Par Olivier d’Auzon
Avec le retrait progressif des puissances occidentales du Sahel, la Chine pourrait bien être en passe de renforcer son influence dans la région. Entre investissements dans les minerais stratégiques, ventes d’armes et médiation diplomatique, Pékin dispose de plusieurs leviers pour occuper le vide laissé par la France et les États-Unis.
Un désengagement occidental accéléré
Le paysage géopolitique du Sahel est en pleine recomposition. La France, historiquement influente dans la région, a vu ses troupes expulsées du Mali, du Burkina Faso et du Niger à la suite de coups d’État militaires.
D’autres pays comme le Tchad, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont également mis un terme à la présence militaire française sur leur sol.
Les États-Unis ne sont pas en reste : en janvier 2024, le Niger a dénoncé un accord autorisant environ 1 000 soldats américains à opérer sur son territoire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, accusant Washington d’adopter une « attitude condescendante ».
Ce retrait progressif de l’Occident crée un vide sécuritaire et politique dans une région déjà marquée par la menace persistante de groupes extrémistes tels que Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest.
Si la présence militaire occidentale n’a pas permis d’éradiquer ces menaces, son retrait suscite des interrogations : qui viendra combler ce vide stratégique ?
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Pékin à l’offensive : ses trois axes d’influence
La Chine, déjà présente dans le Sahel via ses investissements économiques, semble bien placée pour capitaliser sur cette nouvelle dynamique. Son influence pourrait s’accroître selon trois axes principaux :
1. L’essor des investissements dans les minerais critiques
Le Sahel regorge de ressources stratégiques, notamment en uranium, or, lithium et terres rares, des matières premières essentielles à la transition énergétique et aux technologies avancées. Pékin, qui s’est imposée comme un acteur clé de l’extraction et du raffinage des minerais à l’échelle mondiale, pourrait accentuer ses investissements dans la région.
Un précédent illustre bien cette tendance : la Chine finance la construction d’un siège pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Abuja, au Nigeria, pour un montant de 32 millions de dollars. Ce type d’engagement pourrait se multiplier, consolidant ainsi son influence auprès des gouvernements sahéliens.
2. La médiation régionale et la crise de la CEDEAO
Un autre levier pour Pékin réside dans son rôle potentiel de médiateur. Le récent retrait du Niger, du Burkina Faso et du Mali de la CEDEAO a profondément fragilisé l’organisation régionale, alimentant des tensions politiques et économiques. Contrairement aux Occidentaux, la Chine a toujours privilégié une diplomatie pragmatique, se gardant de toute ingérence politique directe.
Dans un contexte où les relations entre les juntes sahéliennes et l’Occident se dégradent, Pékin pourrait se positionner comme un partenaire « neutre » capable de faciliter le dialogue entre ces États et leurs voisins. Ce rôle diplomatique renforcerait sa légitimité et son ancrage dans la région.
3. Une présence accrue sur le marché des armes
Enfin, la Chine pourrait accroître ses exportations d’armement vers les pays sahéliens. Pékin est déjà un fournisseur majeur d’équipements militaires en Afrique, proposant des armes à des coûts inférieurs à ceux des fournisseurs occidentaux et sans exiger de contreparties politiques.
Dans un contexte où les armées sahéliennes cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement après la rupture avec Paris et Washington, les fabricants chinois pourraient tirer leur épingle du jeu. Cette dynamique s’inscrit dans une tendance plus large : selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), la Chine est aujourd’hui le quatrième exportateur mondial d’armes, avec une présence croissante en Afrique.
Un contexte international favorable à Pékin
L’évolution du contexte international pourrait aussi jouer en faveur de la Chine. Aux États-Unis, l’administration Trump, réputée pour son approche transactionnelle et imprévisible des relations internationales, pourrait inciter plusieurs pays africains à renforcer leurs liens avec Pékin.
La décision de Washington de réduire ou geler l’aide au développement, notamment via la suppression de l’USAID, laisse un vide que la Chine pourrait exploiter pour asseoir son influence à travers des investissements stratégiques et des projets d’infrastructure.
Vers une nouvelle ère d’influence chinoise au Sahel ?
Si la Chine a longtemps été perçue comme un acteur économique en Afrique, son rôle dans le Sahel pourrait évoluer vers une approche plus stratégique combinant investissements, diplomatie et coopération sécuritaire.
Toutefois, plusieurs incertitudes demeurent. Pékin acceptera-t-elle de s’impliquer plus directement dans les questions sécuritaires, un domaine où elle a jusqu’ici adopté une posture prudente ? Les gouvernements sahéliens, qui prônent une souveraineté renforcée, seront-ils prêts à s’aligner davantage sur les intérêts chinois ?
Ce qui est certain, c’est que la recomposition en cours dans le Sahel ouvre une nouvelle phase de rivalité géopolitique où la Chine, en embuscade, pourrait bien redéfinir les équilibres de pouvoir.
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