CHRONIQUE – Anti-wokisme : Offensive américaine, verrouillage français

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Trump à droite l'air fier et arrogant croisant les bras et juste derrière Macron les bras ouverts qui s'interpose et défend des drags queens et wokistes LGBT+ apeurés drpeaux LGBT
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Philippe Pulice

Certes, l’onde de choc provoquée par le retour de Donald Trump était attendue. Mais son intensité dépasse toutes les prévisions. Fidèle à lui-même, le président américain balaie le politiquement correct d’un revers de main et affiche un volontarisme assumé.

Parmi ses cibles prioritaires : le wokisme. Un mouvement militant qui, en quelques années, a profondément imprégné les sociétés occidentales — des universités aux institutions culturelles, en passant par le monde de l’entreprise. Son retour au pouvoir marque aussi celui d’un courant conservateur résolu à mener la contre-offensive. Et ce bras de fer dépasse désormais largement les frontières américaines.

Depuis sa réélection, pas moins de dix décrets visent directement le wokisme. Les attaques sont nombreuses, virulentes, parfois brutales. Pour certains, cela sonne comme la fin annoncée de ce mouvement né aux États-Unis, relativement récent, mais dont l’idéologie sous-jacente remonte aux années 80 et a largement été inspirée par des intellectuels français.

Alors, que constate-t-on sur le terrain ? Des États-Unis à la France, quels sont les premiers signes visibles ? Quels enseignements tirer, pour l’instant, de cette contre-offensive ?

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« Un souci manifeste de marquer les esprits. »

Tous les décrets signés par Donald Trump ont eu un effet immédiat sur l’ensemble des institutions dépendant, de près ou de loin, de l’État fédéral. Certaines lui sont directement rattachées, comme l’armée, les musées nationaux, les départements (équivalents de nos ministères) ou encore des agences telles que la CIA ou le FBI. D’autres en dépendent via des financements fédéraux, ce qui suffit à les soumettre aux nouvelles directives. C’est notamment le cas de certains établissements scolaires et universitaires. 

Ce que l’on retient de ces décrets, c’est une volonté claire de rupture, très concrète, et un souci manifeste de marquer les esprits. Citons, parmi les mesures les plus emblématiques : la fin de la dissociation entre le genre et le sexe biologique dans les documents fédéraux, notamment les passeports ; la remise en cause explicite de la présence des personnes transgenres dans l’armée ; l’interdiction de leur participation aux compétitions sportives organisées par des établissements recevant des fonds fédéraux ; la suppression des programmes DEI (Diversité, Équité, Inclusion), avec le retour affiché au principe de méritocratie dans toutes les institutions concernées ; ou encore l’interdiction de tout financement public destiné à accompagner des transitions de genre chez les mineurs.

L’entrisme de l’idéologie woke…

Ces décrets traduisent aussi une volonté de s’en prendre aux relais de l’idéologie woke, ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent à sa promotion et à sa diffusion. De quelle manière ? D’abord, par l’interdiction de l’enseignement, plus ou moins direct, de la théorie critique de la race (TCR) et de la théorie du genre dans les écoles et universités recevant des deniers fédéraux. Ensuite, par le cordon de la bourse.

En effet, l’un des leviers majeurs mobilisés par l’administration Trump est financier : frapper là où ça fait mal, par la suppression pure et simple des subventions. C’est ce qui s’est produit avec deux piliers historiques du service public médiatique américain : NPR (National Public Radio) et PBS (Public Broadcasting Service). Ces deux entités sont des médias publics non-commerciaux, largement subventionnés par l’État fédéral. NPR est un réseau national de radios, connu pour ses émissions d’information, de débat et de culture. PBS, de son côté, est un réseau de télévision publique reconnu pour ses documentaires, ses programmes éducatifs et ses séries à vocation culturelle.

Durant la présidence Biden, NPR et PBS avaient été accusés à plusieurs reprises de relayer une vision ouvertement militante sur les questions de race, de genre et de sexualité. C’est sur cette base que Donald Trump a signé le décret EO 14290 – Ending Taxpayer Subsidization of Biased Media, mettant fin à tout financement fédéral les concernant directement.

Autre exemple révélateur : l’USAID, l’agence américaine chargée de l’aide au développement à l’international. Là encore, de nombreux programmes intégraient des volets axés sur le genre, l’inclusion ou la diversité — autant d’approches perçues par les conservateurs comme des formes d’exportation idéologique dissimulées sous des objectifs humanitaires. Il ne s’agit pas ici d’un décret présidentiel à proprement parler, mais la démarche s’inscrit pleinement dans la stratégie globale menée par l’administration Trump : réduire ou supprimer tout soutien public à des structures considérées comme des relais de l’idéologie woke, y compris à l’international.

