Par Olivier d’Auzon
Le conflit en cours au Soudan entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) a gravement déstabilisé le pays depuis avril 2023. Cette guerre a non seulement aggravé les divisions internes du Soudan, mais elle a aussi impliqué des acteurs régionaux et internationaux, exacerbant les tensions au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.
La récente déclaration du lieutenant-général Yasir Al-Atta, menaçant directement les aéroports tchadiens, marque une escalade dans la rhétorique soudanaise.
Elle reflète une profonde frustration face à ce que Khartoum perçoit comme une ingérence étrangère dans le conflit.
Cette accusation fait suite aux affirmations antérieures du Soudan selon lesquelles les Émirats arabes unis (EAU) auraient fourni des drones de fabrication chinoise aux RSF, lancés depuis le Tchad, compliquant ainsi davantage la sécurité régionale.
Principales implications
1. Escalade Géopolitique et Régionale
- Relations Soudan-Tchad : Le Soudan et le Tchad entretiennent une relation historiquement tendue, façonnée par des conflits frontaliers, des mouvements rebelles et des tensions ethniques au Darfour. Bien que le Tchad ait officiellement maintenu une position neutre, l’armée soudanaise perçoit N’Djamena comme complice du conflit. Une attaque directe contre les aéroports tchadiens, si elle était menée, constituerait un acte de guerre et pourrait déclencher une confrontation régionale plus large.
- Rôle des Émirats arabes unis : Les EAU sont accusés d’alimenter les conflits au Soudan, en Libye et au Sahel en fournissant un soutien militaire à diverses factions. La menace publique du Soudan contre les Émirats intensifie la pression diplomatique et pourrait conduire à un examen international plus approfondi du rôle d’Abu Dhabi dans les conflits africains.
- Réaction potentielle du Tchad : Le président tchadien Mohamed Idriss Déby (appelé Mohamed Kaka) dispose d’un soutien militaire et d’alliances avec des partenaires occidentaux et africains. Toute agression soudanaise pourrait entraîner une riposte du Tchad, éventuellement avec l’appui de la France ou d’autres acteurs ayant des intérêts stratégiques dans la région.
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2. Stratégie militaire et faisabilité des menaces du Soudan
- Capacités militaires du Soudan : Bien que les forces armées soudanaises disposent d’une puissance conventionnelle importante, elles sont actuellement surchargées en raison du conflit prolongé contre les RSF. Une attaque contre les aéroports tchadiens nécessiterait une coordination logistique, une puissance aérienne ou des capacités de missiles, qui restent limitées.
- Préparation à la défense du Tchad : Le Tchad dispose d’une armée bien équipée, encore soutenue par la France, et contrôle fermement ses infrastructures stratégiques. Toute attaque soudanaise se heurterait probablement à une résistance forte et pourrait provoquer une réponse internationale.
3. Conséquences Diplomatiques et Juridiques
- Violation du droit international : Le ciblage d’aéroports civils constituerait un acte d’agression au regard du droit international, susceptible de déclencher une condamnation mondiale et d’éventuelles sanctions contre les dirigeants militaires soudanais.
- Instabilité régionale : Une escalade militaire entre le Soudan et le Tchad pourrait déstabiliser davantage le Sahel, déjà en proie aux insurrections, aux coups d’État et aux interventions étrangères. Cela pourrait aggraver les déplacements de population, les violences transfrontalières et les perturbations économiques.
- Médiation africaine et internationale : Des organisations comme l’Union africaine (UA), les Nations unies (ONU) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pourraient intervenir diplomatiquement pour prévenir toute escalade.
La menace du lieutenant-général Al-Atta d’attaquer les aéroports tchadiens représente une dangereuse escalade du conflit soudanais. Elle reflète à la fois la frustration militaire et les calculs stratégiques de Khartoum. Toutefois, la mise en œuvre d’une telle menace reste incertaine en raison des contraintes logistiques et diplomatiques. Néanmoins, une rhétorique aussi agressive accroît les risques d’une confrontation régionale plus large.
La communauté internationale, en particulier l’UA, l’ONU et les puissances régionales, doit agir rapidement pour désamorcer les tensions et encourager la médiation entre le Soudan, le Tchad et les autres acteurs impliqués, afin d’éviter un conflit d’ampleur.
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