EXCLUSIF – Le Grand Entretien du Diplomate avec le député Guillaume Bigot

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Portrait du député français Guillaume Bigot devant les drapeaux de la France et de l’Algérie, symbolisant le débat parlementaire sur la dénonciation des accords franco-algériens de 1968 à l’Assemblée nationale.
Réalisation Le Lab Le Diplo

Le jeudi 30 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté, à une voix près (185 pour, 184 contre), une proposition de résolution du Rassemblement National (RN) portée par le député Guillaume Bigot, visant à dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968.

Signés à une époque où la France répondait à des besoins de main-d’œuvre et à des logiques migratoires profondément différentes, ces accords sont progressivement apparus, aux yeux de la droite souverainiste, comme un « statut dérogatoire » accordé aux ressortissants algériens — voire comme un dispositif aux conséquences migratoires, budgétaires et diplomatiques considérablesUn rapport parlementaire estime d’ailleurs leur coût à près de 2 milliards d’euros par an.

Au-delà du symbole — et bien que cette résolution n’ait, pour l’heure, aucune portée juridique contraignante —, le vote traduit une volonté politique claire : refonder la relation franco-algérienne sur des bases nouvelles et réaffirmer la souveraineté de la France dans la conduite de sa politique migratoire et de coopération.

Dans ce contexte, Le Diplomate Média a souhaité s’entretenir avec Guillaume Bigot, politologue, député RN de la 2e circonscription le Territoire de Belfort et acteur central de cette initiative parlementaire, afin de mieux comprendre les motivations, les objectifs et les conséquences attendues de ce texte — tant pour la France que pour l’Algérie et leurs relations — ainsi que ses répercussions sur la scène politique nationale.

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Propos recueillis par Alexandre Raoult 

Le Diplomate : Tout d’abord, pouvez-vous rapidement revenir sur le contenu des accords franco-algériens de 1968 ? Qu’est-ce qui vous a motivé à porter la proposition de résolution visant à dénoncer ces accords ?

Guillaume Bigot : L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est un texte qui a créé un véritable statut dérogatoire pour les ressortissants algériens en France. Concrètement, il leur accorde des privilèges considérables par rapport aux autres étrangers : accès au RSA et à l’ASPA sans condition de durée de résidence, regroupement familial facilité avec des revenus au niveau du SMIC seulement, et surtout, une quasi-impossibilité de les expulser même après des condamnations pénales.

Ce qui m’a motivé à porter cette résolution, c’est d’abord la conviction que la France doit retrouver sa grandeur. Et cette grandeur passe par le respect d’elle-même. Or, depuis des années, nous assistons à une succession d’humiliations diplomatiques : Boualem Sansal emprisonné, Christophe Gleizes détenu, nos diplomates expulsés, et l’Algérie qui refuse systématiquement de reprendre ses ressortissants criminels.

La diplomatie de l’apaisement menée par Jean-Noël Barrot a échoué sur toute la ligne. Il est temps d’engager un véritable bras de fer avec l’Algérie, un rapport de force assumé, pour que notre pays soit enfin respecté. La fermeté n’est pas de l’hostilité, c’est simplement un gage de respect mutuel.

Au-delà du symbole, quels objectifs concrets poursuivez-vous avec cette résolution ? S’agit-il simplement d’un message politique, ou d’un préalable à une action législative ou diplomatique plus large ? 

Cette résolution poursuit plusieurs objectifs complémentaires.

D’abord, c’est un message politique fort qui traduit la volonté démocratique de 66% des Français qui souhaitent abroger ces accords avec l’Algérie. Le vote de l’Assemblée nationale légitime démocratiquement cette demande populaire.

Ensuite, c’est un prélude indispensable à une action législative. En adoptant cette résolution, nous contraignons le gouvernement à se pencher sérieusement sur le sujet. Il ne pourra plus esquiver la question en prétendant que c’est un “sujet d’extrême droite”. Le rapport du député macroniste Charles Rodwell, que nous citons abondamment, démontre que même le camp présidentiel reconnaît l’obsolescence et le coût exorbitant de cet accord.

Enfin, c’est donner raison aux positions que le Rassemblement National défend depuis des années. Nous avions raison, les faits le prouvent, et nous réussissons à agir.

Vous évoquez dans le texte l’existence d’un « régime dérogatoire » qui favorisait l’immigration algérienne depuis plus de cinquante ans. Comment estimez-vous que la dénonciation (et donc l’abrogation) de cet accord pourrait concrètement modifier la politique migratoire de la France ? 

La dénonciation de cet accord permettrait de rétablir l’égalité républicaine entre tous les étrangers présents sur notre territoire.

Concrètement, les ressortissants algériens seraient soumis au droit commun, exactement comme les Marocains, les Tunisiens ou les Sénégalais. Cela signifie par exemple sur les prestations sociales que nous réintroduisons pour les Algériens des conditions de durée de résidence (cinq ans pour le RSA, dix ans pour l’ASPA) comme c’est déjà le cas pour tous les autres étrangers. Sur le regroupement familial, nous appliquerons pour les Algériens les mêmes critères de ressources que pour les autres nationalités, avec des revenus suffisants hors allocations sociales. La dénonciation permet également d’ouvrir la perspective de la fin de la pompe aspirante crée par ces privilèges jusqu’ici octroyés aux Algériens.

Cette dénonciation, c’est simplement appliquer le principe d’égalité inscrit dans notre Constitution. Ni privilège, ni discrimination : le droit commun pour tous.

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Cette décision marque-t-elle, selon vous, un tournant dans la diplomatie française vis-à-vis de l’Algérie ? Quels seront, à votre avis, les effets possibles sur les relations bilatérales (coopération, échanges, retour des ressortissants algériens, renseignements, visas, OQTF etc.) ? 

