Par Olivier d’Auzon
La montée des BRICS en Asie du Sud-Est : un signe de Changement
Récemment, quatre pays de l’ASEAN — la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam et la Thaïlande — ont fait un choix audacieux en postulant pour rejoindre les BRICS, un groupe d’États que l’on associe traditionnellement aux puissances émergentes, principalement dirigées par la Chine.
Cette décision marque un tournant stratégique pour ces nations, longtemps considérées comme des partenaires fidèles du bloc occidental. Cependant, cette initiative a créé des vagues dans la région et au-delà, avec des opinions divergentes sur les motivations et les conséquences de cette quête d’adhésion.
Un choix entre l’Occident et la Chine : les Limites de l’ASEAN
Les analystes partagent deux visions opposées concernant les aspirations de ces pays de l’ASEAN : certains y voient un éloignement des institutions dirigées par l’Occident, un signe de faiblesse de l’ordre international existant et un glissement vers une alternative dirigée par la Chine. D’autres, plus optimistes, interprètent cette démarche comme un comportement typique de “couverture”, un moyen pour ces nations de maintenir leur indépendance tout en naviguant habilement entre les superpuissances mondiales.
Mais une question essentielle demeure : pourquoi ces pays se retrouvent-ils dans cette situation de choix difficile entre l’Occident et la Chine, avec si peu de possibilités d’alignement ? L’ASEAN, avec ses principes d’alignement multiple et ses engagements envers la neutralité, trouve de plus en plus difficile de concilier les attentes contradictoires des grandes puissances. Les BRICS offrent une nouvelle voie, mais cette option n’est pas sans risques.
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Le Japon : une alternative nécessaire mais très largement sous-exploitée
Au milieu de ce contexte complexe, le Japon émerge comme une alternative potentielle. Bien que traditionnellement perçu comme un allié stratégique des États-Unis, le Japon a les ressources et les qualités nécessaires pour se positionner comme un leader régional à part entière, capable d’offrir une troisième voie entre les deux blocs dominants.
Cependant, malgré sa position privilégiée dans la région, le Japon n’a pas encore su capitaliser pleinement sur son potentiel de leadership dans le contexte actuel, souligne Bryan Tan Jia Yang de l’ASEAN – Japan Centre, dans East Asia Forum, le 15 février 2025.
L’alignement du Japon avec l’ASEAN repose sur des bases solides, que ce soit à travers sa stratégie du “Pacifique Libre et Ouvert” ou ses engagements en faveur des institutions multilatérales telles que l’Organisation Mondiale du Commerce et la Cour Internationale de Justice. Ces initiatives sont en totale contradiction avec la direction de plus en plus autoritaire de la Chine et la politique isolée des États-Unis, créant ainsi un espace où le Japon pourrait se positionner comme un leader neutre.
La stratégie du japon : Un modèle de leadership pragmatique
Loin d’une simple réaction passive aux dynamiques de pouvoir, le Japon dispose d’une vision claire et cohérente pour la région. Sa diplomatie, axée sur le respect des lois internationales et la préservation de l’ordre mondial fondé sur des règles, contraste fortement avec les approches réactives et parfois destructrices des grandes puissances. Le Japon a montré sa capacité à mener des projets de grande envergure, comme le Partenariat Transpacifique (CPTPP) ou la Banque Asiatique de Développement. Ces initiatives ont trouvé un écho favorable parmi de nombreux pays de la région, qui les voient comme un contrepoids aux influences grandissantes de la Chine et aux incertitudes générées par l’Amérique.
Cependant, pour que le Japon devienne un acteur véritablement influent, il lui faut créer un espace politique plus large et inclusif. Un groupe informel d’États partageant les mêmes valeurs, sans nécessairement se soumettre à une organisation aussi contraignante que les BRICS, pourrait bien être la clé. Une telle coalition pourrait répondre à l’aspiration des pays de la région à conserver leur souveraineté tout en soutenant un ordre international stable et basé sur le droit.
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L’Indo-Pacifique : Un terrain d’opportunités pour le Japon
Dans un monde où la compétition entre grandes puissances atteint des niveaux de tension croissants, l’Indo-Pacifique représente un terrain stratégique crucial. Le Japon, tout en jouant un rôle déterminant dans l’orientation de la région, doit éviter de se laisser entraîner dans un jeu de forces opposées. Il peut choisir de promouvoir un modèle de coopération fondé sur le respect mutuel, la souveraineté et la prospérité partagée.
Avec la montée des BRICS, le Japon doit saisir l’occasion d’établir une voie alternative, qui offre aux pays de la région un moyen d’éviter la polarisation tout en restant actifs sur la scène mondiale. Cette alliance informelle, loin d’être un simple contrepoids aux BRICS ou aux États-Unis, pourrait devenir un symbole de résilience et d’indépendance pour l’Indo-Pacifique.
Le Japon, en dépit de son rôle historique en Asie, semble encore sous-estimé en tant que leader régional. Cependant, en prenant l’initiative de créer une coalition ouverte, basée sur des principes de droit international et de coopération pacifique, il pourrait émerger comme une figure centrale de la nouvelle architecture géopolitique de l’Indo-Pacifique. Une telle démarche n’impliquerait pas un rejet du modèle BRICS, mais plutôt l’instauration d’un équilibre, où les pays de la région pourraient prospérer dans un système mondial respectueux des règles
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Olivier d’Auzon est consultant juriste auprès des Nations unies, de l’Union européenne et de la Banque mondiale. Il a notamment publié : Piraterie maritime d’aujourd’hui (VA Éditions), Et si l’Eurasie représentait « la nouvelle frontière » ? (VA Éditions), L’Inde face à son destin (Lavauzelle), ou encore La Revanche de Poutine (Erick Bonnier).