L’imbroglio des soutiens régionaux

Rien n’est simple dans cette tragédie.

L’Égypte soutient le général Burhan, au nom de la « stabilité » et de la défense de l’État soudanais. Ironie du sort : Le Caire appuie ainsi une armée où l’influence des anciens islamistes du régime Béchir — proches des Frères musulmans — demeure forte. Le maréchal Sissi, qui pourchasse ces mêmes Frères musulmans sur son propre sol, les retrouve donc, par calcul géopolitique, comme alliés de circonstance à Khartoum.

De l’autre côté, les Émirats arabes unis, ennemis jurés de l’islam politique, apportent un soutien discret mais réel aux FSR de Hemetti. Pourquoi ? Parce que le chef paramilitaire contrôle l’or du Darfour, ressource vitale pour Dubaï.

Le Tchad et le Soudan du Sud oscillent entre prudence et implication tacite, tandis que la Russie, à travers le groupe Wagner, a longtemps courtisé Hemetti pour ses mines d’or et ses routes vers la Centrafrique.

La guerre du Soudan est devenue une guerre par procuration, où chaque capitale défend ses intérêts au détriment des Soudanais.

À lire aussi : ANALYSE – Le réalignement stratégique du Soudan en pleine tourmente interne

L’indignation sélective du monde

Le silence de la communauté internationale est assourdissant.

Les capitales occidentales, obsédées par l’Ukraine et Gaza, regardent ailleurs.

L’Union africaine condamne sans agir.

Les Nations unies, paralysées, peinent à acheminer l’aide humanitaire.
Pendant ce temps, plus de 10 millions de personnes ont fui leurs foyersdes dizaines de milliers ont été tuées, et la famine guette.

Les témoignages de civils affamés, de femmes violées, d’enfants enterrés dans les décombres circulent à peine, noyés dans l’indifférence globale.

À lire aussi : L’ombre de la Russie sur la mer Rouge : L’accord naval soudano-russe signé

Le devoir de lucidité et de courage

Ce conflit n’est pas seulement une guerre de généraux.
C’est le miroir d’un monde où les puissants commercent avec les bourreaux, où la realpolitik étouffe la morale, où la mémoire du Darfour n’a servi à rien.
L’Égypte, les Émirats, la Russie, les puissances occidentales : tous portent une part de responsabilité, par leur soutien, leur silence ou leur cynisme.

Il ne s’agit pas de choisir entre Burhan et Hemetti : il s’agit de choisir les civils soudanais, les femmes et les enfants qui n’ont plus ni toit ni voix.

L’histoire jugera la passivité des États qui ont laissé s’installer un nouveau génocide à bas bruit.

À lire aussi : ANALYSE – Guerre au Soudan : Carrefour des tensions géopolitiques régionales mais pas que…

Un appel à la conscience

Le Soudan n’a pas besoin de discours, mais d’un sursaut moral.
D’un cessez-le-feu véritable, d’un accès humanitaire garanti, d’un embargo sur les armes.
Et d’une enquête internationale indépendante sur les crimes commis, quels qu’en soient les auteurs.

Parce qu’au Soudan, ce n’est pas seulement un peuple qu’on assassine.
C’est notre humanité que l’on enterre sous les « ruines de Khartoum ».

À lire aussi : ANALYSE – Guerre au Soudan : Vers un point de bascule ?


#Soudan, #GuerreAuSoudan, #Khartoum, #Darfour, #Afrique, #ConflitAfricain, #CriseHumanitaire, #CivilsSoudanais, #Burhan, #Hemetti, #FSR, #ArméeSoudanaise, #ONU, #UnionAfricaine, #DroitsHumains, #Réalpolitik, #Géopolitique, #RussieAfrique, #ÉmiratsArabesUnis, #Égypte, #Wagner, #Dubaï, #OrDuDarfour, #Tchad, #SoudanDuSud, #Famine, #Exilés, #ViolencesSexuelles, #Massacres, #GénocideSilencieux, #AfriqueDeLEst, #ConflitOublié, #BurhanVsHemetti, #Diplomatie, #IndifférenceInternationale, #CrimesDeGuerre, #PaixAuSoudan, #CessezLeFeu, #Tribune, #DavidSaforcada,

Shares
Retour en haut