Oui, cette décision marquera un tournant historique dans notre relation avec l’Algérie, mais contrairement à ce que certains prétendent, ce n’est pas nécessairement négatif.

Regardons les faits : depuis des années, la France multiplie les concessions, verse des milliards, accorde des privilèges considérables. Et qu’obtient-elle en retour ? Du mépris, des refus de coopération systématiques, des humiliations diplomatiques répétées.

La dénonciation de l’accord établirait enfin un véritable rapport de force. Et soyons clairs : l’Algérie a beaucoup plus à perdre que nous dans cette confrontation. Avec un PIB vingt fois inférieur au nôtre, une économie dépendante de la rente pétrolière et gazière, le régime d’Alger ne peut pas se passer des visas que nous accordons à ses élites ni des flux financiers considérables entre nos deux pays.

Sur les effets concrets, au niveau de la coopération sécuritaire, l’argument souvent brandi est fallacieux. L’Algérie a déjà arrêté toute coopération pendant les Jeux Olympiques, comme l’a révélé Bruno Retailleau. Cette coopération ne doit pas être un élément de chantage.

À propos des OQTF et des expulsions, c’est précisément une autre raison de notre vote. Aujourd’hui, l’Algérie refuse 95% des laissez-passer consulaires. La dénonciation nous permettrait de suspendre l’octroi de visas aux Algériens tant qu’Alger refusera de reprendre ses ressortissants criminels.

S’agissant des visas, c’est notre levier principal. Les élites algériennes ont besoin de venir en France. Nous pouvons conditionner l’octroi de visas à la coopération algérienne sur les expulsions.

Les médias relaient un chiffre d’un coût estimé d’environ deux milliards d’euros par an lié à l’application de cet accord dans ses effets migratoires. Vous pensez donc que la dénonciation de cet accord est aussi une question de justice budgétaire et d’intérêt national ? Quel message adressez-vous aux Français, aux contribuables et aux électeurs ? 

Absolument, c’est une question cruciale de justice budgétaire et d’intérêt national.

Le rapport Rodwell établit un coût net d’au moins deux milliards d’euros par an. Deux milliards ! Dans un contexte où le gouvernement impose des économies drastiques aux Français, où nos retraités vivent avec moins de 1000 euros par mois, où nos agriculteurs sont en détresse, où nos hôpitaux manquent de moyens, comment justifier de continuer à verser deux milliards d’euros par an dans un système qui ne fonctionne pas ?

Notre message aux Français est simple et direct : cet argent est le vôtre. Ce sont vos impôts, vos cotisations sociales, votre travail qui financent ce système. Ces deux milliards pourraient aller à nos retraités, à nos agriculteurs, à nos hôpitaux, à nos écoles, à la sécurité de nos concitoyens.

Aux Français, je dis que vous avez le droit d’exiger que chaque euro prélevé soit utilisé à bon escient, avec justice et équité. Financer des privilèges basés sur la nationalité, ce n’est pas de la solidarité, c’est du gaspillage organisé.

Je m’adresse aux électeurs, aux adhérents et aux militants du Rassemblement National : vous avez eu raison de nous faire confiance. Nous vous avions promis de nous battre pour mettre fin à ces injustices. Aujourd’hui, nous tenons parole. Cette résolution, c’est votre victoire autant que la nôtre.

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Le vote a été adopté grâce à un soutien externe du groupe Les Républicains (LR) et du groupe Horizons, ce qui marque, comme l’a souligné la presse, une « victoire historique » pour le RN. Dans ce cadre, comment envisagez-vous ces alliances ponctuelles et plus largement la place que doit occuper le RN dans un hypothétique futur rapport de force institutionnel ?

Je tiens d’abord à saluer avec beaucoup d’humilité le courage des députés Les Républicains et Horizons qui ont voté cette résolution. Ils ont fait passer l’intérêt national avant les calculs politiciens. Ils ont accepté de voter un texte sur son fond, sur sa qualité, sur sa justesse, plutôt que sur son étiquette.

Ce vote historique démontre plusieurs choses fondamentales.

D’abord, le Rassemblement National convainc au-delà de ses bancs. Nous ne sommes plus un parti de protestation, nous sommes un parti de proposition. C’est la preuve que nos analyses sont justes et que nos solutions sont pertinentes.

Ensuite, le cordon sanitaire se fissure. Progressivement, nos adversaires politiques comprennent qu’on peut voter un bon texte même s’il vient du RN. Le pragmatisme commence à l’emporter sur l’idéologie. C’est une excellente nouvelle pour la France.

Cette première victoire en entraînera d’autres. Nous avons d’autres propositions concrètes sur la sécurité, le pouvoir d’achat, l’énergie, la ruralité. Si LR et Horizons continuent à voter sur le fond plutôt que sur l’étiquette, nous pouvons obtenir de vraies avancées pour les Français.

Sur notre place dans le futur rapport de force institutionnel, je suis convaincu que le RN est appelé à jouer un rôle central. Nous sommes le premier parti de France. Nous représentons une partie considérable du peuple français. On ne peut pas éternellement nous marginaliser, nous diaboliser, nous exclure du jeu démocratique normal.

Ce que nous voulons, c’est simple : que nos propositions soient jugées sur leur mérite, pas sur notre étiquette. Que les débats portent sur le fond, pas sur les postures. Que l’intérêt national l’emporte sur les calculs partisans.

Le vote d’aujourd’hui prouve que c’est possible. C’est un premier pas historique. Nous continuerons, avec la même détermination, la même rigueur, et la même humilité, à servir l’intérêt des Français qui nous font confiance.

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