ANALYSE – Washington rallume la guerre froide énergétique pour fissurer les BRICS

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Illustration géopolitique montrant un baril de pétrole américain face aux nations des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde), symbolisant la rivalité énergétique mondiale.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Olivier d’Auzon

Par un geste d’apparence technique, les États-Unis tentent de transformer le pétrole en instrument diplomatique. Une vieille ruse de puissance, servie à la sauce Trump.

Washington n’a jamais vraiment cessé de manier l’énergie comme une arme géopolitique. Mais la nouvelle salve de sanctions contre la Russie, les premières du second mandat Trump, porte une ambition bien plus vaste : non pas asphyxier Moscou, mais désarticuler le cœur énergétique du bloc des BRICS, celui formé notamment par la Russie, l’Inde et la Chine.

Sous couvert de « punir l’agression russe », la Maison Blanche vise en réalité à créer des fissures dans la solidarité économique qui, ces dernières années, faisait la force de cette alliance alternative à l’ordre occidental.

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Une stratégie du dilemme

Les stratèges américains savent qu’en matière de pétrole, tout se joue sur la psychologie et les marges. L’Inde et la Chine importent toujours massivement du brut russe, mais leurs liens commerciaux avec Washington restent bien plus vitaux que leurs échanges avec Moscou. Dans un monde où le baril dicte encore la diplomatie, la peur des représailles économiques américaines pèse lourd.

L’équation est simple : payer moins cher l’or noir russe, au risque d’encourir des sanctions secondaires sur leurs banques et industries ; ou payer plus cher ailleurs, pour rester dans les bonnes grâces du géant américain. Résultat : un prisoner’s dilemma à l’échelle planétaire.

Et dans cette partie d’échecs, chaque joueur redoute de voir l’autre — Pékin ou New Delhi — se rapprocher trop vite de Washington. Le calcul devient pervers : mieux vaut obéir à demi, feindre la résistance, et attendre que la tempête médiatique passe.

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Trump, metteur en scène du désordre

Donald Trump n’a jamais caché son obsession : démonter le « mythe BRICS ». À ses yeux, cette coalition n’est qu’une fiction d’analystes, un fantasme de multipolarité brandi contre la suprématie américaine. En exhibant la baisse des importations russes par la Chine (–8 %) et l’Inde (–14 %), Washington entend montrer au monde que l’unité du Sud global est une illusion.

Peu importe que ces réductions soient conjoncturelles. Ce qui compte, c’est le récit : celui d’une Amérique triomphante, capable de fissurer un bloc prétendument anti-occidental. L’image suffit. L’optique remplace la géopolitique.

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Moscou, le survivant du baril

La Russie, elle, n’est pas à court de ressources. Son « opération spéciale » ne s’arrêtera pas pour quelques points de PIB perdus. Le Kremlin dispose encore d’un trésor de guerre confortable et de débouchés asiatiques ou africains qui, même limités, assurent la survie du système. Si l’Inde ou la Chine réduisent leurs achats, d’autres clients — du Golfe à l’Afrique australe — prendront le relais, à prix cassé.

Ce jeu, Moscou le connaît par cœur. Depuis 2014, les sanctions n’ont pas ruiné l’économie russe : elles l’ont rendue plus endurante, plus inventive, parfois même plus cynique.

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L’illusion de la victoire américaine

Washington pourra certes crier victoire dans les colonnes de ses think tanks : les BRICS apparaîtront moins unis, les relations russo-chinoises moins fluides, les échanges énergétiques plus incertains. Mais derrière la vitrine, la structure du monde ne change pas.

L’énergie reste la monnaie de la puissance, et le pétrole n’obéit à aucune bannière. La manœuvre américaine réussira peut-être à fissurer l’image d’un bloc uni — pas à empêcher le réel : un ordre multipolaire qui avance, vaille que vaille, dans le désordre du monde.

En somme, les États-Unis rejouent la vieille partition du pétrole comme instrument de coercition. Mais le monde de 2025 n’est plus celui des années 1970. La géopolitique énergétique a cessé d’être un monopole occidental. Et l’Amérique, en voulant diviser les BRICS, risque bien de leur offrir ce qu’ils cherchent depuis toujours : la preuve que le Sud global existe, précisément parce qu’il dérange.

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