TRIBUNE – La Ve République française, une crise des autorités des administrations politiques et pas une crise du système politique

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Un drapeau français déchiré flotte devant un bâtiment institutionnel classique sous un ciel orageux, symbole de la crise politique et de la fragilité de la Ve République en France.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Mehiedine El Chehimi

L’équipe présidentielle française utilise maintenant la démocratie, pour s’assurer une majorité minimale au gouvernement et pour garantir une période politique calme. Afin d’empêcher les tempêtes de déstabiliser l’Élysée et son président. Tandis que l’opposition la gère afin de créer une majorité spécialisée pour renverser le gouvernement. Ou Le problème français tourne actuellement autour de deux points saillants : l’anonymat de la majorité et la perte de la minorité.

Le gouvernement de Lecornu II a survécu à deux motions de censure différentes. Elle en est encore à ses balbutiements, dans une situation extrêmement fragile et précaire. Le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu marque une étape importante pour la France. Il montre clairement le rôle central que la responsabilité politique a retrouvé dans le fonctionnement institutionnel de la Ve République. 

Son premier gouvernement a marqué un tournant historique dans l’instabilité ministérielle française. Elle est due à l’absence de compromis et à la disparition de la majorité favorable à l’Assemblée nationale. Mais la volonté de former rapidement un gouvernement est un signe de dynamisme. Elle comporte toutefois des défis importants. Elle rend périlleuse la survie d’un gouvernement doté de tous les pouvoirs et limite au maximum sa marge de manœuvre.

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On a ici deux objectifs ressortent clairement dans la gestion française :

  • Le premier est le projet de l’Élysée : il s’efforce de former une majorité hybride et étrange afin de prolonger le mandat du gouvernement et d’assurer la sécurité du régime.
  • Le deuxième objectif concerne les blocs opposés au mandat Macronien : les radicaux de droite et de gauche cherchent à promouvoir et à rallier des majorités disparates, dans le but de renverser le gouvernement et le mandat, quelles que soient leurs politiques.

La droite vise des élections législatives anticipées en s’appuyant sur les sondages d’opinion, qui indiquent une augmentation du mécontentement à l’égard du groupe au pouvoir. Elle exploite cette caractéristique pour accroître sa popularité. La droite se nourrit des troubles et des divergences. Elle mise sur le vote réactionnaire et le sentiment d’injustice.

Alors que La gauche mise sur le chaos pour accroître la pression, quel que soit le prix à payer pour l’Élysée, dans l’espoir de mettre fin au mandat présidentiel avant terme. Elle exploite à cette fin les slogans sociaux et financiers, les aides et les subventions. Elle ignore les principes fondamentaux du gouvernement, mais sait comment s’opposer et manifester.

Pendant cette période, les équipes réparties entre le gouvernement, l’Élysée et l’Assemblée nationale ont décidé de s’engager dans une sorte de conflit, et de suspendre tous les projets qui suscitent la colère des deux camps afin de permettre une sorte de cohabitation tripartite. Certains acteurs espèrent que cette crise parlementaire se transforme en crise du système, ce qui serait beaucoup plus grave.

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La bataille de la motion de censure 

Le concept de motion de censure est récemment passé d’un moyen constitutionnel oublié par le législateur à un mécanisme de concurrence et de défi exclusif. Les élections législatives qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale à l’été 2024 ont constitué un événement important sur le plan politique et constitutionnel. Elles ont représenté une revanche du Parlement, fragmenté et affaibli par le recours constant du gouvernement à l’article 49.3, et à ses empiètements législatifs. La bataille des coalitions gouvernementales s’est intensifiée, se répétant sans systématique en raison du déséquilibre des forces au sein du gouvernement, suite au déséquilibre des considérations entre l’opposition et la loyauté. L’administration française a connu la cohabitation constitutionnelle. Mais elle concernait deux équipes, alors qu’aujourd’hui, la cohabitation concerne plus d’une dizaine de partis, ce qui place la Ve République dans une situation unique et sans précédent.

La présentation de deux motions de censure spontanées et distinctes, constitue une évolution notable dans l’histoire politique française. Cette procédure vise la légitimité politique du pouvoir exécutif, et non le gouvernement en tant que tel. Cela va à l’encontre de l’esprit même de la législation sur les motions de censure dans la Constitution, qui a été mise en place pour contrôler et responsabiliser le gouvernement, et non pour entraver l’action présidentielle.

La Cinquième République a conçu un système visant à empêcher les coups d’État gouvernementaux, grâce à une réglementation stricte de la procédure de motion de censure. Ce système repose sur trois garanties fondamentales :

–    un nombre minimum de signataires requis.

–    un délai de deux jours entre le dépôt de la motion et le vote.

–    la condition d’une majorité absolue pour que la motion soit adoptée.

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La création de la Ve République, qui visait à améliorer le fonctionnement du gouvernement et à simplifier le travail du Parlement, a été couronnée de succès. Elle a notamment permis d’augmenter la durée des mandats et la productivité des gouvernements procéduraux. 

Les équilibres parisiens ont fluctué au gré des changements politiques. Cette structure institutionnelle s’est affaiblie. Elle est devenue incapable d’assurer la stabilité. Les partis traditionnels et centristes qui soutenaient la Constitution de 1958 se sont affaiblis. La bulle extrémiste a éclaté. Les agences nationales se sont alors divisées. Elles ont été submergées par des divisions partisanes qui n’existaient pas auparavant. Cela a contribué à un changement fondamental dans le comportement parlementaire. Il a été marqué par des alliances temporaires et ponctuelles. Elles n’ont pour seul point commun que le mécontentement à l’égard du pouvoir exécutif agissant au nom du président. La proposition de censure législative du gouvernement est devenue l’arme fatale de l’Assemblée nationale. Elle lui permet de maintenir le pouvoir exécutif et présidentiel sous pression constante.

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Une crise politique, et non constitutionnelle

L’administration française est en proie à une crise tenace, qui est politique et non constitutionnelle. Toutes les mesures prises restent conformes sous la loi. Ses institutions sont au bord de divisions politiques profondes. En conséquence, la démocratie a perdu ses principaux éléments constitutifs à savoir la majorité et la minorité. Les voies du gouvernement et du pouvoir ont été ébranlées. Tous les critères de la minorité et de l’opposition se sont perdus dans le chaos. Le problème provient de l’humeur confuse des Français. Il en résulte un parlement dépourvu d’efficacité législative. Tous ses objectifs sont axés sur la manière de réussir à retirer la confiance aux gouvernements successifs de Macron et à entraver sa présidence. Il ne servira à rien au gouvernement de courtiser la gauche et de la mettre en conflit avec elle, afin de faire passer la période ministérielle, ni même d’isoler et de contenir la droite. Il n’y a pas d’autre alternative qu’un retour en force du Parlement avec une majorité relative ou absolue, et une minorité clairement définie et reconnue. C’est grâce à eux que reviennent les avantages d’une vie démocratique stable Et capable de coopérer de manière flexible avec le pouvoir exécutif. Et cela redéfinit radicalement la relation entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. C’est ce qui manque cruellement au contexte politique. C’est pourquoi on continue à parler à Paris de la date et du moment de la chute du gouvernement. Son destin dépend des blocs, qui la guettent à gauche comme à droite. 

Cela conduit à une période politique française toutes houleuse, dans les relations institutionnelles dedans et entre les institutions. En raison du déclin du sectarisme bureaucratique au pouvoir, de l’opposition et de la responsabilité, avec l’apparition d’une phase chaotique de motion de censure pour le simple plaisir de la censure.

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