Avec Trump, le changement de cap est net : un audit général a été lancé, visant à identifier tous les financements soutenant des projets liés à cette idéologie. Résultat : plusieurs programmes ont été gelés, ou tout simplement supprimés. Certains partenariats avec des ONG locales ont été rompus, dès lors que leurs actions étaient jugées incompatibles avec les valeurs américaines « traditionnelles ».

L’idée est simple : si une organisation promeut l’idéologie du genre, la théorie critique de la race ou des principes DEI, elle ne doit plus recevoir un centime de l’argent du contribuable américain.

« Il ne s’agit plus de déconstruire, mais de rebâtir. »

Dans le prolongement de cette stratégie, une mesure encore plus radicale a été engagée : la suppression du ministère de l’Éducation, actée par le décret EO 14210 – Improving Education Outcomes by Empowering Parents, States, and Communities. Officiellement, il s’agirait de recentrer les compétences éducatives au niveau des États et de réaliser des économies budgétaires. Mais la réalité est plus profonde. Aux yeux de l’administration Trump, ce ministère est devenu, au fil des années, l’un des principaux relais de l’idéologie woke à l’échelle nationale. Sous les présidences Obama et Biden, il a soutenu l’introduction de la théorie du genre dans les écoles, promu les programmes DEI et encouragé une vision militante des rapports sociaux, dès le plus jeune âge. Sa suppression n’est donc pas un simple geste comptable : c’est un acte politique fort, destiné à démanteler l’infrastructure fédérale qui a permis la diffusion de cette matrice idéologique dans le système éducatif américain.

Enfin, un autre objectif transparaît dans cette série de décrets : la réaffirmation de l’identité nationale. Presque tous les textes signés par Donald Trump concourent à ce dessein. Il ne s’agit pas seulement de rompre avec l’idéologie woke, mais aussi de restaurer une certaine idée de l’Amérique, de ses repères, de son récit collectif. Le décret EO 14253 – Restoring Truth and Sanity to American History – incarne parfaitement cette volonté. Il ordonne la révision des expositions dans les musées publics, la suppression des récits qui divisent, qui victimisent ou qui culpabilisent, et le retour à une lecture plus unificatrice, voire patriotique, de l’histoire américaine. Ce texte prévoit également la reconstruction des monuments déboulonnés au cours des années précédentes. Trump envoie un message clair : il ne s’agit plus de déconstruire, mais de rebâtir. Replacer les figures historiques au cœur du récit national, même controversées, c’est à ses yeux restaurer une mémoire commune, là où le wokisme aurait semé la division.

Une guerre idéologique intense secoue les États-Unis : les États républicains appliquent les décrets de Trump, tandis que les États démocrates engagent des batailles juridiques pour les bloquer. Ce conflit n’est pas nouveau, mais il s’est nettement durci.

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Une culture anti-woke populaire peut-être bien plus efficace que les décrets…

L’élection de Donald Trump a déclenché la montée d’une culture anti-woke populaire, bien plus diffuse – et peut-être plus redoutable – que l’action politique elle-même. Elle est portée par des figures influentes de la culture contemporaine : des youtubeurs comme Matt Walsh, auteur du documentaire What is a Woman?, des humoristes comme Dave Chappelle, qui moque ouvertement les dérives du politiquement correct, ou encore des intellectuels comme Jordan Peterson, dont les critiques de l’idéologie de genre et des politiques identitaires rencontrent un large écho.

Cette culture anti-woke pourrait bien s’avérer plus efficace que les décrets eux-mêmes. Là où les politiques publiques se heurtent à des résistances institutionnelles, cette vague populaire s’infiltre partout : dans les discussions de café, sur les plateaux de talk-show, dans les vidéos qui font des millions de vues, dans les spectacles de stand-up. Elle contribue à transformer les imaginaires collectifs en inversant la tendance : ce n’est plus être conservateur qui expose à la moquerie ou à la marginalisation, mais bien l’attitude woke qui, peu à peu, devient perçue comme rigide, moralisatrice… voire ringarde.

L’offensive anti-woke menée par Donald Trump a déclenché, aux États-Unis, un effet boomerang aussi prévisible que brutal : une partie du camp progressiste s’est radicalisée. Les discours se sont durcis, les postures sont devenues plus rigides, comme si l’intensité de la riposte devait être proportionnelle à la violence de l’attaque.

Cette radicalisation s’est également manifestée dans la rue. Depuis la réélection de Trump, plusieurs manifestations d’ampleur ont été organisées par des groupes progressistes. Le mouvement Hands Off! a ainsi mobilisé des millions de personnes à travers le pays pour dénoncer les politiques jugées régressives de l’administration sur les droits civiques, les questions de genre ou la diversité.

