Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.
Pendant la campagne électorale pour son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a transformé les cryptomonnaies en un enjeu politique majeur. Ce n’était pas seulement une manœuvre stratégique pour capter le soutien d’un électorat émergent, mais aussi le prélude à un changement radical de la politique économique des États-Unis. Son attitude envers le Bitcoin est passée du mépris à une promotion enthousiaste, nourrissant l’idée que son administration pourrait faire des États-Unis le leader mondial de l’industrie des monnaies numériques.
Le tournant décisif a été son intervention lors de la Bitcoin Conference de Nashville, un événement destiné à parler directement à la communauté crypto, qui compte désormais des millions d’investisseurs américains, allant des petits épargnants aux grandes entreprises et aux fonds d’investissement. Lors de cet événement, Trump a exposé une vision où le Bitcoin n’était pas seulement un actif spéculatif, mais un pilier de la politique économique nationale, comparant son émergence aux révolutions industrielles qui ont façonné l’économie américaine.
Un des éléments centraux de sa proposition était la conservation de tous les Bitcoin saisis par le gouvernement, afin de les transformer en une réserve stratégique permanente. Aujourd’hui, le gouvernement américain détient plus de 210 000 Bitcoin, principalement issus de saisies dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité et les marchés illégaux du dark web. Jusqu’à présent, la politique en place consistait à les vendre progressivement et à les convertir en monnaie traditionnelle. Trump a proposé de les conserver et d’en accumuler davantage, créant ainsi une réserve sur le modèle de celle de l’or.
Cette position s’aligne avec le plan législatif déjà proposé par certains élus républicains, en particulier la sénatrice Cynthia Lummis, fervente défenseuse de l’intégration des cryptomonnaies dans l’économie américaine. Lummis avait déjà suggéré que les États-Unis achètent un million de Bitcoin pour renforcer leur position dans le secteur. Sous la nouvelle administration, cette proposition pourrait connaître une accélération significative.
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En plus de la gestion des réserves stratégiques, un autre axe clé de la campagne électorale a été le soutien inconditionnel à l’industrie du minage de Bitcoin. Avec la Chine ayant imposé des restrictions sur le secteur, les États-Unis sont devenus le principal hub mondial pour l’extraction de cryptomonnaies, mais les politiques environnementales de l’administration Biden ont compliqué son expansion. Trump a promis d’éliminer les réglementations jugées pénalisantes, en facilitant la construction de nouvelles fermes de minage et en encourageant l’utilisation de sources d’énergie traditionnelles, y compris les combustibles fossiles. L’objectif affiché est de faire des États-Unis le leader mondial du minage de Bitcoin, en exploitant les ressources énergétiques domestiques et en offrant des conditions favorables aux investisseurs.
Un autre point sur lequel Trump a insisté pendant la campagne est son refus catégorique de la création d’une monnaie numérique de banque centrale (CBDC), un projet que la Réserve fédérale envisageait afin de moderniser le système de paiements et de faciliter les transactions financières. Tandis que de nombreux pays explorent cette option, Trump s’est positionné en opposition totale, affirmant qu’une CBDC représenterait une menace pour la liberté économique et la vie privée des citoyens. Cette posture a trouvé un écho favorable auprès des libertariens et des partisans d’un marché libre échappant au contrôle des États.
Un des principaux adversaires des cryptomonnaies ces dernières années a été Gary Gensler, président de la Securities and Exchange Commission (SEC), qui a adopté une approche stricte contre le secteur crypto. Sous son mandat, la SEC a engagé de nombreuses poursuites contre les plateformes d’échange et les sociétés du secteur, imposant de nouvelles régulations. Trump a fait de son éviction une promesse de campagne, affirmant qu’il le remplacerait par une figure favorable à la dérégulation. Cette annonce a été accueillie avec enthousiasme par les investisseurs en cryptomonnaies, qui considèrent la SEC comme un frein à l’expansion de l’industrie.
Après la victoire électorale, les promesses de campagne se sont rapidement traduites en actions concrètes. Une des premières décisions de la nouvelle administration a été de nommer David Sacks responsable des politiques sur les cryptomonnaies et l’intelligence artificielle. Ancien CEO de PayPal et proche collaborateur d’Elon Musk, Sacks défend une vision pro-marché et une réduction des interventions gouvernementales. Il partage la conviction de Trump selon laquelle les États-Unis doivent devenir la capitale mondiale de la finance décentralisée.
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En parallèle, Trump a remplacé Gary Gensler à la tête de la SEC et l’a remplacé par Paul Atkins, un spécialiste de la régulation financière connu pour ses positions favorables à la réduction des restrictions sur les cryptomonnaies. Ce changement a eu un impact immédiat sur le marché, avec une augmentation des volumes de transactions sur les principales plateformes d’échange, et un regain de confiance des investisseurs.
Le plan pour la création d’une réserve stratégique de Bitcoin est entré dans sa phase d’application, avec le Trésor américain annonçant la suspension de la vente des Bitcoin saisis. L’administration étudie les meilleures options pour augmenter la quantité de Bitcoin détenue par l’État, marquant ainsi un tournant dans la politique économique américaine. Cette décision intègre Bitcoin comme un élément stratégique majeur dans la gestion financière des États-Unis.
Sur le plan du minage de Bitcoin, les premières mesures gouvernementales ont été conformes aux engagements électoraux. Les restrictions environnementales limitant l’expansion des fermes de minage ont été levées, et des incitations fiscales ont été approuvées pour soutenir le secteur. L’objectif affiché est de positionner les États-Unis comme la plaque tournante mondiale du minage de Bitcoin, en exploitant les ressources énergétiques locales et en offrant un cadre législatif favorable aux investisseurs.
Alors que le gouvernement soutient activement le Bitcoin comme une ressource stratégique, les liens entre la famille Trump et l’industrie crypto se renforcent. Eric Trump, fils du président, est un acteur clé de The DeFiant Ones, une plateforme d’échange de cryptomonnaies qui se développe à l’international. Sa participation à la Bitcoin Conference d’Abu Dhabi a été perçue comme un signe d’intérêt croissant de l’administration pour les marchés financiers du Moyen-Orient, où les cryptomonnaies deviennent un actif stratégique majeur.
La présidence de Donald Trump marque un tournant décisif dans la politique économique américaine, en déplaçant le centre de gravité de la finance traditionnelle vers un modèle basé sur les cryptomonnaies et la dérégulation des marchés numériques. Reste à savoir si cette stratégie permettra aux États-Unis de dominer le secteur, ou si elle entraînera une instabilité financière accrue. Ce qui est certain, c’est que le rôle du Bitcoin dans l’économie américaine ne sera plus jamais le même.
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