Des démocrates partagés, enclins à prendre leurs distances avec un mouvement qui a contribué à leur défaite…

Dans ce contexte, le Parti démocrate semble en pleine interrogation. Des figures comme Gavin Newsom, gouverneur de Californie, appellent à prendre de la distance avec les excès de la cancel culture et à rétablir une forme de bon sens politique. Il a récemment mis en cause l’image actuelle de son propre parti, la jugeant contre-productive, et a exprimé des réserves sur certaines revendications progressistes, notamment la participation des athlètes transgenres aux compétitions féminines. Ce repositionnement, encore discret, témoigne d’un malaise croissant dans l’aile modérée du progressisme.

Plus il est contesté, plus le wokisme se radicalise…

Mais c’est surtout en dehors des structures institutionnelles que l’on observe les mutations les plus marquantes. Deux dynamiques se distinguent : le mouvement 4B et ce que l’on appelle désormais le « dark woke ».

Le mouvement 4B, né en Corée du Sud, repose sur quatre refus : pas de relations sexuelles avec les hommes, pas de mariage, pas de maternité, pas de relations hétérosexuelles. Il a récemment trouvé un écho aux États-Unis, notamment via TikTok et Reddit, chez certaines femmes jeunes et diplômées. En réponse à la réélection de Trump, ce choix radical est présenté par ses militantes comme une protestation existentielle : non pas une simple critique du patriarcat, mais la conviction qu’il s’agit d’un système structurellement vicié, irréformable dans ses fondements. Dès lors, il ne s’agit plus de l’amender, mais de s’en extraire totalement — en refusant toute implication affective, sexuelle ou sociale avec les hommes.

Autre symptôme de ce durcissement : la dynamique dite dark woke. Ce terme désigne une frange du militantisme progressiste qui abandonne toute prétention au dialogue ou à la pédagogie, pour assumer une logique de confrontation directe — verbale, symbolique, et surtout numérique. Campagnes de harcèlement en ligne, appels à la censure immédiate, disqualification publique de toute voix jugée déviante : autant de pratiques devenues fréquentes dans certains cercles militants. Ce durcissement produit un climat délétère, y compris au sein du camp progressiste lui-même, où la radicalité devient parfois le seul étalon de légitimité.

Ces phénomènes, bien que minoritaires, signalent une évolution profonde : plus l’idéologie woke est attaquée, plus une partie de ses défenseurs se replie sur des positions extrêmes. Il ne s’agit plus de convaincre, mais de vaincre.

L’effet boomerang est là. Puissant. Inévitable. Et potentiellement explosif. 

« La France cherche-t-elle, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, à devenir le nouveau bastion mondial du wokisme ? »

Et cet effet boomerang ne s’arrête pas aux frontières des États-Unis. En France, il prend une tournure différente : à travers une diabolisation encore plus exacerbée des anti-wokes, mais aussi un positionnement idéologique de plus en plus affirmé de la part des autorités politiques.

La diabolisation des anti-wokes ne date pas d’hier. Depuis plusieurs années, critiquer le wokisme revient souvent à être accusé de tenir un discours réactionnaire, voire à être rangé du côté de l’extrême droite. Certains n’hésitent pas à qualifier les anti-wokes de fascistes. Mais depuis la réélection de Donald Trump, cette dynamique s’est nettement durcie. Le fait que Trump ait fait du combat contre le wokisme l’un des axes centraux de sa politique a eu un effet immédiat : toute critique du wokisme formulée en France est désormais perçue comme un signe de soutien à Donald Trump. Ce glissement renforce une mécanique de disqualification déjà solidement enracinée, devenue aujourd’hui plus agressive, plus directe et plus systématique.

Dans ce contexte, une question se pose : la France cherche-t-elle, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, à devenir le nouveau bastion mondial du wokisme ? Le récent appel lancé aux chercheurs américains ayant perdu leurs financements sous l’effet des décrets anti-wokes de Trump va dans ce sens. Cet appel, formulé en concertation avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ressemble à un signal politique fort : l’Union européenne — et la France en première ligne — se présentent désormais comme une terre d’accueil pour les intellectuels et militants désavoués par l’Amérique trumpienne. Une telle initiative n’est pas anodine : elle relève d’un positionnement idéologique assumé.

Une révolte populaire anti-woke ?

À première vue, l’effet Trump peut sembler contre-productif, tant aux États-Unis qu’en France : il crispe les positions, radicalise les postures et renforce la diabolisation. 

Mais dans le même temps, il a aussi puissamment contribué à la libération d’une parole critique. Partout, une contre-culture populaire anti-woke émerge, hors des circuits institutionnels. Elle n’occupe peut-être pas la une des journaux, mais elle s’installe durablement dans l’opinion publique. Et c’est elle qui pourrait bien devenir le véritable trublion, en remettant en cause le monopole culturel jusqu’ici détenu par les milieux dominants acquis aux idées dites progressistes.

En Europe, et notamment en France, les élites tentent d’enrayer cette dynamique, redoutant une forme de contagion. Mais les mouvements populaires sont, par nature, difficiles à contenir — et encore plus à faire taire.

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